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Comment la Turquie d’Erdogan a évité un scénario à l’égyptienne

Tentative de coup d'Etat

Rédigé par | Samedi 16 Juillet 2016 à 11:56

Le gouvernement turc a annoncé, samedi 15 juillet, que la tentative de coup d'Etat de l'armée fomenté contre Recep Tayyip Erdogan a avorté. Retour sur une nuit qui aurait pu faire basculer la Turquie dans l’incertitude.



Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de plusieurs villes turques comme ici, à Istanbul, à l'appel du président turc Erdogan pour s'opposer un coup de force de l'armée dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 juillet.
Recep Tayyip Erdogan a eu un coup de chaud. L’armée turque avait annoncé, dans la nuit de vendredi 15 au samedi 16 juillet, un coup d’Etat, prenant position dans plusieurs lieux stratégiques d’Istanbul et d'Ankara. Elle avait aussi confisqué l’antenne de la chaîne publique TRT par laquelle elle annonçait avoir pris le contrôle du pays avec pour objectif de « restaurer l’ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de l’homme et les libertés ». Dans le même temps, le Parlement turc, situé à Ankara, a été bombardé.

La confusion a duré des heures pour les Turcs. Le président, qui était en vacances dans le pays, a exhorté son peuple à sortir dans les rues pour s’opposer au coup d’Etat. A Ankara, à Istanbul, à Izmir mais aussi dans plusieurs villes d'Allemagne, des milliers de personnes ont répondu à son appel, lancé depuis la rédaction de CNN Turquie via l’application téléphonique FaceTime, rassurant ainsi les Turcs qu’il était toujours en vie.

Ses partisans n’ont pas hésité à servir de rempart face aux militaires rebelles. Des dizaines d'entre eux ont payé leur sortie de leurs vies. Les partis politiques opposés à l'AKP ont également condamné le coup de force au nom de la démocratie.

Une purge de l’armée annoncée

Erdogan appelant le peuple à sortir en masse pour s'opposer au coup d'Etat.
Finalement, l’armée turque a annoncé, samedi 16 juillet, que le coup d’Etat a échoué. Recep Tayyip Erdogan a été accueilli en héros à l’aéroport Atatürk d’Istanbul.

L’heure est aux représailles du gouvernement turc, qui qualifie le putsch de « trahison ». Près de 3 000 militaires rebelles ont d’ores et déjà été arrêtés, a fait savoir le Premier ministre Binali Yildirim. Le chef d’Etat-major, qui avait été pris en otage par les putschistes, a été libéré.

Cependant, le bilan des affrontements est lourd : 265 personnes, civils et policiers, sont morts et plus de 1 400 personnes ont été blessées. Une centaine de putschistes ont été abattus. Le président Erdogan, qui voit son pouvoir sortir renforcé par cet épisode, a accusé les partisans de Fehtullah Gülen d'être derrière cette tentative de putsch. L’ex-allié devenu son ennemi juré, en exil aux États-Unis, a réfuté ces accusations.

La France en soutien à Erdogan

La France « espère que la démocratie turque sortira renforcée » après « la tentative de coup de force contre son ordre constitutionnel et démocratique », a affirmé le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault. « La population turque a montré sa grande maturité et son courage, en s’engageant pour le respect de ses institutions. »

Un soutien diplomatique fort que n’avait pas obtenu Mohamed Morsi en 2013 : la France entretient aujourd'hui de très bonnes relations avec Abdel Fattah al-Sissi, le haut dirigeant de l'armée égyptienne qui a renversé le président élu issu des Frères musulmans – avec le soutien d'une partie de la population – avant de réprimer toute opposition.

La popularité en Turquie de Recep Tayyip Erdogan, qui était en 2013 un des seuls dirigeants à condamner ouvertement le coup d'Etat en Egypte, mais aussi la volonté du peuple de sauvegarder les acquis démocratiques ont sauvé le président et son gouvernement d'un coup d'Etat qui aurait plongé le pays, voisin de la Syrie et de l'Irak, dans une période sombre.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur