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De Villepin reçoit le CFCM dans la tourmente

Rédigé par | Vendredi 1 Octobre 2004 à 00:00

Le ministre de l’Intérieur a reçu les grandes fédérations membres du Conseil français du culte musulman (CFCM) ce vendredi. Durant près de 90 minutes, il aura certainement été question de la libération des otages français retenus en Irak qui a mobilisé les musulmans de France. Mais il aura aussi été question de la polémique qui anime le CFCM sur les modalités de l’élection de sa nouvelle direction prévue pour le mois d’avril. En se refusant tout commentaire, les délégués ont annoncé qu’une nouvelle réunion est prévue pour la semaine prochaine.



Les espoirs qui ont suivi la mission officielle du CFCM au Proche-Orient sont restés sans lendemains. Mais parallèlement à ces circuits officiels, des circuits discrets avaient été lancés pour parvenir à la libération de Gerges Malbrunot, de Christian Chesnot et de leur chauffeur. Le 3 septembre, Abdul Jabbar Al-Kubaysi, président de l’Alliance patriotique irakienne, est arrêté à Bagdad par un commando des forces américaines. Proche de l’association Amitiés franco- irakiennes, Abdul Jabbar Al-Kubaysi suivait un circuit non officiel pour contribuer à la libération des trois otages.

Ce matin, l’ancien parachutiste Phillip Brett, bien connu des services de renseignement français, affirmait à un journaliste de la station de radio Europe 1 qu’il est en compagnie des otages. M. Brett a été envoyé en Irak sur l’initiative de Didier Julia, député UMP de Seine-et-Marne. Le gouvernement français n’a pas commenté cette information.

Hier déjà, au Parisien, Didier Julia reconnaissait qu’il agissait sans mandat du gouvernement. « Je rends service à mon pays », dit-il. « J’utilise une autre filière grâce à ma connaissance du terrain et à une réelle amitié pour le peuple irakien. »

La communauté musulmane de France s’était mobilisée au début du mois de septembre lorsque le premier message des ravisseurs exigeait la levée de la loi antifoulard contre la libération de leurs otages. Cet amalgame entre la loi antifoulard et la crise irakienne avait semé le trouble dans les rangs des victimes de cette loi. Nombre de lycéennes s’y sont pliées pour ne pas paraître gêner les négociations avec les ravisseurs. Aujourd’hui, une jeune fille du lycée Louis-Pasteur de Strasbourg s’est carrément rasé les cheveux afin de sortir de la quarantaine dans laquelle elle se trouvait confinée, dans une salle de l’école, depuis la reprise scolaire.

Pour Khalil Merroun, Dalil Boubakeur est un mauvais perdant

Cet après-midi, Dominique de Villepin a reçu des délégués parmi lesquels Dalil Boubakeur, président du CFCM et recteur de la Grande Mosquée de Paris. Dalil Boubakeur est l’homme par lequel arrive la crise avec sa contestation des critères électoraux du CFCM. En effet, ces critères ne prennent pas en compte l’ancienneté des mosquées ni la présence d’un imam attitré pour célébrer les cinq séances quotidiennes de la prière rituelle musulmane ainsi que la présence d’agents chargés du service funéraire musulman. Autant de conditions du culte que remplit valablement la Grande mosquée de Paris. Des atouts dont peu de mosquées peuvent se prévaloir en France. Dalil Boubaker menace donc de ne pas participer aux prochaines élections si ces aspects du culte ne sont pas pris en compte.

Pour Lhaj Thami Breze, « ne pas vouloir se présenter aux élections lorsqu’on sait qu’on va les perdre n’est pas un comportement républicain ni démocratique ». Devant cette divergence des avis, c’est le calendrier électoral du CFCM qui se trouve remis en question. Le report des élections est à l’ordre du jour sans qu’aucune solution ne soit trouvée au problème posé.

L’UOIF estime qu’une telle décision relève de l’Assemblée générale. La Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), dirigée par Mohamed Béchari qui était de la délégation reçue aujourd’hui par le ministre, n’est pas défavorable à l’idée d’un report. Mais Khalil Merroun, recteur de la mosquée d’Evry, en Essonne, et président d’honneur de la FNMF, tire de manière plus franche. Interrogé par Le Parisien, il déclare que « Boubakeur peut changer tous les critères de scrutin : s’il n’a pas la confiance de la communauté musulmane de France, il ne sera pas élu. C’est un mauvais perdant. Nous lui avons fait la  faveur de le nommer président du CFCM alors qu’il était ultra-minoritaire. Et maintenant, alors que nous aspirons à des élections démocratiques, il remet en cause des critères sur lesquels il appartient au bureau de se prononcer ».

En quittant le ministre de l’Intérieur, les responsables musulmans se sont abstenus de commenter leur rencontre. Une autre réunion de travail avec le ministère est prévue pour la semaine prochaine.


Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de… En savoir plus sur cet auteur