Points de vue

Chronique d’une année tragique sous les bombes à Gaza (1/3)

Rédigé par Ziad Medoukh | Mercredi 9 Octobre 2024 à 17:00



© Ziad Medoukh
Octobre 2023, octobre 2024. Une année d’horreur qui ne s’arrête pas. Un an déjà, comme c’était hier, et ce n’est pas terminé !

365 jours de bombardements intensifs sur une région enfermée, une année tragique et dramatique pour tous les Palestiniens de Gaza horrifiés et effrayés… c’est vraiment impensable et ça continue jusqu’à présent.

En tant que citoyen de la ville de Gaza, je ne sais pas vraiment par où commencer, ni comment commencer, ni de quoi écrire et témoigner… L’intensité du feu venant du ciel et de terre sème toujours plus de morts à Gaza.

On pensait que l’escalade au Liban fin septembre allait arrêter les bombardements sur Gaza. Or rien n’a changé pour les habitants de cette région dévastée, et la situation va de pire en pire.

Nous sommes morts, cœurs et corps

J’essaie de raconter notre souffrance, de décrire notre colère, et de témoigner de l’horreur absolue, mais rien n’est évident dans ce contexte de violence, d’insécurité, de déplacement forcé, de famine et de souffrance. Cependant, parler des évènements terribles que nous avons vécus toute l’année est une mission à la fois très difficile et compliquée, mais passionnante et émouvante, notamment, parce que je vais parler d’un récit personnel.

Je vais évoquer mes angoisses, mes peurs, mes inquiétudes, ma colère, mes drames, ma volonté, ma patience, ma détermination, mes rêves et mes espérances pendant cette longue offensive horrible et sans précèdent, où les forces de l’occupation israélienne ont mené des opérations militaires et des attaques sanglantes contre la population civile, sous un déferlement de bombes qui a fait des dizaines de milliers de morts et des centaines de milliers de blessés, en majorité des civils : femmes, enfants et personnes âgées… Sans oublier la destruction massive des habitations et des infrastructures civiles.

Nos compagnons du ciel ne sont plus les étoiles, ni la Lune vers qui nous levions nos regards animés d’ambitions et d’espoir ; ce ne sont désormais que les avions, les drones, les bombardements permanents, le brouillard, le rouge vif du sang, les explosions aussi ardentes que la chaleur du soleil et les éclats d’obus dans l’air, qui sont des coups de tonnerre ininterrompus rythmant notre quotidien.

Face à cette situation, mon cœur et mon esprit sont tiraillés sans arrêt, au point de ne plus savoir quoi penser ou quoi dire. Je souffre littéralement chaque instant. Je crie, je ressens la douleur qui envahit nos cœurs ainsi que nos visages. Comment pourrions-nous diminuer cette souffrance ? Nous n’avons même plus envie de manger, ni de boire ; nous n’arrivons pas à dormir. Nous sommes morts, cœurs et corps.

Une armée assurée d’une impunité totale

Chaque heure, chaque minute, chaque seconde, nous sommes traumatisés. Face à l’incertitude de la chute d’une bombe, nous ne savons pas quand la mort nous frappera fatalement, nous ne savons pas de quelle façon nous allons mourir, ni si nous allons survivre ou non à cet énième acte criminel. Est-ce que nous serons face à l’ultime destruction ? Hier, aujourd’hui, ce furent des voisins, des quartiers proches, et aujourd’hui, cela sera le tour de qui ? Cette fois-ci, qui de nous succombera au même tragique destinée ?

Nous sommes si impuissants face aux bombardements auxquels nous n’avons aucun pouvoir de nous opposer, dont nous n’avons aucun moyen d’obtenir définitivement la fin. L’armée d’occupation a semé la terreur et l’horreur à Gaza, qui subissait et supportait déjà un blocus inhumain et illégal depuis plus de 18 ans.

Les nouveaux cycles d’agression de l’armée israélienne détruit tout et sans distinction dans la bande de Gaza : immeubles, maisons, hôpitaux, centres d’accueil, mosquées, églises, usines, bibliothèques, centres médicaux, écoles, universités, librairies, stations électriques, puits d’eau, parcs, banques, associations, stades, sites touristiques, monuments historiques, centres commerciaux et terrains agricoles.

Devant le silence complice d’une communauté internationale impuissante et l’absence des médias qui occultent cette réalité des faits, cette armée est assurée d’une impunité totale. Elle a commis des massacres et des crimes à l’encontre des civils de la bande de Gaza avec des armes interdites et des missiles envoyés par des alliés.

Le véritable objectif de cette cinquième offensive militaire en 14 ans est de briser la volonté remarquable d’une population civile résistante qui a choisi de défier le blocus et toutes les mesures atroces de l’occupation, quitte à rester et à vivre dans les ruines des bombardements, et dans des tentes déchirées et abimées dans des conditions inhumaines.

La suite du témoignage sur la longue année de souffrances ici

****
Ziad Medoukh est professeur et directeur du département de français de l’université Al-Aqsa de Gaza.

Lire aussi :
7-Octobre, un an après : les responsables des cultes en France lancent un appel à la paix à la fraternité
Un an après le 7-Octobre, le martyre de Gaza continue, les droits humains en berne
Gaza : les propos du grand rabbin de France consternent le CFCM, des collectifs juifs aussi
Israël : devant l'horreur à Gaza, la double trahison du droit international et de la religion juive doit cesser
Gaza : prôner un genocide contre les Palestiniens n’a rien de « judéo-chrétien »