Comment les Américains musulmans perçoivent-ils la candidature de Barack Obama ?
Daisy Khan: Dans l'ensemble, les gens sont heureux de cette candidature. Elle soulève beaucoup d'enthousiasme et remplit les gens d'espoirs. On voit qu'elle encourage certains à prendre des initiatives locales. Pour de nombreux Américains qui ne se reconnaissent pas dans la classe politique, cette candidature est une occasion unique qui ouvre de nouvelles espérances. Quant aux musulmans, ils voient en M. Obama quelqu'un qui peut avoir une meilleure compréhension du monde musulman, il y a passé une partie de son enfance. Il est donc moins sujet aux préjugés.
Qu'est ce qui explique l'enthousiasme dont vous parlez ?
C'est d'abord sa capacité à rassembler des gens très divers autour d'un message positif, un message de renouveau. Et son message traverse les clivages habituels de la société américaine pour rapprocher des gens qui, d'ordinaire, ne se mettent pas spontanément ensemble. Des Noirs, des Blancs tous se reconnaissent en lui parce qu'il est un peu des deux à la fois. Et son prénom Hussein est évocateur pour les musulmans américains alors qu'il est chrétien. En fait, Obama témoigne d'une synthèse qui montre qu'il est arrivé à ce niveau par ses compétences personnelles et non grâce à des faveurs octroyées. Cette idée du succès au mérite, ce que l'on appelle ici la « méritocratie » est très importante dans la société américaine.
Daisy Khan: Dans l'ensemble, les gens sont heureux de cette candidature. Elle soulève beaucoup d'enthousiasme et remplit les gens d'espoirs. On voit qu'elle encourage certains à prendre des initiatives locales. Pour de nombreux Américains qui ne se reconnaissent pas dans la classe politique, cette candidature est une occasion unique qui ouvre de nouvelles espérances. Quant aux musulmans, ils voient en M. Obama quelqu'un qui peut avoir une meilleure compréhension du monde musulman, il y a passé une partie de son enfance. Il est donc moins sujet aux préjugés.
Qu'est ce qui explique l'enthousiasme dont vous parlez ?
C'est d'abord sa capacité à rassembler des gens très divers autour d'un message positif, un message de renouveau. Et son message traverse les clivages habituels de la société américaine pour rapprocher des gens qui, d'ordinaire, ne se mettent pas spontanément ensemble. Des Noirs, des Blancs tous se reconnaissent en lui parce qu'il est un peu des deux à la fois. Et son prénom Hussein est évocateur pour les musulmans américains alors qu'il est chrétien. En fait, Obama témoigne d'une synthèse qui montre qu'il est arrivé à ce niveau par ses compétences personnelles et non grâce à des faveurs octroyées. Cette idée du succès au mérite, ce que l'on appelle ici la « méritocratie » est très importante dans la société américaine.
Et qu'est ce qu'on entendez exactement par méritocratie?
Nous sommes dans un pays où existe un fort sentiment d'exclusion pour une partie de la population et cela depuis longtemps. Dans le base-ball par exemple, le sport le plus populaire, il y avait autrefois un tournoi pour le Noirs et un autre pour les Blancs. Cela était officiel. Il y avait donc un plafond de verre que les joueurs noirs ne pouvaient pas franchir quelles que furent leurs qualités. Ce plafond a été brisé par Jackie Robinson, le premier homme noir à jouer dans le tournoi des blancs (Ndr, en 1947). Cela a servi d'exemple et a ouvert la voie à d'autres joueurs noirs. Sur la scène politique, Barack Obama apparait aujourd'hui comme un nouveau Jackie Robinson. Il est celui qui brise le plafond de verre et d'autres citoyens aujourd'hui marginalisés peuvent désormais se dire: « oui, c'est possible ».
Quel sens donner alors à ce qui s'est passé à Detroit, il y a quelques semaines, lorsque deux musulmanes ont dû changer de place à un meeting de M. Obama à cause de leur hijab?
Cet incident est regrettable mais il est hors de propos par rapport à la campagne et par rapport au message de cette campagne. Car la campagne a toujours été inclusive et non exclusive. C'est une campagne qui regroupe des gens de diverses sensibilités et qui n'a aucune vocation à exclure... M. Obama a personnellement présenté ses excuses publiques après ces incidents de Boston... Cela a permis de s'interroger sur les motivations du soutien à Obama. Les bénévoles qui ont écarté les deux jeunes musulmanes sont eux-mêmes des Noirs, donc ils sont membres d'une minorité. Cela a fait réfléchir et ne peut être imputé à Obama. Dans mon dernier édito, je dis qu'un jour le chef de l'Etat pourrait être un homme, une femme, portant un turban, une kippa ou un hijab. Cela sans problème. Car les fondations de notre nation reposent sur le droit à la diversité et le respect de la différence.
En France, la religion du Président ne fait pas débat; elle n'est même pas évoquée. N'y a-t-il pas un danger à évoquer la religion pour le chef de tout un Etat?
En effet, mais pour comprendre cette situation il faut prendre en compte les principes fondateurs des Etats-Unis. Parmi les primo-arrivants, beaucoup avaient fui l'Europe à cause de la persécution religieuse. Ils étaient souvent des groupes ou des individus qui avaient souffert en Europe à cause de leur foi. Ce qui fait de la liberté de religion un principe fondamental particulièrement sensible ici. Le Président a la liberté d'avoir une religion. Mais la séparation de l'Eglise et de l'Etat vaut aussi. Et le fait que le Président soit d'une religion ne signifie pas qu'il l'impose ou l'avantage. Il y a donc là un équilibre et toutes les religions sont sur le même plan d'égalité dans le système.
Nous sommes dans un pays où existe un fort sentiment d'exclusion pour une partie de la population et cela depuis longtemps. Dans le base-ball par exemple, le sport le plus populaire, il y avait autrefois un tournoi pour le Noirs et un autre pour les Blancs. Cela était officiel. Il y avait donc un plafond de verre que les joueurs noirs ne pouvaient pas franchir quelles que furent leurs qualités. Ce plafond a été brisé par Jackie Robinson, le premier homme noir à jouer dans le tournoi des blancs (Ndr, en 1947). Cela a servi d'exemple et a ouvert la voie à d'autres joueurs noirs. Sur la scène politique, Barack Obama apparait aujourd'hui comme un nouveau Jackie Robinson. Il est celui qui brise le plafond de verre et d'autres citoyens aujourd'hui marginalisés peuvent désormais se dire: « oui, c'est possible ».
Quel sens donner alors à ce qui s'est passé à Detroit, il y a quelques semaines, lorsque deux musulmanes ont dû changer de place à un meeting de M. Obama à cause de leur hijab?
Cet incident est regrettable mais il est hors de propos par rapport à la campagne et par rapport au message de cette campagne. Car la campagne a toujours été inclusive et non exclusive. C'est une campagne qui regroupe des gens de diverses sensibilités et qui n'a aucune vocation à exclure... M. Obama a personnellement présenté ses excuses publiques après ces incidents de Boston... Cela a permis de s'interroger sur les motivations du soutien à Obama. Les bénévoles qui ont écarté les deux jeunes musulmanes sont eux-mêmes des Noirs, donc ils sont membres d'une minorité. Cela a fait réfléchir et ne peut être imputé à Obama. Dans mon dernier édito, je dis qu'un jour le chef de l'Etat pourrait être un homme, une femme, portant un turban, une kippa ou un hijab. Cela sans problème. Car les fondations de notre nation reposent sur le droit à la diversité et le respect de la différence.
En France, la religion du Président ne fait pas débat; elle n'est même pas évoquée. N'y a-t-il pas un danger à évoquer la religion pour le chef de tout un Etat?
En effet, mais pour comprendre cette situation il faut prendre en compte les principes fondateurs des Etats-Unis. Parmi les primo-arrivants, beaucoup avaient fui l'Europe à cause de la persécution religieuse. Ils étaient souvent des groupes ou des individus qui avaient souffert en Europe à cause de leur foi. Ce qui fait de la liberté de religion un principe fondamental particulièrement sensible ici. Le Président a la liberté d'avoir une religion. Mais la séparation de l'Eglise et de l'Etat vaut aussi. Et le fait que le Président soit d'une religion ne signifie pas qu'il l'impose ou l'avantage. Il y a donc là un équilibre et toutes les religions sont sur le même plan d'égalité dans le système.