Des femmes ouïgoures pleurent le sort de leurs maris emprisonnés, arrêtés arbitrairement selon elles. Près de 200 d'entre elles sont descendues dans les rues pour réclamer leur libération ce mardi.
Quand les médias chinois restent silencieux et très peu exacts sur les faits, c’est Internet qui témoigne, offrant au monde un spectacle de désolation à travers les photos et les vidéos amateurs.
Urumqi, capitale régionale de la province du Xinjiang, à l’extrême ouest de la République populaire de Chine, est le théâtre d’affrontements sanglants, depuis dimanche, entre les Hans, l’ethnie majoritaire chinoise et les Ouïghours, une minorité ethnique musulmane. On dénombrerait à ce jour plus de 156 morts et plus d'un milliers de blessés. Cependant, ces informations restent encore difficiles à vérifier et l'appartenance ethnique des victimes n'a pas encore été identifiée. Selon les Ouïghours, la majorité des morts sont les leurs.
Urumqi, capitale régionale de la province du Xinjiang, à l’extrême ouest de la République populaire de Chine, est le théâtre d’affrontements sanglants, depuis dimanche, entre les Hans, l’ethnie majoritaire chinoise et les Ouïghours, une minorité ethnique musulmane. On dénombrerait à ce jour plus de 156 morts et plus d'un milliers de blessés. Cependant, ces informations restent encore difficiles à vérifier et l'appartenance ethnique des victimes n'a pas encore été identifiée. Selon les Ouïghours, la majorité des morts sont les leurs.
Une chose est sûre. « Ce à quoi on a assisté ce week-end est clairement une explosion de violence qui a pris un caractère ethnique », déclare, pour Saphirnews, Thierry Kellner, spécialiste de l’Asie centrale. « Si les chiffres se confirment, les incidents actuels seraient les plus violents et les plus sanglants depuis la Révolution culturelle (1966-1976, ndlr), mis à part les incidents de 1997 à Kulja, ville du nord du Xinjiang. À cette époque, Internet n’existait pas encore, ces émeutes se sont peu fait connaître, donc on n’a pas de bilan de ces émeutes », explique-t-il.
Un pogrom anti-Ouïghours à l’origine des émeutes
Ce chercheur à l’Institut de recherche sur la Chine contemporaine, basé à Bruxelles, revient sur l’élément déclencheur de ces graves incidents. Tout est parti d’une rumeur – non fondée –, selon laquelle des Ouïghours auraient violé une fillette dans la province de Guangdong, près de Hong-Kong, en juin dernier.
« Des informations et des vidéos ont circulé sur Internet, montrant le lynchage d’ouvriers ouïghours par des Hans dans une usine de Guangdong. C’est ce qui a mis le feu le poudre, car la population ouïghoure a été très choquée. Elle s’attendait à une réaction du pouvoir chinois en arrêtant les meneurs par exemple. Malheureusement, il n’y a eu aucune réponse des autorités », affirme Thierry Kellner.
Internet n’a pas de frontières. C’est ainsi qu’une manifestation s’est déroulée à Urumqi, de l’autre côté de la Chine. « On ne sait pas vraiment comment cela a dégénéré, si c’est bien la police anti-émeute chinoise – qui n’est d’ailleurs pas connue pour sa tendresse – qui a déclenché la colère des Ouïghours. Des informations font état de morts parmi les manifestants, car la police aurait tiré dans le tas. Ce qui paraît avéré est que tout ce qui semble chinois dans la ville, comme les commerces, a été attaqué ce week-end », poursuit-il.
« Des informations et des vidéos ont circulé sur Internet, montrant le lynchage d’ouvriers ouïghours par des Hans dans une usine de Guangdong. C’est ce qui a mis le feu le poudre, car la population ouïghoure a été très choquée. Elle s’attendait à une réaction du pouvoir chinois en arrêtant les meneurs par exemple. Malheureusement, il n’y a eu aucune réponse des autorités », affirme Thierry Kellner.
Internet n’a pas de frontières. C’est ainsi qu’une manifestation s’est déroulée à Urumqi, de l’autre côté de la Chine. « On ne sait pas vraiment comment cela a dégénéré, si c’est bien la police anti-émeute chinoise – qui n’est d’ailleurs pas connue pour sa tendresse – qui a déclenché la colère des Ouïghours. Des informations font état de morts parmi les manifestants, car la police aurait tiré dans le tas. Ce qui paraît avéré est que tout ce qui semble chinois dans la ville, comme les commerces, a été attaqué ce week-end », poursuit-il.
Chasses à « l’Ouïghour » en vue ?
Depuis, les Hans, en colère, crient à la vengeance. Depuis lundi, les contre-manifestations s’organisent et nombreux sont ceux qui sortent armés de bâtons, de matraques, voire de machettes, pour des expéditions punitives contre les Ouïghours. Cependant, « 80 % de la population d’Urumqi est Han. Les Ouïghours sont tout au plus 14 %. La répression officielle est déjà présente, mais des émeutes à caractère ethnique, où les Hans essaieraient de prendre leur revanche sur les Ouïghours de manière sanglante, pourraient se rajouter », s’inquiète M. Kellner.
Un constat : les protestations des Ouïghours s’inscrivent dans un contexte de répression politique et religieuse des autorités chinoises menée à leur encontre. Accentuée depuis 2001 sous couvert de lutte contre l'extrémisme religieux et le terrorisme, cette politique ne changera pas de cap. « La Chine est attentive à ce que les débordements soient vite circonscrits. Dans le contexte de crise économique et de troubles sociaux, elle n’a qu’un intérêt : la stabilité », ajoute le chercheur.
Une stabilité qui se paie au prix fort pour les Ouïghours, qui voient leur espace économique se réduire depuis des décennies au profit des Hans, venus massivement coloniser le Xinjiang après la création de la République populaire de Chine, en 1949. Plus de 1 400 personnes auraient donc été arrêtées. Pékin accuse déjà les Ouïghours « de l’étranger », dirigés par la dissidente Rebiya Kadeer, figure de la cause exilée à Washington, d’avoir fomenté ces troubles. Fait improbable, car les Ouïghours sont peu structurés.
Quoi qu’il en soit, la communauté internationale reste encore peu émue du sort des Ouïghours, contrairement aux Tibétains, qui ont vu leur cause soutenue lors des émeutes de mars 2008 peu avant les jeux Olympiques. Malgré le couvre-feu, décrété ce mardi 7 juillet, la situation à Urumqi reste précaire et les troubles risquent bien de se propager aux villes avoisinantes, comptant davantage de Ouïghours.
Un constat : les protestations des Ouïghours s’inscrivent dans un contexte de répression politique et religieuse des autorités chinoises menée à leur encontre. Accentuée depuis 2001 sous couvert de lutte contre l'extrémisme religieux et le terrorisme, cette politique ne changera pas de cap. « La Chine est attentive à ce que les débordements soient vite circonscrits. Dans le contexte de crise économique et de troubles sociaux, elle n’a qu’un intérêt : la stabilité », ajoute le chercheur.
Une stabilité qui se paie au prix fort pour les Ouïghours, qui voient leur espace économique se réduire depuis des décennies au profit des Hans, venus massivement coloniser le Xinjiang après la création de la République populaire de Chine, en 1949. Plus de 1 400 personnes auraient donc été arrêtées. Pékin accuse déjà les Ouïghours « de l’étranger », dirigés par la dissidente Rebiya Kadeer, figure de la cause exilée à Washington, d’avoir fomenté ces troubles. Fait improbable, car les Ouïghours sont peu structurés.
Quoi qu’il en soit, la communauté internationale reste encore peu émue du sort des Ouïghours, contrairement aux Tibétains, qui ont vu leur cause soutenue lors des émeutes de mars 2008 peu avant les jeux Olympiques. Malgré le couvre-feu, décrété ce mardi 7 juillet, la situation à Urumqi reste précaire et les troubles risquent bien de se propager aux villes avoisinantes, comptant davantage de Ouïghours.
ZOOM
Les Ouïghours est un peuple musulman turcophone ayant des apports turco-iraniens. Musulmans sunnites depuis le XIe siècle, on les trouve essentiellement au sud du Xinjiang, province de l'Ouest chinois, mais aussi dans les régions d'Asie centrale où l'on compte entre 300 000 et un million de personnes. On compte 100 000 Ouïghours en Arabie Saoudite, 50 000 en Turquie, et une diaspora ouïghoure est signalée en Allemagne, en Suède ou encore aux Etats-Unis. Au Xinjiang, on en compte officiellement 10 millions, soit près 45 % de la population de la province.
Cependant, ce chiffre, important, doit être contextualisé par rapport à l’Histoire, selon Thierry Kellner. Les Hans chinois constituaient 8 % de la population dans les années 1950. Ils sont 50 % aujourd’hui quand les Ouighours constituaient 65 à 80 % de la région. En cause : l'afflux massif de colons chinois venus peupler les terres nouvellement conquises. Le Xinjiang (« la nouvelle frontière ») est, en effet, sous contrôle de la République populaire de Chine depuis sa création, en 1949. On relève une présence chinoise vers le VIIIe siècle mais, la région, liée au monde musulman, sera non chinoise jusqu'au XVIIIe siècle. Les conquêtes militaires chinoises vont ensuite rythmer l'Histoire de cette province comme en 1759 ou encore en 1884. Après moults soulèvements de Ouïghours, les Chinois ne rétabliront leur contrôle qu'en 1949.
Les Ouïghours est un peuple musulman turcophone ayant des apports turco-iraniens. Musulmans sunnites depuis le XIe siècle, on les trouve essentiellement au sud du Xinjiang, province de l'Ouest chinois, mais aussi dans les régions d'Asie centrale où l'on compte entre 300 000 et un million de personnes. On compte 100 000 Ouïghours en Arabie Saoudite, 50 000 en Turquie, et une diaspora ouïghoure est signalée en Allemagne, en Suède ou encore aux Etats-Unis. Au Xinjiang, on en compte officiellement 10 millions, soit près 45 % de la population de la province.
Cependant, ce chiffre, important, doit être contextualisé par rapport à l’Histoire, selon Thierry Kellner. Les Hans chinois constituaient 8 % de la population dans les années 1950. Ils sont 50 % aujourd’hui quand les Ouighours constituaient 65 à 80 % de la région. En cause : l'afflux massif de colons chinois venus peupler les terres nouvellement conquises. Le Xinjiang (« la nouvelle frontière ») est, en effet, sous contrôle de la République populaire de Chine depuis sa création, en 1949. On relève une présence chinoise vers le VIIIe siècle mais, la région, liée au monde musulman, sera non chinoise jusqu'au XVIIIe siècle. Les conquêtes militaires chinoises vont ensuite rythmer l'Histoire de cette province comme en 1759 ou encore en 1884. Après moults soulèvements de Ouïghours, les Chinois ne rétabliront leur contrôle qu'en 1949.