Economie

Débat houleux sur la garantie du Halal

Rédigé par Pauline Compan | Lundi 4 Avril 2011 à 12:00

Peut-on garantir dans les processus industriels d’aujourd’hui le 100 % halal ? C’était le thème du débat organisé par Paris Halal Expo, le mercredi 30 mars, en marge du salon Halal Expo 2011. Murat Tüysüz, directeur de Sebil Halal, Abderrahman Bouzid, ancien consultant chez Casino pour sa marque halal Wassila, et Azeddine Bahi, de l’Association rituelle de la Grande Mosquée de Lyon, sont intervenus pour animer une discussion menée à bâtons rompus.



Le sujet est sensible et terriblement d’actualité. Même si l’utilisation du terme « 100 % halal » est regrettable (un produit est halal ou ne l’est pas), le grand débat du Paris Halal Expo aura réussi à faire déplacer divers acteurs du marché. Producteurs, certificateurs, consommateurs, beaucoup étaient venus pour obtenir des réponses… et pour poser des questions. A l’heure où l’absence de normes rend le marché anarchique, les esprits se sont échauffés sur les bonnes pratiques.

« Les industriels ont faim quand ils voient le potentiel du marché. Cette multiplication de la concurrence multiplie également les problèmes. » C’est avec ce constat que Hadj Abdelaziz de l’association de défense du consommateur musulman ASIDCOM et modérateur de la réunion, a ouvert le grand débat du salon. Regrettant d’entrée de jeu l’absence d’un représentant de Nestlé, au cœur de la polémique au mois de janvier dernier avec les knackis Herta halal contenant du porc, M. Abdelaziz a tenu à rappeler la position d’ASIDCOM : en cas de doute le consommateur doit boycotter les produits.

Le discours était dans un premier temps rassurant ; il n’y aurait pas d’incompatibilité entre les processus industriels modernes et le halal. « Certains industriels ont pris le problème à bras-le-corps et font les choses bien », explique Abderrahman Bouzid. « Ensuite, parmi ceux qui n’ont pas les bonnes pratiques, il faut encore les diviser entre les individus mal informés et ceux qui veulent sciemment tromper le consommateur. » Car comme le rappelle ce consultant spécialiste du halal, les industriels ne sont pas tous musulmans et ne doivent pas obligatoirement l'être pour entrer sur ce marché. Ce sont les certificateurs et les sacrificateurs qui doivent être de confession musulmane. Pour le représentant dans l’Association rituelle de la Grande Mosquée de Lyon, les bonnes pratiques, c’est avant tout une question de contrôle : « Les industriels doivent lever le doute par des contrôles permanents et à toutes les étapes de la production. »

L’abattage des volailles au centre du débat

Mais, dans la salle, les auditeurs s’agitent. « Les industries modernes peuvent tout faire mais il n’est pas possible de faire du halal avec le matériel à disposition sur le terrain », affirme le directeur de Halal Service. « Nous disposons bien d’un piège pour égorger les vaches et les moutons mais pas pour les volailles. Si on ne peut pas faire ce sacrifice, alors ce n’est pas halal. » En cause ici, l’utilisation de l’électronarcose, rejetée par 96 % des consommateurs musulmans informés, d’après une étude d’ASIDCOM qui confirme une étude de MCB (Conseil des musulmans de Grande-Bretagne) lancé au Royaume-Uni.

« L’électronarcose, c’est du temps et de l’argent, pas de la bienfaisance animale », continue le directeur de Halal Service, avant de conclure sous les applaudissements « il faut faire moins et le faire bien ». Et tout le problème est bien là, car si l’industrialisation du halal permet de le développer à grande échelle, cela oblige aussi à des cadences soutenues qui peuvent se révéler incompatibles avec le rite.

L’électronarcose fait d’ailleurs débat dans la communauté musulmane. Et lorsque M. Murat Tüysüz parle de la possibilité d’une fatwa sur le sujet, un certain Moussa dans la salle s’énerve : « Il n’y en aura pas, monsieur. Moi, je fais 100 000 poulets à l’année sans électronarcose, c’est dans le texte et c’est possible », évoquant certainement l'abattoir Laguillaumie.

Pour finir, les auditeurs étaient curieux des techniques utilisées par Casino sur sa gamme halal. « On a déréférencé un industriel qui utilisait l’abattage mécanique », affirme M. Bouzid, « il n’y a aucune volaille vendue chez Casino tuée par abattage mécanique ». Et concernant l’électronarcose ? « Comme il n’y a pas de consensus unanime, chez Wassila on pratique une électronarcose post-jugulation. » Si le temps imparti au débat fut trop court, il aura au moins permis à certains acteurs d’échanger leurs points de vue et de mettre en avant un des principaux points de discorde.