Religions

Charte halal : l'unanimité actée, des associations musulmanes pressent le CFCM

Rédigé par | Vendredi 25 Novembre 2016 à 13:05

Sous l'égide du Conseil français du culte musulman (CFCM), un référentiel religieux définissant les critères du halal a été adopté en mars 2016 à l'unanimité par les principaux acteurs du secteur. Deux associations de défense des consommateurs musulmans, estimant avoir trop attendu dans la communication de la nouvelle auprès du grand public, sortent aujourd'hui de leur silence pour presser le CFCM à acter publiquement l'adoption de la charte.



La grogne monte du côté des associations de consommateurs musulmans vis-à-vis du Conseil français du culte musulman (CFCM). L'Association de sensibilisation, d'information et de défense du consommateur musulman (ASIDCOM) et l’Union française des consommateurs musulmans (UFCM) appellent l'instance à acter publiquement l'adoption de la charte halal, votée à l'unanimité en mars 2016 sous l'égide du CFCM par les associations elles-mêmes ainsi que les trois Grandes Mosquées d'Evry, de Lyon et de Paris, parmi d'autres structures*. Une adoption qui, au vu des divisions passées entre les organisations musulmanes sur la question, est historique (encadré plus bas).

Depuis, le CFCM freine des quatre fers pour empêcher la communication publique de cette décision et, de ce fait, du document. Un souhait auquel ASIDCOM et UFCM avaient choisi un temps de se plier, le temps des consultations avec les pouvoirs publics et divers acteurs du marché du halal. Mais la patience n'est plus pour les associations, qui ont écrit une lettre à l'adresse d'Anouar Kbibech.

Dans une missive datée du 16 novembre que Saphirnews a pu consulter, il lui demande de « bien vouloir annoncer le référentiel religieux du halal » afin que « les musulmans français prennent conscience qu’il est maintenant possible de revendiquer le respect de ce référentiel commun auprès des pouvoirs publics (DDPP, préfets, ministères…), des acteurs du marché et en justice ». « Il est regrettable de constater les réticences du CFCM pour l’annoncer et déclencher le processus de sa mise en application. En attendant, la généralisation des pratiques trompeuses sur le marché halal perdure », arguent les deux structures, qui confirment vendredi 25 novembre leur intention de lancer prochainement une pétition pour appuyer leur démarche.*

Des associations qui ne peuvent plus attendre

Pour la présidente d'ASIDCOM Hanène Rezgui, jointe par Saphirnews lundi 21 novembre, « le CFCM semble attendre une autorisation des pouvoirs publics qu'il n'obtiendra jamais » en gardant le statu-quo car, « pour des raisons de rentabilité, parfois contradictoires avec le bien-être des animaux, ils sont mobilisés pour que les animaux soient systématiquement étourdis avant ou après l'abattage halal ».

« Nous n'avons pas à attendre la bénédiction de l'Etat pour des questions d'ordre cultuel qui doivent être tranchées par les seuls musulmans. Ce n'est pas aux agents de l'Etat et les industriels de définir pour nous le halal », dit-elle, en faisant notamment référence à l'Agence française de normalisation (AFNOR) avec qui plusieurs acteurs du halal se sont brouillés au cours de l’année 2015. Une brouille qui a été à l’origine de leur participation à une conférence internationale à Istanbul pour s’insurger contre « l'ingérence des non-musulmans dans le marché du halal ».

« Nous avons l'obligation d’informer les consommateurs »

Même son de cloche pour Yamin Makri, président de l'UFCM. « Tant que nous étions dans une vision dynamique, nous étions d'accord » avec la stratégie du CFCM de ne rien dévoiler au grand public de la charte. Une stratégie qu'il dit comprendre car « le CFCM est dans une logique institutionnelle », avec « des contraintes que nous reconnaissons ». « Mais en tant qu'association de défense des consommateurs musulmans, nous avons l'obligation de les informer. C'est rare qu'il y ait unanimité entre les musulmans, y compris ceux de la base, sans interférence de l'Etat français, sur une grande question. C'est une bonne nouvelle qu'on doit communiquer », affirme Yamin Makri.

A ses yeux, « la pédagogie commence par l'information ». ASIDCOM comme l’UFCM estiment qu’il est temps d’obtenir « un soutien large et massif des musulmans » autour de la charte qui viendrait consolider la position du CFCM. Appelée à réagir, la présidence n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet car « le contexte n’est pas approprié » à la communication sur le sujet.

* Les premiers signataires de la charte halal sont le CFCM, les Grandes Mosquées d'Evry, de Lyon et de Paris, ASIDCOM, l'UFCM ainsi que les associations de certification halal AVS et Halal Services. Une pétition appelant à grossir la liste a été lancée par les deux associations de consommateurs.

Que définit la charte du halal ? Ses grandes lignes

« La charte halal du CFCM a pour objectif de constituer le référentiel religieux commun aux musulmans, définissant le caractère halal des produits carnés et de leurs dérivés » et « permettant aux consommateurs musulmans d’être rassurés que les produits qu’ils consomment sont bien conformes aux principes religieux auxquels ils adhèrent », fait-on savoir dans le document consulté par Saphirnews.

Rappelant la nécessité du bien-être animal et d'une parfaite hygiène sanitaire, « tout devra être mis en œuvre pour que les produits qualifiés de halal ne puissent faire l’objet d’aucun doute qui viendrait entacher leur processus de production ou de commercialisation ».

A cet effet, aucune méthode d'étourdissement, ante- et post-mortem ne peut être légitimée. « L’abattage doit avoir lieu sans aucune forme d’étourdissement, que ce soit avant ou après la saignée » afin de s'assurer que l'animal - contenu « avec un mécanisme adapté » - soit bien vivant au moment de sa mise à mort. Par ailleurs, l'abattage devrait être manuel et non mécanique pour être considéré comme halal.

Face à la diversité des certifications existantes, dont certaines vont à contre-sens de la définition du halal telle que définit dans la charte, « une période d’adaptation sera négociée avec les différents partenaires » visant à « favoriser des conditions rendant possible l’application de cette charte » et à « examiner les modalités d’évolution (des) pratiques » industrielles actuelles, ceci pour « permettre la mise en œuvre et la mise en conformité de leurs sites de production ».

Cette période n'a pas été explicitement définie dans la charte, mais le CFCM pense ne pas être au terme de ce temps, neuf mois après l'adoption de la charte, créant un conflit avec Asidcom et l'UFCM qui souhaitent désormais une reconnaissance publique du consensus adopté autour du halal.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur