Au 3 quai Voltaire
Des pigistes en mal de copies oseront titrer sur les deux jours de croisière des époux Sarkozy. Tout ceci est dans la grande tradition des petits avantages et autres faveurs, alors pourquoi s’en priver surtout quand çà ne coûte rien à l’Etat, du moins, en principe !? Pour une fois laissons le doute s’installer et imaginons plus simplement que l’hospitalité coranique a poussé le fils Hariri, qui se souvient des amitiés de son père assassiné pour ce chef d’Etat français familier de son clan, à offrir pour quelques mois un des appartements de la famille, libre aujourd’hui. C’est tellement mieux et c’est aussi peut-être un peu vrai. Offrons lui donc le bienfait d’Allah.
Pas très politiquement correct tout cela et certains hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay, scandalisés, dégainent immédiatement: « c’est le fruit d’un mélange des genres qui n’a cessé de se développer depuis des années ». D'autres insisteront avec le, « toute notre politique en Syrie et au Liban a été dictée par les humeurs d’Hariri, que Chirac se batte pour que l’assassinat de son ami ne reste pas impuni est tout à son honneur mais la maladresse d’aujourd’hui, celle d’accepter un luxueux appartement dans ce quartier de la gauche caviar, est révélatrice d’une déconnection des réalités lourde de conséquences surtout au moment où les combats reprennent à Beyrouth et Tripoli ». Ce jugement est sans appel. Et tout s’emballera lorsque Chirac, son successeur à peine élu,organise un entretien privé le 10 mai à l’Elysée même avec le fils Hariri. Une sorte de passation de consignes à Sarkozy aux yeux du monde entier avec en filigrane la continuité de la politique libanaise et chiraquienne de la France, verrou incontournable de l’influence de Paris dans le monde arabe. On ne peut être plus cynique.
Le cèdre de Chirac qui mène ainsi son dernier combat pour le Liban où il a, depuis longtemps, placé ses priorités voire ses fondamentaux. La Syrie fait pression, le Président du parlement libanais retient la désignation d’un tribunal international sur la mort d’Hariri et l’ONU reste prudente devant la pesée chiraquienne. Tous attendent son départ pour reconsidérer ce qu’ils appellent depuis longtemps « l’ingérence insupportable de la France ». L’ancien Président veut aider une dernière fois son ami de trente ans avec lequel il a franchi bien des épreuves, où chacun a soutenu l’autre lors de traversées du désert douloureuses. Ce lien privilégié semble se fissurer et avec le nouveau président les « amitiés particulières » d’hier n’auront peut-être plus les mêmes priorités. A suivre de près.
Axe Paris-Beyrouth !
Les rapprochements Hariri-Chirac n’ont jamais été le fruit d’un quelconque hasard. Entre 1995 et 1998 les deux hommes ont pris le pouvoir en même temps et leur complicité date de 1979/1988 à l’époque de la double conjonction des intérêts de la France et de l’Arabie Saoudite, principaux soutiens de l’Irak dans sa guerre contre l’Iran. Et ainsi la présence aux manettes des deux hommes en même temps va largement conditionner les relations franco-libanaises de la fin du siècle, et même au-delà dit-on. La terre libanaise est depuis longtemps une zone d’influence traditionnelle de la France et de l’Arabie Saoudite mais aussi un point de fixation de nombreux conflits régionaux. Les Français protecteurs des chrétiens et les Saoudiens grands parrains des sunnites ont un intérêt commun, celui de mettre en place et entretenir un « homme mosaïque » oeuvrant pour le maintien du précepte libanais de coexistence islamo-chrétienne et de l’inscription pérenne du Liban dans le giron occidental.
Citizen Hariri
Il a construit sa fortune avec les Saoudiens et de ce fait, il est assez riche pour être honnête. Séducteur, malin et sensible il sait faire. On peut l’approcher facilement et il dira souvent qu’il n’est pas vraiment un politicien, mais plutôt un patriote et un mécène. Il a un projet: travailler pour la reconstruction d’un pays tout entier; son pays, même s’il a aussi dans la poche un passeport saoudien. Les libanais sortent d’une guerre fratricide et interminable et ont envie de croire en cet homme providentiel qui a la pleine confiance du roi Fahd dont il sera finalement l’obligé.
Côté cour, après la destruction de Beyrouth en 1982 par Israël il arrivera avec les pelleteuses de la Saoudi-Oger et se mettra au travail sans relâche. Il sera le Baron Haussmann de Beyrouth et deviendra vite une idole. D’aucuns lui reprocheront de se limiter aux secteurs les plus rentables comme le centre ville, un périmètre de un kilomètre carré dont il serait le principal actionnaire. Et pourquoi pas ?! Il attirera ainsi de nombreux investisseurs et des moyens considérables vont pleuvoir sur ce pays qui en a bien besoin, chacun y trouvant son compte. On verra alors dans les feuilles d’opposition apparaître des détails sordides sur les travaux, les budgets pas trop respectés, les démesures, mais il avance et la ville change chaque jour.
Il fallait bien commencer par quelque chose et pourquoi ne pas attirer les « mouches capitalistes » par ce qui séduit et ensuite faire redescendre la manne. Hariri ne va pas hésiter et immédiatement par waqf bienfaiteur et personnel il finance les études de 40.000 étudiants dans le monde, même s’ils sont tous un peu trop originaires de sa ville natale Saïda. La matière grise libanaise se reconstitue et les cadres de demain se préparent, on les rencontre partout aujourd’hui. On a tous croisé dans les couloirs de nos facultés, en Sorbonne ou aux Arts et Métiers ces jeunes gens assoiffés d’apprendre ! Il va tenter un autre pari, disproportionné peut-être mais de bonne volonté, celui de faire revenir les émigrés dans son nouveau mirage de « riviera libanaise », son Dubaï à lui. Même si pour cela il heurte immédiatement les pudeurs d’un islamisme parfois trop radical à son goût. Il ne travaillera pas seulement sur son territoire national, car il sait, en fin négociateur, que les contrats de demain et les protections internationales se gagnent hors des frontières, dans le sillage des grands de ce monde et il les connaît tous, et tous ont eu un jour ou l’autre besoin de lui.
En 1988 à Paris, L’Institut du Monde Arabe est en faillite, les socialistes n’hésitent pas à le solliciter, et il répond en y injectant 15.000.000 de dollars. Trois ans plus tard, son président Pisani saura s’en souvenir lors des attributions de la fréquence de Radio Orient. Par ailleurs lorsque des financiers français auront nécessité de sauver la Saudi Bank en pleine déconfiture pour abus royaux, il sera encore et toujours là avec plus de 2 milliards de francs de l’époque et redonnera sa légitimité à la place financière de Paris. Poisson pilote du régime wahabite il prendra avec talent la relève de la diplomatie occidentale défaillante après la chute de Beyrouth ouest dans les bras des milices musulmanes. Grossouvre, l’ombre silencieuse de Mitterrand, orchestre la partition et en contrepartie la France décroche d’importants contrats militaires en Arabie Saoudite. Hariri est là comme toujours, avec sa filière bien huilée du clientélisme libano-arabo-africain. C’est un homme sûr, fidèle et discret.
Côté jardin, c’est tout autre chose et ses détracteurs ne vont pas l’épargner, jusqu’à la terrible explosion du 14 février 2005 où il est volatilisé sur le bord de mer, dans ce centre ville, sa roche Tarpéienne, où il pose un dernier regard. On lui reproche son immense fortune et même la concomitance de la prise du pouvoir avec son ami Chirac. Un peu plus tard lors de son éviction, la France, contrairement à toute réserve diplomatique ressentira cet acte comme un camouflet personnel et dissimulera mal ses réticences à la monté de Lahoud, ce Saint-Cyrien que l’on dit sans compromis avec la gabegie et la corruption, leitmotive de sa campagne électorale. Que ne diront-ils alors en 1999 lorsqu’il tentera à nouveau de se saisir du pouvoir, par exemple que « pour la première fois les relations politiques entre la France et le Liban ne sont circonscrites qu’à deux hommes », Chirac et Hariri, dont l’amitié est tissée de mystères, de financements occultes, de réseaux enchevêtrés jusqu’au caisses du parti gaulliste, le RPR.
Un an plus tard, Hariri reprend les rênes, deux années à peine avant que Chirac ne remporte l’Elysée. L’histoire va se réécrire, à l’encre de leurs visions. Ceux-là diront encore que l’économie pompéienne d’Hariri est au service des plus nantis, rien de moins. Que la dette publique proche de 180% du PIB est l’une des plus haute du monde et que le taux de change est inconcevable pour l’équilibre d’une nation. Que l’orientation générale de sa politique avantage le secteur des services au détriment de l’industrie ou de l’agriculture. Que les banques et leurs administrations verront leurs effectifs se multiplier au service des clients arabes et l’image mythique du « Liban Suisse de l’Orient » sera à nouveau et contre toute modernité remise au goût du jour. Que les belles villas foisonnent, toujours pour les mêmes qui le soir remplissent à déborder les boîtes à la mode. Que dans des hôtels, de plus en plus luxueux et nombreux, la débauche s’installe à tous les étages. Que les secteurs les plus rentables de l’économie nationale sont bradés aux investisseurs encore arabes plus intéressés par une économie de rente que par celle des biens et productions. Que la fracture sociale libanaise s’accentue depuis 1991 jusqu’à l’implosion programmée par des ennemis héréditaires internes ou extérieurs. Que l’inéluctable paupérisation renforce les désespoirs d’un petit peuple qui sort à peine d’un enfer de vingt années pour n’envisager à terme qu’un autre enfer attendu d’un jour à l’autre. Que le modèle saoudien est partout, béquillé sur des largesses financières directes ou par des participations aux affaires privées mais aussi publiques. Une gestion tribale ancestrale de laquelle chaque membre du clan reçoit sa part à la hauteur des services rendus. Qu’il est plus facile de régner sur des dirigeants corrompus aux passés douteux, désormais exécutants empressés de la volonté des puissances occidentales et saoudiennes. Enfin et cela est terriblement ciblé, on l’accuse carrément d’acheter le Liban, surtout les terres chrétiennes, non seulement par spéculation immobilière mais avant tout pour arabiser le pays en faveur des riches prédateurs du golfe. La mosquée Mohammad-el-Amine qu’il a construite à quelques mètres de la cathédrale maronite de Beyrouth, où il repose désormais, ne serait que l’expression de sa détermination à rogner l’influence de cette dernière, de même que celle de Saïda démesurée pour cette petite ville qui l’a vu naître. On lui reproche encore son intention de bâtir une autre mosquée en plein territoire chrétien à Harissa, concentration de couvents, de congrégations maronites et autres chrétiens orientaux. Pas mal pour un seul homme, exagéré comme toujours.
Tribunal International
On ne peut donner tort à Chirac de tout faire ou d’avoir tout tenté pour que cette instance puisse enfin arrêter et juger les assassins de son ami. Même si pour cela il faut voter le statut de cette cour par l’application de la résolution 1664 et le passage en force au chapitre VII. Les diplomates français ont fait le forcing sous la présidence Chirac. Mais Sarkozy aura-t-il les mêmes envies ? A ce jour aucune demande officielle n’a encore été faite en ce sens auprès des Nations Unies. Etrange ! Damas laisse filer, la Russie et quelques autres nations aussi. Rien n’est simple et Chirac quitte l’Elysée sans avoir obtenu ce qu’il souhaitait. D’où cet entretien surprenant quelques heures avant son départ avec le fils Hariri et le nouveau Président de France… !
Faten Lebanon
Tout se passe aujourd’hui comme si les dirigeants occidentaux, débordés et incapables d’avoir prévu la plus simple des évidences, l’explosion du Liban sous les coups de butoirs israéliens pour commencer, laissaient le pays subir les conséquences terribles de l’incurie de tous ses gouvernants et du manque de culture politique flagrant des populations. Le Liban n’a pas de drapeau, comme on peut l'entendre dans bien d'autres pays. Ce pays n’est pas actuellement une nation bien ronde, complète et dense. Il apparaît plutôt comme un empilement artificiel de clans, de tribus, de communautés religieuses ou politiques. Chacun et chacune tirant contre l’autre, dans ses propres intérêts immédiats. Comment une minorité qui se dit démocrate peut prétendre diriger tout un pays ! Que faire des autres ? Ceux des alliances idéologiques et stratégiques avec les Syriens, ceux qui, sunnites ou chiites des quartiers pauvres ou des camps de réfugiés, se sentent oubliés ? Le vrai problème est là, dans ces no man’s lands de l’Occident en Orient. La meilleure preuve en est de la reprise des combats le 20 mai 2007 dans le camp de Nahr-al-Bared. Qu’Allah les protège tous.
I have a dream
Au mois de janvier dernier, des Libanais, toutes tendances confondues, m’invitent à la rencontre aussi prémonitoire qu’inutile de leur association « Initiatives et Changements ». Ils font le tour d’Europe des belles volontés. Ils veulent après tant d’années de sang et de larmes y croire encore un peu, et derrière leur touchant « Changer soi même pour que le monde change » tentent de persuader l’Europe de leurs intentions de faire tomber les murs d’incompréhension, de préjugés et de vengeances. Parmi eux, d’anciens responsables des services de renseignements des forces chrétiennes ou musulmanes, des chiites et des sunnites voilées ou pas. Leur courage et leur angélisme m’interpellent, et j’aimerais avec eux réfléchir aux avenirs de ce merveilleux Liban mutilé. Mais tout est depuis englouti, les combats sont de retour et les armes crachent leurs haines.
Alors peu importe l’appartement que le fils Hariri prête à l’ami de son père, tout musulman en ferait autant pour quelqu’un qu’il aime bien. Peu importent les soubresauts des ambitions locales ou des ingérences internationales sur ce petit bout de terre aussi fin que l’esprit de certains parmi ceux qui l’habitent depuis les nuits des temps. Mais qu’Allah fasse que le peuple libanais retrouve sa Paix, celle d’un monde de l’Orient qui a tant apporté à nos civilisations, celle d’une terre heureuse aux climats doux et à l’air léger. Oui je fais un rêve… !
Des pigistes en mal de copies oseront titrer sur les deux jours de croisière des époux Sarkozy. Tout ceci est dans la grande tradition des petits avantages et autres faveurs, alors pourquoi s’en priver surtout quand çà ne coûte rien à l’Etat, du moins, en principe !? Pour une fois laissons le doute s’installer et imaginons plus simplement que l’hospitalité coranique a poussé le fils Hariri, qui se souvient des amitiés de son père assassiné pour ce chef d’Etat français familier de son clan, à offrir pour quelques mois un des appartements de la famille, libre aujourd’hui. C’est tellement mieux et c’est aussi peut-être un peu vrai. Offrons lui donc le bienfait d’Allah.
Pas très politiquement correct tout cela et certains hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay, scandalisés, dégainent immédiatement: « c’est le fruit d’un mélange des genres qui n’a cessé de se développer depuis des années ». D'autres insisteront avec le, « toute notre politique en Syrie et au Liban a été dictée par les humeurs d’Hariri, que Chirac se batte pour que l’assassinat de son ami ne reste pas impuni est tout à son honneur mais la maladresse d’aujourd’hui, celle d’accepter un luxueux appartement dans ce quartier de la gauche caviar, est révélatrice d’une déconnection des réalités lourde de conséquences surtout au moment où les combats reprennent à Beyrouth et Tripoli ». Ce jugement est sans appel. Et tout s’emballera lorsque Chirac, son successeur à peine élu,organise un entretien privé le 10 mai à l’Elysée même avec le fils Hariri. Une sorte de passation de consignes à Sarkozy aux yeux du monde entier avec en filigrane la continuité de la politique libanaise et chiraquienne de la France, verrou incontournable de l’influence de Paris dans le monde arabe. On ne peut être plus cynique.
Le cèdre de Chirac qui mène ainsi son dernier combat pour le Liban où il a, depuis longtemps, placé ses priorités voire ses fondamentaux. La Syrie fait pression, le Président du parlement libanais retient la désignation d’un tribunal international sur la mort d’Hariri et l’ONU reste prudente devant la pesée chiraquienne. Tous attendent son départ pour reconsidérer ce qu’ils appellent depuis longtemps « l’ingérence insupportable de la France ». L’ancien Président veut aider une dernière fois son ami de trente ans avec lequel il a franchi bien des épreuves, où chacun a soutenu l’autre lors de traversées du désert douloureuses. Ce lien privilégié semble se fissurer et avec le nouveau président les « amitiés particulières » d’hier n’auront peut-être plus les mêmes priorités. A suivre de près.
Axe Paris-Beyrouth !
Les rapprochements Hariri-Chirac n’ont jamais été le fruit d’un quelconque hasard. Entre 1995 et 1998 les deux hommes ont pris le pouvoir en même temps et leur complicité date de 1979/1988 à l’époque de la double conjonction des intérêts de la France et de l’Arabie Saoudite, principaux soutiens de l’Irak dans sa guerre contre l’Iran. Et ainsi la présence aux manettes des deux hommes en même temps va largement conditionner les relations franco-libanaises de la fin du siècle, et même au-delà dit-on. La terre libanaise est depuis longtemps une zone d’influence traditionnelle de la France et de l’Arabie Saoudite mais aussi un point de fixation de nombreux conflits régionaux. Les Français protecteurs des chrétiens et les Saoudiens grands parrains des sunnites ont un intérêt commun, celui de mettre en place et entretenir un « homme mosaïque » oeuvrant pour le maintien du précepte libanais de coexistence islamo-chrétienne et de l’inscription pérenne du Liban dans le giron occidental.
Citizen Hariri
Il a construit sa fortune avec les Saoudiens et de ce fait, il est assez riche pour être honnête. Séducteur, malin et sensible il sait faire. On peut l’approcher facilement et il dira souvent qu’il n’est pas vraiment un politicien, mais plutôt un patriote et un mécène. Il a un projet: travailler pour la reconstruction d’un pays tout entier; son pays, même s’il a aussi dans la poche un passeport saoudien. Les libanais sortent d’une guerre fratricide et interminable et ont envie de croire en cet homme providentiel qui a la pleine confiance du roi Fahd dont il sera finalement l’obligé.
Côté cour, après la destruction de Beyrouth en 1982 par Israël il arrivera avec les pelleteuses de la Saoudi-Oger et se mettra au travail sans relâche. Il sera le Baron Haussmann de Beyrouth et deviendra vite une idole. D’aucuns lui reprocheront de se limiter aux secteurs les plus rentables comme le centre ville, un périmètre de un kilomètre carré dont il serait le principal actionnaire. Et pourquoi pas ?! Il attirera ainsi de nombreux investisseurs et des moyens considérables vont pleuvoir sur ce pays qui en a bien besoin, chacun y trouvant son compte. On verra alors dans les feuilles d’opposition apparaître des détails sordides sur les travaux, les budgets pas trop respectés, les démesures, mais il avance et la ville change chaque jour.
Il fallait bien commencer par quelque chose et pourquoi ne pas attirer les « mouches capitalistes » par ce qui séduit et ensuite faire redescendre la manne. Hariri ne va pas hésiter et immédiatement par waqf bienfaiteur et personnel il finance les études de 40.000 étudiants dans le monde, même s’ils sont tous un peu trop originaires de sa ville natale Saïda. La matière grise libanaise se reconstitue et les cadres de demain se préparent, on les rencontre partout aujourd’hui. On a tous croisé dans les couloirs de nos facultés, en Sorbonne ou aux Arts et Métiers ces jeunes gens assoiffés d’apprendre ! Il va tenter un autre pari, disproportionné peut-être mais de bonne volonté, celui de faire revenir les émigrés dans son nouveau mirage de « riviera libanaise », son Dubaï à lui. Même si pour cela il heurte immédiatement les pudeurs d’un islamisme parfois trop radical à son goût. Il ne travaillera pas seulement sur son territoire national, car il sait, en fin négociateur, que les contrats de demain et les protections internationales se gagnent hors des frontières, dans le sillage des grands de ce monde et il les connaît tous, et tous ont eu un jour ou l’autre besoin de lui.
En 1988 à Paris, L’Institut du Monde Arabe est en faillite, les socialistes n’hésitent pas à le solliciter, et il répond en y injectant 15.000.000 de dollars. Trois ans plus tard, son président Pisani saura s’en souvenir lors des attributions de la fréquence de Radio Orient. Par ailleurs lorsque des financiers français auront nécessité de sauver la Saudi Bank en pleine déconfiture pour abus royaux, il sera encore et toujours là avec plus de 2 milliards de francs de l’époque et redonnera sa légitimité à la place financière de Paris. Poisson pilote du régime wahabite il prendra avec talent la relève de la diplomatie occidentale défaillante après la chute de Beyrouth ouest dans les bras des milices musulmanes. Grossouvre, l’ombre silencieuse de Mitterrand, orchestre la partition et en contrepartie la France décroche d’importants contrats militaires en Arabie Saoudite. Hariri est là comme toujours, avec sa filière bien huilée du clientélisme libano-arabo-africain. C’est un homme sûr, fidèle et discret.
Côté jardin, c’est tout autre chose et ses détracteurs ne vont pas l’épargner, jusqu’à la terrible explosion du 14 février 2005 où il est volatilisé sur le bord de mer, dans ce centre ville, sa roche Tarpéienne, où il pose un dernier regard. On lui reproche son immense fortune et même la concomitance de la prise du pouvoir avec son ami Chirac. Un peu plus tard lors de son éviction, la France, contrairement à toute réserve diplomatique ressentira cet acte comme un camouflet personnel et dissimulera mal ses réticences à la monté de Lahoud, ce Saint-Cyrien que l’on dit sans compromis avec la gabegie et la corruption, leitmotive de sa campagne électorale. Que ne diront-ils alors en 1999 lorsqu’il tentera à nouveau de se saisir du pouvoir, par exemple que « pour la première fois les relations politiques entre la France et le Liban ne sont circonscrites qu’à deux hommes », Chirac et Hariri, dont l’amitié est tissée de mystères, de financements occultes, de réseaux enchevêtrés jusqu’au caisses du parti gaulliste, le RPR.
Un an plus tard, Hariri reprend les rênes, deux années à peine avant que Chirac ne remporte l’Elysée. L’histoire va se réécrire, à l’encre de leurs visions. Ceux-là diront encore que l’économie pompéienne d’Hariri est au service des plus nantis, rien de moins. Que la dette publique proche de 180% du PIB est l’une des plus haute du monde et que le taux de change est inconcevable pour l’équilibre d’une nation. Que l’orientation générale de sa politique avantage le secteur des services au détriment de l’industrie ou de l’agriculture. Que les banques et leurs administrations verront leurs effectifs se multiplier au service des clients arabes et l’image mythique du « Liban Suisse de l’Orient » sera à nouveau et contre toute modernité remise au goût du jour. Que les belles villas foisonnent, toujours pour les mêmes qui le soir remplissent à déborder les boîtes à la mode. Que dans des hôtels, de plus en plus luxueux et nombreux, la débauche s’installe à tous les étages. Que les secteurs les plus rentables de l’économie nationale sont bradés aux investisseurs encore arabes plus intéressés par une économie de rente que par celle des biens et productions. Que la fracture sociale libanaise s’accentue depuis 1991 jusqu’à l’implosion programmée par des ennemis héréditaires internes ou extérieurs. Que l’inéluctable paupérisation renforce les désespoirs d’un petit peuple qui sort à peine d’un enfer de vingt années pour n’envisager à terme qu’un autre enfer attendu d’un jour à l’autre. Que le modèle saoudien est partout, béquillé sur des largesses financières directes ou par des participations aux affaires privées mais aussi publiques. Une gestion tribale ancestrale de laquelle chaque membre du clan reçoit sa part à la hauteur des services rendus. Qu’il est plus facile de régner sur des dirigeants corrompus aux passés douteux, désormais exécutants empressés de la volonté des puissances occidentales et saoudiennes. Enfin et cela est terriblement ciblé, on l’accuse carrément d’acheter le Liban, surtout les terres chrétiennes, non seulement par spéculation immobilière mais avant tout pour arabiser le pays en faveur des riches prédateurs du golfe. La mosquée Mohammad-el-Amine qu’il a construite à quelques mètres de la cathédrale maronite de Beyrouth, où il repose désormais, ne serait que l’expression de sa détermination à rogner l’influence de cette dernière, de même que celle de Saïda démesurée pour cette petite ville qui l’a vu naître. On lui reproche encore son intention de bâtir une autre mosquée en plein territoire chrétien à Harissa, concentration de couvents, de congrégations maronites et autres chrétiens orientaux. Pas mal pour un seul homme, exagéré comme toujours.
Tribunal International
On ne peut donner tort à Chirac de tout faire ou d’avoir tout tenté pour que cette instance puisse enfin arrêter et juger les assassins de son ami. Même si pour cela il faut voter le statut de cette cour par l’application de la résolution 1664 et le passage en force au chapitre VII. Les diplomates français ont fait le forcing sous la présidence Chirac. Mais Sarkozy aura-t-il les mêmes envies ? A ce jour aucune demande officielle n’a encore été faite en ce sens auprès des Nations Unies. Etrange ! Damas laisse filer, la Russie et quelques autres nations aussi. Rien n’est simple et Chirac quitte l’Elysée sans avoir obtenu ce qu’il souhaitait. D’où cet entretien surprenant quelques heures avant son départ avec le fils Hariri et le nouveau Président de France… !
Faten Lebanon
Tout se passe aujourd’hui comme si les dirigeants occidentaux, débordés et incapables d’avoir prévu la plus simple des évidences, l’explosion du Liban sous les coups de butoirs israéliens pour commencer, laissaient le pays subir les conséquences terribles de l’incurie de tous ses gouvernants et du manque de culture politique flagrant des populations. Le Liban n’a pas de drapeau, comme on peut l'entendre dans bien d'autres pays. Ce pays n’est pas actuellement une nation bien ronde, complète et dense. Il apparaît plutôt comme un empilement artificiel de clans, de tribus, de communautés religieuses ou politiques. Chacun et chacune tirant contre l’autre, dans ses propres intérêts immédiats. Comment une minorité qui se dit démocrate peut prétendre diriger tout un pays ! Que faire des autres ? Ceux des alliances idéologiques et stratégiques avec les Syriens, ceux qui, sunnites ou chiites des quartiers pauvres ou des camps de réfugiés, se sentent oubliés ? Le vrai problème est là, dans ces no man’s lands de l’Occident en Orient. La meilleure preuve en est de la reprise des combats le 20 mai 2007 dans le camp de Nahr-al-Bared. Qu’Allah les protège tous.
I have a dream
Au mois de janvier dernier, des Libanais, toutes tendances confondues, m’invitent à la rencontre aussi prémonitoire qu’inutile de leur association « Initiatives et Changements ». Ils font le tour d’Europe des belles volontés. Ils veulent après tant d’années de sang et de larmes y croire encore un peu, et derrière leur touchant « Changer soi même pour que le monde change » tentent de persuader l’Europe de leurs intentions de faire tomber les murs d’incompréhension, de préjugés et de vengeances. Parmi eux, d’anciens responsables des services de renseignements des forces chrétiennes ou musulmanes, des chiites et des sunnites voilées ou pas. Leur courage et leur angélisme m’interpellent, et j’aimerais avec eux réfléchir aux avenirs de ce merveilleux Liban mutilé. Mais tout est depuis englouti, les combats sont de retour et les armes crachent leurs haines.
Alors peu importe l’appartement que le fils Hariri prête à l’ami de son père, tout musulman en ferait autant pour quelqu’un qu’il aime bien. Peu importent les soubresauts des ambitions locales ou des ingérences internationales sur ce petit bout de terre aussi fin que l’esprit de certains parmi ceux qui l’habitent depuis les nuits des temps. Mais qu’Allah fasse que le peuple libanais retrouve sa Paix, celle d’un monde de l’Orient qui a tant apporté à nos civilisations, celle d’une terre heureuse aux climats doux et à l’air léger. Oui je fais un rêve… !