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Monde

Chine : la lecture du Coran sur mobile, un lourd danger pour les Ouïghours et les musulmans turciques

Rédigé par Lionel Lemonier | Mardi 9 Mai 2023 à 08:00

           

Au Xinjiang, la police surveille les téléphones des citoyens ouïghours grâce à des systèmes de surveillance de masse automatisés. Les musulmans qui ne font qu'archiver une version numérique du Coran sont soupçonnés de radicalisme et susceptibles d'être arrêtés. « Un amalgame scandaleux et dangereux entre islam et extrémisme violent pour justifier les abus odieux qu’il commet à l’encontre des musulmans turciques du Xinjiang », s'indigne Human Rights Watch.



CC BY 2.0
CC BY 2.0
La lecture du Coran sur son téléphone est jugée « dangereuse » par les autorités du Xinjiang. La police de cette région du nord de la Chine utilise une liste de 50 000 fichiers multimédias qu’elle considère comme représentant des contenus « violents et terroristes » pour identifier des résidents ouïghours et d'autres musulmans turciques en vue d’interrogatoires, dénonce en ce début du mois de mai Human Rights Watch.

D’après une enquête menée par cette ONG dont le siège est à New York, les métadonnées de cette liste ont révélé « qu’en l’espace de neuf mois, entre 2017 et 2018, la police avait effectué 11 millions de recherches sur un total de 1,2 millions de téléphones portables à Urumqi, la capitale du Xinjiang, qui compte 3,5 millions d’habitants ». Ce sont des systèmes de surveillance de masse automatisés utilisés par la police qui rendent possibles ces recherches.

« L’utilisation abusive des technologies de surveillance par le gouvernement chinois au Xinjiang signifie que les Ouïghours qui ne font qu’archiver une version numérique du Coran sur leur téléphone portable peuvent faire l’objet d’un interrogatoire de police », a déclaré Maya Wang, directrice par intérim de la division Asie de Human Rights Watch. Celle-ci invite donc les « gouvernements préoccupés » par les droits humains des minorités au Xinjiang à « identifier les entreprises impliquées dans cette industrie de surveillance de masse et de contrôle social » et à « prendre les mesures adéquates pour mettre fin à leur participation ».

« Un amalgame scandaleux »

L’enquête de Human Rights Watch a identifié plus de 1 000 fichiers uniques trouvés sur environ 1 400 téléphones appartenant à des habitants d’Urumqi, qui correspondaient à ceux figurant sur la liste exhaustive de la police. L’analyse de ces fichiers a révélé que plus de la moitié d’entre eux (57 %) sont des documents religieux islamiques courants, notamment des lectures de chaque sourate du Coran. Pour Maya Wang, « le gouvernement chinois pratique un amalgame scandaleux et dangereux entre islam et extrémisme violent pour justifier les abus odieux qu’il commet à l’encontre des musulmans turciques du Xinjiang ».

Les données utilisées par l’organisation de défense des droits humains font partie d’une vaste base de données constituée de plus de 1 600 fichiers de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, qui a fait l’objet d’une fuite auprès du magazine en ligne d’investigation The Intercept en 2019. Selon ce media, la police d’Urumqi a procédé entre 2015 à 2019 à des opérations de surveillances et à des arrestations sur la base de rapports de police qui faisaient partie de cette base de données. Parmi les données, outre le fait de disposer d'une version numérique du Coran, détenir sur son téléphone des éléments audiovisuels prodémocratie ou encore concernant des organisations militant pour l'indépendance du Turkestan oriental, comme le Congrès mondial ouïghour est considéré comme dangereux pour les autorités chinoises.

Une menace grave pour la liberté privée

« Le droit international oblige les gouvernements à définir précisément les infractions pénales et à respecter les droits à la liberté d’expression et de pensée, y compris le fait d’avoir des opinions considérées comme offensantes. La criminalisation de la simple possession de matériel jugé extrémiste, même si l’accusé n’a aucune intention de l’utiliser pour nuire à autrui, constitue une menace particulièrement grave pour la liberté de culte, de vie privée et d’expression », rappelle HRW.

« Ces droits sont garantis par la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la Chine a signés mais pas ratifiés », ajoute l’organisation, qui demande au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies de diligenter de toute urgence « une enquête internationale indépendante sur les graves violations des droits et la suppression des libertés fondamentales au Xinjiang par le gouvernement chinois ».

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