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Ce que vous ne savez pas sur l’islam, de Tareq Oubrou

Rédigé par | Mardi 5 Avril 2016 à 08:00



L’avis de Saphirnews

Voici un livre salvateur qui, s’il entend casser les idées reçues s’agissant de l’islam, s’adresse non pas seulement aux non-musulmans, mais en premier lieu bel et bien aux musulmans eux-mêmes tellement nous sommes tous pétris de méconnaissance à propos de nos fondements religieux et d’une arrogance indescriptible dès lors que l’on pratique un tant soit peu les piliers de l’islam nous estimant alors bien au-dessus de la masse des non-croyants et des non-pratiquants…

Pour la première fois, Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, ne s’exprime pas par un livre d’entretiens tels ses précédents ouvrages (Profession imam, 2009, rééd. 2015 ; Un imam en colère, 2012 ; Le Prêtre et l’Imam, 2013) mais il couche au long de plus de 200 pages ce qu’il ne cesse d’exposer dans ses conférences et dans ses interviews, lesquels ne permettent pas cependant de connaitre sa pensée en profondeur, jusqu’à enclencher bon nombre d’incompréhensions : le tempo radiophonique ou télévisé ne pouvant donner la possibilité de saisir la complexité d’un raisonnement théologique…

Dans Ce que vous ne savez pas sur l’islam, le lecteur, musulman ou non mais socialisé en contexte français, peut ainsi appréhender quantité de « problématiques » qui taraudent le débat public : Peut-on parler de liberté de conscience en islam ? Quels peuvent être les différents types de fatwa en contexte laïque français ? La violence est-elle religieuse ou séculière ? Quid de l’égalité hommes-femmes dans le Coran et dans les sociétés musulmanes ?

L’ouvrage s’achève par un très beau chapitre s’interrogeant sur la question du « soufisme : une secte ou une voie ? », indique au lecteur que « la voie soufie n’est ni une expérience irrationnelle et obscure qui tournerait en rond sur elle-même, ni une théosophie stérile et absurde. La raison y joue un rôle important : elle ne quitte jamais le cheminant dans sa quête mystique de Dieu ». « Plusieurs passages du Coran invitent ce dernier à contempler et à méditer les signes de Dieu afin de comprendre les choses aussi bien intellectuellement qu’esthétiquement », nous est-il ainsi rappelé.

Présentation de l’ouvrage par l’éditeur

Allah est-Il arabe ? Est-il permis de choisir librement sa religion ou tout simplement de la quitter ? Le vert est-il la couleur de l’islam ? Le soufisme est-il une secte ? Peut-on traduire le Coran ? Une femme peut-elle devenir imam ? Le minaret, le hijâb, le tapis de prière, le croissant… sont-ils des éléments intangibles du rite musulman ? Faut-il vivre en tout point comme le Prophète pour être un « bon musulman » ?

Cet essai est une réponse aux idées reçues sur l’islam. Celles qui sévissent chez les non-musulmans, mais souvent aussi chez les musulmans eux-mêmes, produisant parfois des aberrations et des violences auxquelles nous assistons, désarmés, sans en comprendre les raisons.

Il est réducteur de penser que tout, dans la vie d’un musulman, s’explique par l’islam. Tareq Oubrou s’emploie ici à faire la part des choses entre le cultuel et le culturel, entre ce que disent les textes et ce qui relève des traditions. Soucieux d’en finir avec la sclérose qui paralyse la pensée musulmane, il propose de renouer avec l’esprit de l’islam, en rappelant le contexte historique dans lequel est née cette religion.

Son livre, en balayant une fois pour toutes l’idée selon laquelle l’islam serait par essence incompatible avec la modernité, la démocratie, l’égalité hommes-femmes et les valeurs de la république, nous ouvre des perspectives concrètes pour améliorer le vivre-ensemble aujourd’hui,

L’auteur

Né en 1959 au Maroc, Tareq Oubrou est grand imam de Bordeaux et recteur de la Grande Mosquée de Bordeaux. Il est engagé de longue date dans le dialogue interreligieux, notamment islamo-chrétien.

[Extrait] L’interprétation du sacré n’est pas sacrée

[p. 34-36] L’islam n’est pas la religion d’un peuple (…). Il n’est pas non plus une religion d’Église. Le fait que le Livre soit la seule autorité religieuse conduit à émanciper l’individu de la logique d’une institution religieuse qui prétendrait seule détenir l’interprétation infaillible des textes. Bien qu’il soit né avant la Réforme, qui constitue un moment inaugural de la modernité et dont l’autonomie du croyant par rapport à l’Église est l’aspect le plus marquant, c’est dans ce même esprit que s’inscrit l’islam.

Il n’y a donc que le texte qui s’impose à la pensée et à l’agir musulmans. Cependant, le travail sur le sens du texte doit se limiter à chercher et à comprendre les signes de Dieu. L’accès au sens ontologique (ta’wîl) de Dieu est condamnée à rester une entreprise inachevée, même pour le plus érudit. En effet, il ne peut s’agir que d’une herméneutique de la trace, avec la conscience qu’il y aura toujours une marge sémiologique et sémantique entre la parole divine intérieure (al-kalam an-nafsî) – l’intention de Dieu – et la parole exprimée en langue arabe à partir d’un écrit.

Par conséquent, l’intention du texte n’est pas forcément celle de son auteur, et l’interprétation, quelle que soit sa pertinence, ne peut rendre compte intégralement du vouloir ni de la « pensée » de Dieu. Il est clair que les paroles de Dieu sont tellement infinies qu’elles ne peuvent toutes être contenues dans le Coran (s. 18, v. 109 ; s. 31, v. 27).

Tout cela appelle le croyant à l’humilité intellectuelle. En effet, les fanatismes et intégrismes religieux trouvent leurs racines dans cette idée simpliste que l’on pourrait sonder l’intention de Dieu en se limitant dévotement, voire bêtement, à prendre un texte au pied de la lettre.

Tareq Oubrou, Ce que vous ne savez par sur l’Islam – Répondre aux préjugés des musulmans et des non-musulmans, Fayard, février 2016, 240 p., 16 € (10,99 € édition numérique).



Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur