Malcolm X et le prince Fayçal d'Arabie Saoudite en 1964.
« Jamais je n’ai connu d’hospitalité aussi sincère, de fraternité aussi bouleversante que celles des hommes et de femmes de toutes races réunis sur cette vieille Terre Sainte, patrie d’Abraham, de Muhammad et des autres prophètes des Saintes Écritures. Jamais je n’ai été honoré comme ici. Jamais je ne me suis senti plus humble et plus digne. »
Ces mots issus de la lettre de Malcolm X rédigée lors de son pèlerinage à La Mecque en 1964 ont été largement partagés et ont contribué à forger sa légende, notamment dans le monde musulman. Ils ont aussi été interprétés comme marquant l’évolution du leader afro-américain, le faisant basculer du Noir en colère à un homme de paix assassiné moins d’un an plus tard. Une interprétation un peu simpliste et qui fait souvent l’impasse comme le célèbre film de Spike Lee, sur les conséquences du voyage africain de Malcolm X.
Ces mots issus de la lettre de Malcolm X rédigée lors de son pèlerinage à La Mecque en 1964 ont été largement partagés et ont contribué à forger sa légende, notamment dans le monde musulman. Ils ont aussi été interprétés comme marquant l’évolution du leader afro-américain, le faisant basculer du Noir en colère à un homme de paix assassiné moins d’un an plus tard. Une interprétation un peu simpliste et qui fait souvent l’impasse comme le célèbre film de Spike Lee, sur les conséquences du voyage africain de Malcolm X.
« The ballot or the bullet »
Malcolm X brandissant un exemplaire de Muhammad Speaks, journal de la NOI.
Le 8 mars 1964, Malcolm X officialise la fin de sa relation avec la Nation of Islam (NOI), lui qui en a été le porte-parole pendant une décennie et a favorisé son développement. La rupture avec son guide spirituel Elijah Muhammad l’oblige à une profonde remise en question et une restructuration de sa pensée politique. L’aspect positif pour lui est qu’il peut enfin s’impliquer dans le mouvement des droits civiques dont il ne pouvait qu’être commentateur. La NOI refusait de participer à cette agitation. De plus, Martin Luther King et sa stratégie de non-violence étaient régulièrement et publiquement vilipendés par Malcolm X.
Alors que la loi sur les droits civiques est en discussion au Parlement et est menacée par l’opposition d’une partie des sénateurs démocrates, il tient le 3 avril un discours retentissant au sein de l’église méthodiste Cory de Cleveland. « The ballot or the bullet » - soit « Le bulletin (de vote) ou la balle » en français - est le nom de son discours encourageant les Afro-Américains à peser de leur poids dans la future élection présidentielle. « Mais il fait aussi comprendre à l’assistance que, du droit de vote ou de la violence, les Etats-Unis étaient assurés de connaître au moins l’un des deux », explique l’universitaire Manning Marable, universitaire auteur du livre Malcolm X : une vie de réinventions.
Ce changement de discours est jugé comme une aubaine pour une partie de la gauche américaine qui pense pouvoir, grâce à Malcolm X, rallier le mouvement radical noir à sa cause. Le Militant, organe de presse du Socialist Workers Party, d’obédience communiste trotskyste, suit au plus près cette évolution. Le lendemain du discours de Cleveland, le journal met en avant certains propos tels que : « Je ne suis pas contre les Blancs, je suis contre l’exploitation et contre l’oppression ».
Malcolm participe ensuite le 8 avril au Militant Labor Forum où il prend la parole devant un parterre essentiellement composé de marxistes. Puis, le 12 avril, il réitère encore une fois son discours « The ballot or the bullet », dont la version enregistrée montre « un Malcolm au sommet de son art oratoire » d’après Manning Marable. Le militant déclare : « Je suis une des 22 millions de victimes des démocrates, des républicains et de l’américanisme ». Il reprend son appel à l’unité qu’il avait clamé à Cleveland, demandant aux Africains-Américains de privilégier le nationalisme noir car « l’unité est la véritable religion, (…) les Noirs doivent oublier leurs divergences et discuter de ce sur quoi ils peuvent se mettre d’accord ».
Alors que la loi sur les droits civiques est en discussion au Parlement et est menacée par l’opposition d’une partie des sénateurs démocrates, il tient le 3 avril un discours retentissant au sein de l’église méthodiste Cory de Cleveland. « The ballot or the bullet » - soit « Le bulletin (de vote) ou la balle » en français - est le nom de son discours encourageant les Afro-Américains à peser de leur poids dans la future élection présidentielle. « Mais il fait aussi comprendre à l’assistance que, du droit de vote ou de la violence, les Etats-Unis étaient assurés de connaître au moins l’un des deux », explique l’universitaire Manning Marable, universitaire auteur du livre Malcolm X : une vie de réinventions.
Ce changement de discours est jugé comme une aubaine pour une partie de la gauche américaine qui pense pouvoir, grâce à Malcolm X, rallier le mouvement radical noir à sa cause. Le Militant, organe de presse du Socialist Workers Party, d’obédience communiste trotskyste, suit au plus près cette évolution. Le lendemain du discours de Cleveland, le journal met en avant certains propos tels que : « Je ne suis pas contre les Blancs, je suis contre l’exploitation et contre l’oppression ».
Malcolm participe ensuite le 8 avril au Militant Labor Forum où il prend la parole devant un parterre essentiellement composé de marxistes. Puis, le 12 avril, il réitère encore une fois son discours « The ballot or the bullet », dont la version enregistrée montre « un Malcolm au sommet de son art oratoire » d’après Manning Marable. Le militant déclare : « Je suis une des 22 millions de victimes des démocrates, des républicains et de l’américanisme ». Il reprend son appel à l’unité qu’il avait clamé à Cleveland, demandant aux Africains-Américains de privilégier le nationalisme noir car « l’unité est la véritable religion, (…) les Noirs doivent oublier leurs divergences et discuter de ce sur quoi ils peuvent se mettre d’accord ».
La conversion à l'islam sunnite
Le prédicateur musulman a dû, à la suite de sa prise d’indépendance, créer la Muslim Mosque Inc (MMI) pour les milliers de personnes qui ont décidé de le suivre. Une difficulté majeure se présente cependant alors pour lui, qui pendant une dizaine d’années, a promu la voix de « l’Honorable Elijah Muhammad », considéré comme un prophète au sein de sa confrérie.
Manning Marable revient sur ce passage de la vie du leader noir : « Désormais privé d’une organisation par rapport à laquelle se définir, il prenait conscience que l’islam classique pouvait lui fournir un nouvel espace spirituel. C’est à ce moment-là alors que toutes les directions semblaient possibles, qu’il entrevit la possibilité de réaliser un rêve qu’il nourrissait depuis son premier séjour au Moyen-Orient en 1959 : faire le pèlerinage à La Mecque. » Malcolm X se tourné vers l'Egyptien Mahmoud Shawarbi, directeur de la Fédération des associations islamiques aux Etats-Unis et au Canada. Ce dernier joue un rôle primordial dans sa formation théologique. Il l’aide en partie à déconstruire sa lecture très racialisée du monde et le persuade, selon Marable, que le Coran, tel qu’il est formulé par les sourates du Prophète Muhammad, est racialement égalitaire.
Arrivé au Caire, il est cependant confronté à une difficulté majeure : il doit faire valider sa qualité de musulman orthodoxe auprès d’un tribunal islamique pour obtenir le droit d’entrer à La Mecque. Et la tâche n’est pas si simple. Heureusement pour lui, Mahmoud Shawarbi lui avait donné les coordonnées du Abd al-Rahman Azzam qui a fait jouer ses réseaux pour l’aider. Azzam plaide auprès du cheikh Muhammad Harkon du tribunal islamique afin de le convaincre que Malcolm X a abandonné ses idées hérétiques. Il faudra finalement l’intervention du prince saoudien Muhammad Fayçal pour débloquer la situation. Ce dernier adresse une lettre au leader noir pour lui signifier qu’il est « un invité de l’Etat ». Il s’en est fallu de peu pour que Malcolm rate le début du pèlerinage, à l’image d’Elijah Muhammad, qui, en 1959, n’a pu effectuer qu’une Omra et pas un Hajj car il fût entré trop tard.
Manning Marable revient sur ce passage de la vie du leader noir : « Désormais privé d’une organisation par rapport à laquelle se définir, il prenait conscience que l’islam classique pouvait lui fournir un nouvel espace spirituel. C’est à ce moment-là alors que toutes les directions semblaient possibles, qu’il entrevit la possibilité de réaliser un rêve qu’il nourrissait depuis son premier séjour au Moyen-Orient en 1959 : faire le pèlerinage à La Mecque. » Malcolm X se tourné vers l'Egyptien Mahmoud Shawarbi, directeur de la Fédération des associations islamiques aux Etats-Unis et au Canada. Ce dernier joue un rôle primordial dans sa formation théologique. Il l’aide en partie à déconstruire sa lecture très racialisée du monde et le persuade, selon Marable, que le Coran, tel qu’il est formulé par les sourates du Prophète Muhammad, est racialement égalitaire.
Arrivé au Caire, il est cependant confronté à une difficulté majeure : il doit faire valider sa qualité de musulman orthodoxe auprès d’un tribunal islamique pour obtenir le droit d’entrer à La Mecque. Et la tâche n’est pas si simple. Heureusement pour lui, Mahmoud Shawarbi lui avait donné les coordonnées du Abd al-Rahman Azzam qui a fait jouer ses réseaux pour l’aider. Azzam plaide auprès du cheikh Muhammad Harkon du tribunal islamique afin de le convaincre que Malcolm X a abandonné ses idées hérétiques. Il faudra finalement l’intervention du prince saoudien Muhammad Fayçal pour débloquer la situation. Ce dernier adresse une lettre au leader noir pour lui signifier qu’il est « un invité de l’Etat ». Il s’en est fallu de peu pour que Malcolm rate le début du pèlerinage, à l’image d’Elijah Muhammad, qui, en 1959, n’a pu effectuer qu’une Omra et pas un Hajj car il fût entré trop tard.
« Les Arabes ne sont pas bons en matière de relations publiques »
Malcolm X et le prince Fayçal d'Arabie Saoudite en 1964.
Le récit du Hajj est bien connu. Le militant vantera l’égalitarisme qu’il y découvre, soutenant dans son journal de bord que « l’islam rassemble dans l’unité toutes les couleurs et toutes les classes ». Il ajoute que « chacun partage ce qu’il a, ceux qui ont partagent avec ceux qui n’ont rien, ceux qui savent enseignent à ceux qui ne savent pas ». En grand prédicateur qui a permis à la Nation of Islam (NOI) de croître son nombre de fidèles de façon exponentielle, Malcolm X regrette la faible propension des Arabes au prosélytisme.
Avec un point de vue assez occidental et finalement très américain, il explique en quelque sorte que l’islam n’est pas assez bien marketé : « Les Arabes ne sont pas bons en matière de relations publiques, ils disent inchaAllah et puis ils attendent ; et pendant qu’ils attendent, le monde passe devant eux. » Il espère que les musulmans assimileront « la nécessité de moderniser leurs méthodes de diffusion de l’islam et de projeter une image que le monde moderne puisse comprendre ».
Le Hajj permet à Malcolm de développer sa réflexion autour de la pratique de l’islam. Dans son journal, il écrit que « les musulmans noirs d’Amérique seront les meilleurs musulmans du monde si on leur enseigne les véritables rituels et comment prier en arabe ». « Notre succès en Amérique s’inscrira dans deux cercles, le nationalisme noir et l’islam (...), l’islam nous liera spirituellement à l’Afrique, l’Arabie et l’Asie », écrit-il. Il n’a cependant pas vécu assez longtemps pour réformer véritablement la Muslim Mosque Inc., qui périclitera peu après sa mort.
Après le pèlerinage, Malcolm X reçoit une invitation du prince Muhammad Fayçal qui lui renouvelle ses vœux d’hospitalité. Il le questionne sur la théologie de la NOI, désireux d’en savoir plus sur cet « islam erroné ». La suite du voyage se poursuit à Beyrouth, au Liban. Malcolm part à la rencontre des Frères musulmans libanais. Selon Manning Marable, « l’attirance de Malcolm pour les Frères musulmans est probablement due au fait qu’ils ancrent les politiques de la vie quotidienne dans le domaine du spirituel ». Cette rencontre avec un des groupes du front anticolonial est annonciatrice de la suite de son séjour qui se poursuit en Afrique.
Avec un point de vue assez occidental et finalement très américain, il explique en quelque sorte que l’islam n’est pas assez bien marketé : « Les Arabes ne sont pas bons en matière de relations publiques, ils disent inchaAllah et puis ils attendent ; et pendant qu’ils attendent, le monde passe devant eux. » Il espère que les musulmans assimileront « la nécessité de moderniser leurs méthodes de diffusion de l’islam et de projeter une image que le monde moderne puisse comprendre ».
Le Hajj permet à Malcolm de développer sa réflexion autour de la pratique de l’islam. Dans son journal, il écrit que « les musulmans noirs d’Amérique seront les meilleurs musulmans du monde si on leur enseigne les véritables rituels et comment prier en arabe ». « Notre succès en Amérique s’inscrira dans deux cercles, le nationalisme noir et l’islam (...), l’islam nous liera spirituellement à l’Afrique, l’Arabie et l’Asie », écrit-il. Il n’a cependant pas vécu assez longtemps pour réformer véritablement la Muslim Mosque Inc., qui périclitera peu après sa mort.
Après le pèlerinage, Malcolm X reçoit une invitation du prince Muhammad Fayçal qui lui renouvelle ses vœux d’hospitalité. Il le questionne sur la théologie de la NOI, désireux d’en savoir plus sur cet « islam erroné ». La suite du voyage se poursuit à Beyrouth, au Liban. Malcolm part à la rencontre des Frères musulmans libanais. Selon Manning Marable, « l’attirance de Malcolm pour les Frères musulmans est probablement due au fait qu’ils ancrent les politiques de la vie quotidienne dans le domaine du spirituel ». Cette rencontre avec un des groupes du front anticolonial est annonciatrice de la suite de son séjour qui se poursuit en Afrique.
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