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CPE : le gouvernement fait front à la grogne de la rue

Rédigé par Nadia Sweeny | Lundi 20 Mars 2006 à 16:16

Dans un contexte d’affrontement social sur le Contrat première embauche (CPE), le gouvernement reste déterminé. Après une manifestation de masse samedi 18 mars, les mouvements anti-CPE maintiennent la pression et appellent à une grève interprofessionnelle jusqu’au retrait complet de la loi sur l’égalité des chances. Retour sur un bras de fer tendu.



Une manifestation réunificatrice

le 18 mars à Paris.

Samedi 18 mars, entre 530 000 et 1,5 million de personnes, selon la police et les organisateurs, sont descendues dans les rues de France pour affirmer leur désaccord à propos du nouveau contrat d’embauche établi par le gouvernement. Cette manifestation démontre la réunification des générations sur le sujet. Lorsque les étudiants affirment que la politique du gouvernement se résume par « deux pas en avant, trois siècles en arrière », les lycéens crient « résistance ! » ; ce sont ensuite aux salariés de s’exprimer : « De Villepin Chirac et Sarkozy, votre période d’essai est fini !». Tous s’unissent pour s’exclamer « le gouvernement au carsher !! ».

Aujourd’hui encore, deux tiers des 84 universités du pays continuent d'être bloquées, telle que la Sorbonne à Paris. Beaucoup de ses étudiants étaient d’ailleurs présents samedi scandant haut et fort : « La Sorbonne est à nous, on s’est battu pour la gagner on se battra pour la garder ! »

Le chef du syndicat CGT Bernard Thibault est clair : «Ce qui est attendu, c'est le retrait et en aucun cas des discussions pour mettre en oeuvre une mauvaise mesure». Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale, a estimé quant à lui que « donner l'ordre à l'Etat par un ultimatum de ne pas appliquer ou de retirer une loi votée par le Parlement, c'était porter atteinte à la République et à la démocratie ».

Affrontements

Place de la Nation, 18 mars 2006.

A chaque manifestation, des affrontements ont lieu avec les forces de l’ordre. De nombreuses échauffourées se sont déroulées samedi, dans toute la France. Certains étudiants regrettent cette violence « ça ne sert à rien de jeter des projectiles sur les CRS. Ca ne va pas faire avancer les choses ! » Me confie Laurent, jeune sans-emploi.

Un couple d’étudiants cependant défend ses positions : « ce n’est pas vrai: sans casses, le mouvement ne passe pas au vingt heure à la télévision et n’a pas autant d’écho !! Pour se faire entendre il faut tout péter !! ». Samedi, à Paris, 167 manifestants ont été interpellés et 70 sont encore en garde à vue. Les affrontements ont fait 34 blessés du côté de la police et 18 manifestants.

L'écho est de plus en plus palpable; le mouvement gagne les foyers français : 68% d'entre eux veulent désormais le retrait du CPE. Pour Dominique De Villepin, il semblerait que ce bras de fer soit décisif pour son éventuel présence aux élections présidentielles. Un sondage CSA paru dimanche révèle que la côte de popularité du premier ministre fond : -15 points en deux mois, soit 6 millions d'électeurs passés de la satisfaction au mécontentement. Près de 46 % des Français le jugent « trop autoritaire » et 62 % des moins de 30 ans « pas à la hauteur des événements».

Contrat Première Embauche


Toutes ces générations se sont réunies pour rejeter la "précarité" du Contrat première embauche (CPE) censé relancer l'emploi des jeunes. La première chose que les contestataires rejettent, c’est le risque de licenciement systématique au bout de deux ans.

Les abus que pourraient perpétrer les entreprises seraient d’engager des jeunes CPE, de les licencier au bout de deux ans, sans motifs réels, pour pouvoir ainsi réengager d’autre CPE et bénéficier des avantages fiscaux. Nous connaissons déjà les abus que les différents stages engendrent dans certaines entreprises, et le peu de recours légaux que détiennent les stagiaires.

Selon la nouvelle loi, la rupture du CPE répond à un régime propre assez proche de la période d'essai. Elle implique un préavis et des indemnités. Sauf faute grave de sa part, le salarié bénéficie d'une indemnité de rupture de 8% quand l'employeur en est à l'origine. Par ailleurs, l'employeur verse aux Assedics un montant égal à 2 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat. Si son contrat est rompu après quatre mois passés dans l'entreprise, le titulaire d'un CPE touchera, en plus de l'indemnité de rupture, une allocation forfaitaire de 490 € par mois pendant deux mois (16.40 euros par jour).
La clause de licenciement sans motivation écrite annule, en principe, toute invocation à la jurisprudence ancienne du droit du travail, les lois écrites ayant priorité. C'est le point sensible de cette loi.

Lise Marie, (derrière le panneau) étudiante salariée.
« Ce sont de fausses réformes. Ça ne règlera pas le problème du chômage des jeunes, ça va convertir la stabilité en précarité. C’est une régression énorme dans la lutte des classes. »

Morad, fonctionnaire
« Il y en a marre d’une société à deux vitesses, l’une pour les riches l’autre pour les pauvres. L’écart se creuse. Les jeunes sont inquiets pour leur avenir et je les soutiens. Ce sont eux qui vont, dans le futur, payer la facture des politiques d’aujourd’hui ! »