Le congrès de l’UOIF vu par Libération.
Ce week-end, j’ai cru avoir assisté, pour la première fois d’ailleurs, au congrès de l’UOIF qui, à défaut d’autres événements de portée nationale, est devenu objectivement un congrès des musulmans de France.
La couverture de cet de cet événement par le Journal Libération dans son édition du 21 Avril 2003, m’amène à penser que leur équipe et moi n’avons, de toute évidence, pas assisté à la même manifestation.
En effet, Messieurs et Mesdames les reporters du Libé, vous avez vu dans la foule un étudiant qui affirmait que « sa future femme et ses éventuelles filles seront voilées ». J’ai vu des jeunes femmes voilées et citoyennes actives qui dénonçaient la ségrégation scolaire, universitaire, professionnelle et sociale dont elles sont les victimes en France.
Vous avez vu des «Tchador». J’ai vu des voiles musulmans.
Vous avez vu une boisson «militante, censée détrôner les sodas américains ». J’ai vu des musulmans exprimer une demande de produits éthiques qui respectent leurs valeurs.
Vous avez vu un « Mohamed qui passe en haussant les épaules » et qui dénonce « la récupération commerciale». J’ai vu des Français musulmans applaudir les premières initiatives économiques pour répondre à la sensibilité de dix pourcents de nos concitoyens.
Vous avez vus « aux quatre coins du hall d'exposition, des hommes haranguant la foule, tenant entre eux un drap blanc dans lequel les gens jettent leur don ». J’ai vu des Français faire appel à la générosité de leurs coreligionnaires pour construire des lieux de culte dignes de l’Islam et des Musulmans sans qu’il soit nécessaire de faire appel à l’argent du contribuable.
Vous avez vu un ministre « faire beaucoup pour l'UOIF en lui permettant de participer aux élections du CFCM ». J’ai vu un facilitateur travailler à ce que ce soit les musulmans qui élisent leurs représentants.
Vous avez vu un gouvernement qui « ne veut pas courir le risque que cette organisation impose sa vision de l'islam ». J’ai vu le ministre de l’intérieur d’un Etat laïc, c'est-à-dire incompétent au sens juridique du terme en matière religieuse, déclarer que la République n’a pas de préférences religieuses.
Vous avez vu une contradiction (un double langage ?) dans ce que l’UOIF « fournisse des avocats aux jeunes filles exclues de l'Education nationale pour cause de foulard » et déclare néanmoins que «si demain une loi était adoptée pour interdire le foulard islamique, il faudra la respecter». J’ai vu la mise en pratique de valeurs musulmanes fondamentales : la compassion, la liberté religieuse et le respect de la loi.
Vous avez entendu « les huées qui ont accompagné les propos de Nicolas Sarkozy sur l'obligation de figurer tête nue sur les photographies officielles ». J’ai vu et entendu la standing-ovation qui a accueilli les déclarations du ministre selon lesquelles « loin d'être ennemie des religions, la Laïcité pose le principe que la République garantit l'exercice du culte, de tous les cultes ».
Vous avez compris que ces huées étaient « l’aveu que les fondamentalistes ne sont pas seulement porteurs d'une sensibilité religieuse mais aussi d'un projet global qui vise à soustraire à la citoyenneté commune ceux et celles qui se réclameraient de l'islam ». J’ai retenu que les musulmans se voulaient les citoyens ordinaires d'une France respectueuse de la liberté religieuse, de la constitution de la République et de la déclaration Européenne des droits de l’Homme, et combattraient au nom de ces idéaux l’instauration de lois d’exceptions.
Vous avez « bien vu, au travers de cet incident, comment la seule question du foulard islamique à l'école n'est qu'un aspect d'une stratégie politico-religieuse plus large ». J’ai bien vu votre goût prononcé pour la dramatisation et la calomnie gratuite.
Vous vous êtes souvenu qu’ « il y a un an, jour pour jour, une élection nous montrait toute l'importance de retrouver les valeurs de notre contrat républicain ». Je me suis rappelé qu’il y a un an la surenchère médiatique, le recours systématique à l’amalgame et la stigmatisation et mise en scène délibérée de la peur ont mis en danger notre démocratie en portant au second tour des élections celui qui a fait de l’islamophobie son fond de commerce.
Vous avez préféré écouter Le Pen déclarer que Sarkozy avait « mis la main dans un nid de guêpes ». J’ai préféré lire le journal Le Monde commencer un article par « Ce fut une belle fête »