Sur le vif

Contrôles au faciès : une action de groupe inédite contre l’Etat lancée par six ONG

Rédigé par | Mercredi 27 Janvier 2021 à 12:30



C’est une première en France. Amnesty International France, Human Rights Watch, Open Society Justice Initiative, la Maison communautaire pour un développement solidaire (MCDS), Pazapas et Réseau - Égalité, Antidiscrimination, Justice - interdisciplinaire (REAJI) ont annoncé, mercredi 27 janvier, le lancement d’une action de groupe contre l’Etat pour l'obliger à un mettre un terme aux contrôles au faciès.

Amnesty International a fait savoir que les organisations ont adressé au Premier ministre Jean Castex et aux ministres de l’Intérieur et de la Justice Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti une mise en demeure préalable de quatre mois que les autorités françaises « peuvent mettre à profit pour engager des discussions avec les organisations » dans le but de voir « des réformes profondes » et « des mesures concrètes pour que cessent ces pratiques discriminatoires systémiques par la police ». « À l’issue de cette période, en l’absence de mesures satisfaisantes, les organisations pourront décider de saisir la justice », préviennent les organisations.

La mise en demeure comprend de nombreux témoignages de personnes ayant subi des contrôles au faciès dans plusieurs villes de France, mais aussi des déclarations de policiers, précise-t-on dans le communiqué. « La police utilise des pouvoirs trop étendus, insuffisamment contrôlés, pour procéder à des contrôles d'identité discriminatoires et abusifs basés sur des caractéristiques physiques d’une personne associées à une origine réelle ou supposée », avance l’ONG. « L’ensemble des preuves accumulées démontre un schéma de discrimination qui ne peut être réduit à des incidents isolés ou sporadiques. »

Une action pour inciter l'exécutif à s'attaquer de front au problème

Cette action inédite est menée en vertu de la loi de 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui permet la mise en œuvre d’une action de groupe pour lutter contre les discriminations, « habilite le juge à prendre une série de mesures correctrices, notamment en ordonnant au pouvoir exécutif l’adoption de réformes systémiques » pour mettre un terme à une pratique « ancienne » et « généralisée », rappelle-t-on.

« En dépit des nombreuses études qui établissent sans conteste l’existence généralisée des contrôles d'identité fondés sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée et malgré de multiples condamnations publiques, les gouvernements successifs se sont limités à des changements cosmétiques et ont renoncé aux réformes structurelles nécessaires, soulignent les organisations », indique-t-on par ailleurs.

Pour contrer ces pratiques abusives, les associations exigent notamment « la modification du Code de procédure pénale pour interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d'identité, exclure les contrôles d’identité administratifs et circonscrire les pouvoirs de la police afin que les contrôles ne puissent être fondés que sur un soupçon objectif et individualisé » ainsi que la création d’un système d’enregistrement et d’évaluation des données relatives aux contrôles d’identité, et une mise à disposition de toute personne contrôlé d’une preuve de contrôle.

« Les organisations craignent que les annonces du président français et le "Beauvau de la sécurité" ne débouchent une nouvelle fois que sur des mesures superficielles insuffisantes. La procédure engagée par les ONG devrait inciter le gouvernement à enfin s’attaquer sérieusement au problème spécifique des contrôles d’identité discriminatoires et à ses causes profondes pour mettre un terme à ces abus, conformément aux obligations nationales et internationales de la France », expliquent-elles. « Il est grand temps que le gouvernement ne recule plus et entreprenne, moyennant une véritable concertation, les réformes profondes nécessaires. »

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