Deux des lycéens qui portent plainte contre l'Etat pour contrôles au faciès.
Elise Boscherel, professeure de français et d’histoire-géographie au lycée professionnel Louise Michèle d’Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), publiait en mars une tribune afin de dénoncer les contrôles au faciès subis par trois de ses élèves au retour d’une sortie scolaire.
Ilyas est d'origine marocaine, Mamadou d'origine malienne et Zakaria d'origine comorienne, et ils ont tous trois été arrêtés à la Gare du Nord (Paris) devant leurs camarades alors qu’ils revenaient d’un séjour scolaire à Bruxelles pour découvrir les institutions européennes. « Nous allons engager la responsabilité civile de l’État pour des faits de discrimination raciale. Nous entendons obtenir qu’il soit condamné comme il l’a été en novembre par la Cour de cassation », a annoncé Slim Ben Achour lors d’une conférence de presse lundi 10 avril.
L’avocat des trois lycéens était en charge, en compagnie de son collègue Felix de Belloy, des 13 dossiers de plaintes contre l’État qui ont abouti en novembre 2016 à sa condamnation définitive pour discrimination. Slim Ben Achour ajoute que le Défenseur des droits va également être saisi.
Ilyas est d'origine marocaine, Mamadou d'origine malienne et Zakaria d'origine comorienne, et ils ont tous trois été arrêtés à la Gare du Nord (Paris) devant leurs camarades alors qu’ils revenaient d’un séjour scolaire à Bruxelles pour découvrir les institutions européennes. « Nous allons engager la responsabilité civile de l’État pour des faits de discrimination raciale. Nous entendons obtenir qu’il soit condamné comme il l’a été en novembre par la Cour de cassation », a annoncé Slim Ben Achour lors d’une conférence de presse lundi 10 avril.
L’avocat des trois lycéens était en charge, en compagnie de son collègue Felix de Belloy, des 13 dossiers de plaintes contre l’État qui ont abouti en novembre 2016 à sa condamnation définitive pour discrimination. Slim Ben Achour ajoute que le Défenseur des droits va également être saisi.
Une humiliation publique
« Ce qui s’est passé est scandaleux et pas normal », dénonce Mamadou, 18 ans, devant un parterre de journalistes. « Il m’a contrôlé parce que je m’appelle Mamadou et que je suis Black », raconte-t-il. « C’est à nous de changer les choses, (…) on a fait une lettre ouverte car il y a des millions de jeunes qui n’en peuvent plus » explique-t-il, précisant que, « aujourd’hui, entre les jeunes et la police, c’est un combat mais nous voulons un dialogue. Ce n’est pas un discours anti-flics ».
Mamadou raconte avoir été attrapé par le bras et tutoyé par l’agent de police le soir du 1er mars. « Il m’a demandé si je revenais d’Amsterdam » puis « il a fouillé ma valise et m’a demandé si j’ai un casier judiciaire ». Une question qui révolte le lycéen qui refuse de répondre. Après un échange au talkie-walkie, l’agent interpelle la professeure et lui déclare qu’il a eu raison d’effectuer ce contrôle car le jeune a bel et bien un casier judiciaire. Mamadou dit s’être senti humilié face à cette annonce faite en public devant ses camarades. C’est pourquoi il a décidé d’aller « jusqu’au bout » pour obtenir justice. « Je n’ai pas envie que, dans 15 ans, mes enfants vivent ça », dit-il. Citant la devise de la République française il ajoute que la liberté est valable « pour certains mais pas tout le monde ».
Mamadou raconte avoir été attrapé par le bras et tutoyé par l’agent de police le soir du 1er mars. « Il m’a demandé si je revenais d’Amsterdam » puis « il a fouillé ma valise et m’a demandé si j’ai un casier judiciaire ». Une question qui révolte le lycéen qui refuse de répondre. Après un échange au talkie-walkie, l’agent interpelle la professeure et lui déclare qu’il a eu raison d’effectuer ce contrôle car le jeune a bel et bien un casier judiciaire. Mamadou dit s’être senti humilié face à cette annonce faite en public devant ses camarades. C’est pourquoi il a décidé d’aller « jusqu’au bout » pour obtenir justice. « Je n’ai pas envie que, dans 15 ans, mes enfants vivent ça », dit-il. Citant la devise de la République française il ajoute que la liberté est valable « pour certains mais pas tout le monde ».
Elise Boscherel, professeure de français et d'histoire-géographie au lycée Louise Michel d'Epinay-sur-Seine © Saphirnews.com / SD
Une longue bataille judiciaire lancée
Lors du point presse, Elise Boscherel est revenue sur la dangerosité de ces contrôles. « Des policiers m’ont très mal parlé et les élèves ont pris ma défense, la situation aurait pu dégénérer », explique-t-elle. Le lendemain, elle est allée au commissariat de Saint-Denis pour porter plainte mais les policiers ont refusé d’enregistrer sa plainte. Elle a néanmoins convaincu ses élèves de se lancer dans une procédure judiciaire. Elle a obtenu le soutien de toute la classe qui se porte témoin, du proviseur du lycée et de la Fédération des Conseils des Parents d’Élèves (FCPE).
Elise Boscherel regrette cependant que les syndicats d’enseignants et surtout le rectorat et le ministère de l’Éducation nationale ne s’engagent pas plus malgré ses sollicitations. « J’espérais une circulaire du ministère de l’Éducation nationale pour interdire les contrôles d’identité des élèves durant les sorties scolaires », explique-t-elle. A la question de savoir si la longue bataille judiciaire dans laquelle elle a lancé ses lycéens ne risquait pas de perturber leur préparation de l’examen du baccalauréat, elle répond : « Cela entre dans le cadre d’une réflexion que nous avons eu ensemble à l’école. Je crois que c’est positif parce que c’est un cas pratique d’éducation morale et civique. » Elle précise également que ses élèves sont davantage mobilisés et responsabilisés depuis cette affaire.
Elise Boscherel regrette cependant que les syndicats d’enseignants et surtout le rectorat et le ministère de l’Éducation nationale ne s’engagent pas plus malgré ses sollicitations. « J’espérais une circulaire du ministère de l’Éducation nationale pour interdire les contrôles d’identité des élèves durant les sorties scolaires », explique-t-elle. A la question de savoir si la longue bataille judiciaire dans laquelle elle a lancé ses lycéens ne risquait pas de perturber leur préparation de l’examen du baccalauréat, elle répond : « Cela entre dans le cadre d’une réflexion que nous avons eu ensemble à l’école. Je crois que c’est positif parce que c’est un cas pratique d’éducation morale et civique. » Elle précise également que ses élèves sont davantage mobilisés et responsabilisés depuis cette affaire.
Lettre ouverte d'Ilyas, Mamadou et Zakaria
Nous nous prénommons Ilyas, Mamadou et Zakaria et sommes trois lycéens en classe de Terminale au tycée Louise-Michel d’Épinay-sur-Seine. Nous souhaitons partager avec vous une histoire tristement banale. Le 1er mars dernier, nous revenions avec nos 15 autres camarades de classe d’une sortie scolaire à Bruxelles. Bruxelles, capitale européenne que nous avions découverte avec engouement. Enfin, l’année de notre baccalauréat, nous découvrions, avec notre professeure Madame Elise Boscherel, le Parlement européen et son fonctionnement. Nous avons même été reçus par un député européen qui nous a expliqué de quoi était composé son quotidien de parlementaire et qui a accepté de partager avec nous son expérience et ses idées.
Dans le Thalys du retour, nous étions exténués par ces deux jours de découverte. Toute la classe dormait, nous peut-être encore plus profondément que les autres. Nous sommes descendus du train en Gare du Nord encore un peu dans les nuages. Malheureusement, notre quotidien bien français nous a tout de suite rappelés à l’ordre. A peine avait-on fait quelques pas sur le quai, encore un peu endormis, que le premier d’entre nous, Ilyas, a entendu un policier l’interpeller pour lui demander de se mettre sur le côté et sortir sa pièce d’identité. Pourquoi, de retour de notre voyage de classe, nous devions nous voir imposer cela devant tous les passagers de notre train et devant tous nos camarades ? Nous ne le savons toujours pas. Pas plus que notre professeure qui a été écartée par ce même policier, et qui dans la confusion a demandé à notre surveillant de continuer d’avancer avec le reste de la classe qui était donc séparée du fait de ce contrôle d’identité.
Sonnés, gênés, bien que rassurés par un mot gentil adressé par une vieille dame qui venait d’assister à ce contrôle, Ilyas et notre professeure ont continué de remonter le quai pour retrouver le reste du groupe. Et c’est au bout du quai que nous autres, Mamadou et Zakaria, étions également contrôlés. Là comme cela, une nouvelle fois devant tous nos camarades, les policiers nous demandaient d’écarter les bras, de vider nos poches, d’ouvrir nos valises pour bien sûr ne rien y trouver. Tout le monde voyait aussi les policiers s’adresser sans aucune correction à notre professeure enceinte, qui elle, était excédée, attristée de nous voir humiliés devant les passagers de la Gare du Nord après un si bon séjour passé tous ensemble. Pire, nous avons été témoins de la pression physique qu’un policier a voulu exercer sur elle en se rapprochant et en la tutoyant. Alors lentement nous nous sommes mis tous ensemble entre le policier et notre professeure, ceux qui avions été contrôlés et ceux qui ne l’avaient pas été.
Il était insupportable de voir que même notre professeure était ce jour-là concernée par l’humiliation qui nous est imposée tous les jours par les forces de l’ordre. On a décidé d’écrire parce que des millions de jeunes comme nous ne savent plus comment demander d’arrêter ces contrôles qui ne reposent que sur notre visage, et se sentent tous les jours blessés dans ce qu’ils sont. On a décidé d’écrire aussi à tous ceux qui ont le pouvoir de faire en sorte que nos rapports avec les forces de l’ordre ne soient plus systématiquement régis par la défiance et la confrontation. On a enfin décidé d’écrire parce qu’aujourd’hui même dans le cadre d’une sortie scolaire avec notre lycée nous ne nous sentons plus protégés. Alors oui, pour nous, pour nos familles, il est grand temps que cela s’arrête.
Ilyas, Mamadou et Zakaria
Nous nous prénommons Ilyas, Mamadou et Zakaria et sommes trois lycéens en classe de Terminale au tycée Louise-Michel d’Épinay-sur-Seine. Nous souhaitons partager avec vous une histoire tristement banale. Le 1er mars dernier, nous revenions avec nos 15 autres camarades de classe d’une sortie scolaire à Bruxelles. Bruxelles, capitale européenne que nous avions découverte avec engouement. Enfin, l’année de notre baccalauréat, nous découvrions, avec notre professeure Madame Elise Boscherel, le Parlement européen et son fonctionnement. Nous avons même été reçus par un député européen qui nous a expliqué de quoi était composé son quotidien de parlementaire et qui a accepté de partager avec nous son expérience et ses idées.
Dans le Thalys du retour, nous étions exténués par ces deux jours de découverte. Toute la classe dormait, nous peut-être encore plus profondément que les autres. Nous sommes descendus du train en Gare du Nord encore un peu dans les nuages. Malheureusement, notre quotidien bien français nous a tout de suite rappelés à l’ordre. A peine avait-on fait quelques pas sur le quai, encore un peu endormis, que le premier d’entre nous, Ilyas, a entendu un policier l’interpeller pour lui demander de se mettre sur le côté et sortir sa pièce d’identité. Pourquoi, de retour de notre voyage de classe, nous devions nous voir imposer cela devant tous les passagers de notre train et devant tous nos camarades ? Nous ne le savons toujours pas. Pas plus que notre professeure qui a été écartée par ce même policier, et qui dans la confusion a demandé à notre surveillant de continuer d’avancer avec le reste de la classe qui était donc séparée du fait de ce contrôle d’identité.
Sonnés, gênés, bien que rassurés par un mot gentil adressé par une vieille dame qui venait d’assister à ce contrôle, Ilyas et notre professeure ont continué de remonter le quai pour retrouver le reste du groupe. Et c’est au bout du quai que nous autres, Mamadou et Zakaria, étions également contrôlés. Là comme cela, une nouvelle fois devant tous nos camarades, les policiers nous demandaient d’écarter les bras, de vider nos poches, d’ouvrir nos valises pour bien sûr ne rien y trouver. Tout le monde voyait aussi les policiers s’adresser sans aucune correction à notre professeure enceinte, qui elle, était excédée, attristée de nous voir humiliés devant les passagers de la Gare du Nord après un si bon séjour passé tous ensemble. Pire, nous avons été témoins de la pression physique qu’un policier a voulu exercer sur elle en se rapprochant et en la tutoyant. Alors lentement nous nous sommes mis tous ensemble entre le policier et notre professeure, ceux qui avions été contrôlés et ceux qui ne l’avaient pas été.
Il était insupportable de voir que même notre professeure était ce jour-là concernée par l’humiliation qui nous est imposée tous les jours par les forces de l’ordre. On a décidé d’écrire parce que des millions de jeunes comme nous ne savent plus comment demander d’arrêter ces contrôles qui ne reposent que sur notre visage, et se sentent tous les jours blessés dans ce qu’ils sont. On a décidé d’écrire aussi à tous ceux qui ont le pouvoir de faire en sorte que nos rapports avec les forces de l’ordre ne soient plus systématiquement régis par la défiance et la confrontation. On a enfin décidé d’écrire parce qu’aujourd’hui même dans le cadre d’une sortie scolaire avec notre lycée nous ne nous sentons plus protégés. Alors oui, pour nous, pour nos familles, il est grand temps que cela s’arrête.
Ilyas, Mamadou et Zakaria
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