Dimanche 17 octobre a été célébrée la Journée mondiale contre la pauvreté. Cette journée est née de l’initiative de l’association française ATD Quart monde, qui mobilise les gens vivant une situation de précarité pour qu’ils s’en sortent, avant tout grâce à leur effort collectif.
Après une dizaine d’années d’existence et une campagne universelle contre la pauvreté menée par l’ONU, le constat est hélas toujours alarmant. Même si l’indigence a été plus ou moins maîtrisée selon le rapport de l’ONU sur la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, 1 milliard de personnes vit encore dans la pauvreté.
Mettre fin à ce scandale planétaire est la responsabilité des décideurs politiques et économiques en premier lieu certes. Mais nous sommes tous concernés, notamment nous, musulman-e-s, et plus spécifiquement celles et ceux qui sont citoyens des pays musulmans riches.
Ces derniers sont particulièrement sollicités ces dernières années par les financiers occidentaux, qui espèrent trouver chez eux des solutions aux problèmes structurels de leur système financier et économique qui peine à se relever depuis la dernière crise, d’où l’intérêt accru pour la finance islamique. Certains sceptiques ne voient dans cet engouement pour la finance islamique qu’une façon de courtiser les pourvoyeurs de fonds musulmans des pays du Golfe afin qu’ils contribuent plus au sauvetage des banques, donc des plus riches.
Reconnaissons que les sceptiques n’ont pas complètement tort. Tout en se réjouissant pour la percée du concept de la finance islamique en France et ailleurs et tout en encourageant le développement de ses produits et instruments, il est de notre devoir de rappeler que si les fonds musulmans doivent servir à sauver quelque chose, cela doit être la vie humaine, celle des pauvres et non les banques.
Les activités de ce secteur financier doivent se développer en maintenant un lien fort et direct avec l’éthique islamique. Cette éthique inspirée par le noble Coran et la tradition du Prophète, qui dit entre autres : « Ne peut être considéré comme un vrai croyant celui (ou celle) qui dort rassasié alors que son voisin dort l’estomac vide. » Dans ce monde globalisé, notre voisin affamé qui a besoin de notre secours, ce n’est pas seulement celui qui habite sur notre palier ou dans notre quartier, ce sont aussi ces enfants mal nourris dont les images défilent sur nos écrans pendant que nous sommes attablés à des tables bien garnies.
S’il n’existait qu’une seule raison qui justifierait l’engagement des musulmans dans l’économie mondiale, elle devrait être le combat contre la pauvreté et pour la justice sociale : car partager n’est pas seulement un acte de charité pour nous, c’est un devoir religieux. Et il a un nom : la zakât.
Après une dizaine d’années d’existence et une campagne universelle contre la pauvreté menée par l’ONU, le constat est hélas toujours alarmant. Même si l’indigence a été plus ou moins maîtrisée selon le rapport de l’ONU sur la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, 1 milliard de personnes vit encore dans la pauvreté.
Mettre fin à ce scandale planétaire est la responsabilité des décideurs politiques et économiques en premier lieu certes. Mais nous sommes tous concernés, notamment nous, musulman-e-s, et plus spécifiquement celles et ceux qui sont citoyens des pays musulmans riches.
Ces derniers sont particulièrement sollicités ces dernières années par les financiers occidentaux, qui espèrent trouver chez eux des solutions aux problèmes structurels de leur système financier et économique qui peine à se relever depuis la dernière crise, d’où l’intérêt accru pour la finance islamique. Certains sceptiques ne voient dans cet engouement pour la finance islamique qu’une façon de courtiser les pourvoyeurs de fonds musulmans des pays du Golfe afin qu’ils contribuent plus au sauvetage des banques, donc des plus riches.
Reconnaissons que les sceptiques n’ont pas complètement tort. Tout en se réjouissant pour la percée du concept de la finance islamique en France et ailleurs et tout en encourageant le développement de ses produits et instruments, il est de notre devoir de rappeler que si les fonds musulmans doivent servir à sauver quelque chose, cela doit être la vie humaine, celle des pauvres et non les banques.
Les activités de ce secteur financier doivent se développer en maintenant un lien fort et direct avec l’éthique islamique. Cette éthique inspirée par le noble Coran et la tradition du Prophète, qui dit entre autres : « Ne peut être considéré comme un vrai croyant celui (ou celle) qui dort rassasié alors que son voisin dort l’estomac vide. » Dans ce monde globalisé, notre voisin affamé qui a besoin de notre secours, ce n’est pas seulement celui qui habite sur notre palier ou dans notre quartier, ce sont aussi ces enfants mal nourris dont les images défilent sur nos écrans pendant que nous sommes attablés à des tables bien garnies.
S’il n’existait qu’une seule raison qui justifierait l’engagement des musulmans dans l’économie mondiale, elle devrait être le combat contre la pauvreté et pour la justice sociale : car partager n’est pas seulement un acte de charité pour nous, c’est un devoir religieux. Et il a un nom : la zakât.
Le bénéficiaire de la zakât n’est redevable qu’à son Créateur
L’éradication de la pauvreté de notre monde ne se fera pas par la seule action des ONG caritatives. Ces dernières ne font que mitiger son impact sur les plus nécessiteux et mobilisent une grande partie de leurs dons lors des catastrophes. Par ailleurs, si on se limite à l’aide et à l’assistance, on confine ainsi les populations pauvres à un rôle passif et on augmente leur dépendance envers ceux qui fournissent l’aide. Or on ne peut continuellement prendre en charge des populations entières. Si l’on veut vraiment les sortir de la pauvreté, il faut leur donner les moyens de redevenir autonomes et de se réinsérer dans le circuit économique.
Une telle réinsertion ne se fera jamais dans le cadre d’un système qui est construit sur le profit, l’intérêt et le gain, combien même il est rééquilibré et réajusté par différentes mesures et réglementations. Il faut un système qui valorise le partage tout autant que la productivité, la gratuité tout autant que le gain. Un tel système ne peut exister sans l’introduction d’une dimension éthique, telle que celle qui est proposée par l’alternative islamique.
En effet, le système économique et financier proposé par le projet de société en islam est composé à la fois d’un domaine lucratif (commerce, transactions financières, industries, entreprises…) et un domaine non lucratif (devoir de zakât, don d’aumônes, waqf ou fondations de charité…). Les deux domaines sont aussi importants et essentiels l’un que l’autre pour la viabilité et la pérennité d’une alternative économique islamique selon l’expert en finances auprès de la Banque islamique de développement, Sami Swilem (1).
Ce dernier soutient aussi que la zakât, ce devoir religieux pour les musulmans riches, peut être un instrument efficace dans la lutte contre la pauvreté, car elle permet de faire circuler la richesse des mains des nantis à celles des nécessiteux sans passer par le marché, permettant à ces derniers de posséder de nouveau les moyens non seulement de consommer mais aussi d’entreprendre. Le donateur de zakât s’acquitte d’un devoir religieux et n’attend donc aucun rendement lucratif de son don, à part une récompense spirituelle. Il n’a pas à se prévaloir d’un statut de bienfaiteur face à celui qui reçoit. Le bénéficiaire de la zakât n’est ainsi redevable qu’à son Créateur et sa dignité est sauve.
En écoutant cet expert, moi qui suis loin d’être initiée à la finance et à ses méandres mais très concernée par la question de la pauvreté dans le monde, j’ai senti qu’il ouvrait des portes d’espoir. En même temps, je me suis demandé : Comment transformer ces beaux principes en actions ? Si notre religion enferme de tels principes et si un certain nombre de pays musulmans sont riches, pourquoi n’en voit-on pas l’impact dans la lutte contre la pauvreté, dont une grande partie des populations musulmanes souffre ? Où va la zakât de nos riches coreligionnaires ?
Une telle réinsertion ne se fera jamais dans le cadre d’un système qui est construit sur le profit, l’intérêt et le gain, combien même il est rééquilibré et réajusté par différentes mesures et réglementations. Il faut un système qui valorise le partage tout autant que la productivité, la gratuité tout autant que le gain. Un tel système ne peut exister sans l’introduction d’une dimension éthique, telle que celle qui est proposée par l’alternative islamique.
En effet, le système économique et financier proposé par le projet de société en islam est composé à la fois d’un domaine lucratif (commerce, transactions financières, industries, entreprises…) et un domaine non lucratif (devoir de zakât, don d’aumônes, waqf ou fondations de charité…). Les deux domaines sont aussi importants et essentiels l’un que l’autre pour la viabilité et la pérennité d’une alternative économique islamique selon l’expert en finances auprès de la Banque islamique de développement, Sami Swilem (1).
Ce dernier soutient aussi que la zakât, ce devoir religieux pour les musulmans riches, peut être un instrument efficace dans la lutte contre la pauvreté, car elle permet de faire circuler la richesse des mains des nantis à celles des nécessiteux sans passer par le marché, permettant à ces derniers de posséder de nouveau les moyens non seulement de consommer mais aussi d’entreprendre. Le donateur de zakât s’acquitte d’un devoir religieux et n’attend donc aucun rendement lucratif de son don, à part une récompense spirituelle. Il n’a pas à se prévaloir d’un statut de bienfaiteur face à celui qui reçoit. Le bénéficiaire de la zakât n’est ainsi redevable qu’à son Créateur et sa dignité est sauve.
En écoutant cet expert, moi qui suis loin d’être initiée à la finance et à ses méandres mais très concernée par la question de la pauvreté dans le monde, j’ai senti qu’il ouvrait des portes d’espoir. En même temps, je me suis demandé : Comment transformer ces beaux principes en actions ? Si notre religion enferme de tels principes et si un certain nombre de pays musulmans sont riches, pourquoi n’en voit-on pas l’impact dans la lutte contre la pauvreté, dont une grande partie des populations musulmanes souffre ? Où va la zakât de nos riches coreligionnaires ?
La pauvreté, l'ennemi de tous
Il n’est pas besoin d’être un grand connaisseur d’économie ou de finances pour comprendre que nous manquons à notre devoir de solidarité et que nous trahissons cet esprit d’équité et cette notion de partage instaurés par notre religion.
Avant de demander des comptes aux autres, demandons-les à nous-mêmes : Assumons-nous comme il se doit notre mission de vicaires de Dieu sur Terre ? Nous préoccupons-nous de notre voisin proche ou lointain qui dort et se réveille affamé ? Mettons-nous en œuvre une action concrète en tant qu’individu ou en tant que groupe pour éradiquer le fléau de la pauvreté, de la famine et de manque d’eau et d’hygiène dont souffre au moins 1 milliard d’humains ?
Ma recherche de réponses à toutes ces interrogations m’a menée jusqu’à cette grande conférence organisée il y a un an par des musulmans indiens, à New Delhi, autour de la situation économique des Indiens musulmans (2).
Ce qui a attiré mon attention lors de cet événement, c’est le fait que les organisateurs ont consacré une partie importante au traitement de la question de la pauvreté extrême. Les conférenciers ne se sont pas satisfaits de rappeler les principes islamiques de partage, de solidarité et de fraternité, ils ont proposé des mesures concrètes pour éradiquer la pauvreté, qui peuvent être mises en œuvre par des groupes et par des États. En voici quelques-unes.
1. Tout d’abord, les musulmans indiens doivent se fixer comme objectif et devoir « religieux » le dépassement de la pauvreté, en appelant les riches à s’acquitter de leur zakât et à en faire un fonds d’aide destiné aux pauvres.
2. Appeler les imams et les éducateurs à contribuer à l’effort d’informer les musulmans de leurs droits et devoirs économiques de manière à ce qu’ils deviennent capables de bénéficier des projets gouvernementaux pour l’emploi et l’encouragement à l’investissement, dans le respect de leur spiritualité musulmane.
3. Développer l’activité du commerce à tous les niveaux pour sortir les gens de la pauvreté en prenant l’exemple du commerçant honnête et vertueux prôné par le Prophète [PBDSL].
4. Réhabiliter les pauvres comme frères et sœurs dans la foi et dans l’humanité, et notamment les femmes et les enfants, et œuvrer pour les insérer dans la vie sociale et économique sans les exploiter. Donc appeler les associations caritatives, les patrons et les riches musulmans à investir avec et pour les plus démunis, notamment dans le domaine de la santé et celui de l’éducation.
5. Mobiliser les communautés musulmanes contre tous les aspects de gaspillage dans la consommation des biens, de la nourriture et de l’énergie, partant de l’idée que les musulmans doivent donner l’exemple dans un comportement de consommateur responsable.
6. Exiger des institutions éducatives et universitaires islamiques de créer des départements de recherche sur le sujet de l’éradication de la pauvreté extrêmes, afin de développer une stratégie à long terme de l’utilisation rationnelle des aides reçues et de la création de projets d’investissement, de microcrédits compatibles avec l’éthique islamique ainsi que tous autres instruments susceptibles d’aider à insérer les indigents dans la vie sociale et économiques et à leur rendre leur dignité.
7. Mieux gérer les waqf (fondations charitables), en modernisant l’administration et en réhabilitant leur rôle dans l’aide aux plus démunis.
8. Appeler à l’égalité des chances et des droits entre tous les citoyens dans l’accès à l’emploi, au logement et à la santé et rejeter toutes formes de discrimination économique.
Ces idées pratiques sont simples, encore faut-il les avoir et veiller à les mettre en œuvre ! Quand on les observe de près, elles rejoignent pleinement les mesures et les propositions développées dans le cadre de la campagne des Objectifs du millénaire pour le développement et visent à lutter contre la pauvreté.
Combattre la pauvreté et l’indigence, cet ennemi commun de tous les êtres humains, c’est ce que doivent faire les pays islamiques riches, qui doivent transformer ces résolutions en actions.
Mais c’est aussi le combat de chacun-e d’entre nous, qui avons un devoir de responsabilité économique en tant que comm’acteurs, entrepreneurs, responsables associatifs, leaders d’opinion, éducateurs et simples citoyens. Le Saint Coran ne nous rappelle-t-il pas que dans nos richesses existe une part bien déterminée qui est un droit dû au mendiant et à l’indigent ?
Notes
1. Déclaration faite lors de son intervention au colloque sur la finance islamique organisée par le COFFIS le 8et 9 octobre à Paris. Ce colloque pendant lequel plusieurs érudits et experts musulmans ont parlé de l’éthique de la finance islamique.
2. Colloque à l’université de Hamdred, New Delhi, 24-25 octobre 2009, « Développer l’économie des musulmans indiens : la situation actuelle et les potentialités ».
* Mehrézia Labidi-Maïza est coordinatrice de Femmes croyantes pour la paix et co-auteure de Abraham, réveille-toi, ils sont devenus fous ! (avec Laurent Klein, Éd. de l'Atelier, 2004).
Avant de demander des comptes aux autres, demandons-les à nous-mêmes : Assumons-nous comme il se doit notre mission de vicaires de Dieu sur Terre ? Nous préoccupons-nous de notre voisin proche ou lointain qui dort et se réveille affamé ? Mettons-nous en œuvre une action concrète en tant qu’individu ou en tant que groupe pour éradiquer le fléau de la pauvreté, de la famine et de manque d’eau et d’hygiène dont souffre au moins 1 milliard d’humains ?
Ma recherche de réponses à toutes ces interrogations m’a menée jusqu’à cette grande conférence organisée il y a un an par des musulmans indiens, à New Delhi, autour de la situation économique des Indiens musulmans (2).
Ce qui a attiré mon attention lors de cet événement, c’est le fait que les organisateurs ont consacré une partie importante au traitement de la question de la pauvreté extrême. Les conférenciers ne se sont pas satisfaits de rappeler les principes islamiques de partage, de solidarité et de fraternité, ils ont proposé des mesures concrètes pour éradiquer la pauvreté, qui peuvent être mises en œuvre par des groupes et par des États. En voici quelques-unes.
1. Tout d’abord, les musulmans indiens doivent se fixer comme objectif et devoir « religieux » le dépassement de la pauvreté, en appelant les riches à s’acquitter de leur zakât et à en faire un fonds d’aide destiné aux pauvres.
2. Appeler les imams et les éducateurs à contribuer à l’effort d’informer les musulmans de leurs droits et devoirs économiques de manière à ce qu’ils deviennent capables de bénéficier des projets gouvernementaux pour l’emploi et l’encouragement à l’investissement, dans le respect de leur spiritualité musulmane.
3. Développer l’activité du commerce à tous les niveaux pour sortir les gens de la pauvreté en prenant l’exemple du commerçant honnête et vertueux prôné par le Prophète [PBDSL].
4. Réhabiliter les pauvres comme frères et sœurs dans la foi et dans l’humanité, et notamment les femmes et les enfants, et œuvrer pour les insérer dans la vie sociale et économique sans les exploiter. Donc appeler les associations caritatives, les patrons et les riches musulmans à investir avec et pour les plus démunis, notamment dans le domaine de la santé et celui de l’éducation.
5. Mobiliser les communautés musulmanes contre tous les aspects de gaspillage dans la consommation des biens, de la nourriture et de l’énergie, partant de l’idée que les musulmans doivent donner l’exemple dans un comportement de consommateur responsable.
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7. Mieux gérer les waqf (fondations charitables), en modernisant l’administration et en réhabilitant leur rôle dans l’aide aux plus démunis.
8. Appeler à l’égalité des chances et des droits entre tous les citoyens dans l’accès à l’emploi, au logement et à la santé et rejeter toutes formes de discrimination économique.
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