Politique

Déchéance de nationalité : Sarkozy en mode rétro

Rédigé par Leïla Belghiti | Lundi 2 Aout 2010 à 12:26

La fièvre est montée, au « pays des Droits de l'homme ». En trois jours, de nouvelles déclarations sont venues marquer au fer rouge une fin d'année académique déjà peu glorieuse. Le discours prononcé le vendredi 30 juillet par le président Sarkozy à Grenoble a donné à voir une dérive dangereuse de la politique sécuritaire du gouvernement, en menaçant de déchoir de la nationalité française toute personne d'origine étrangère qui ferait acte de grave délinquance.



Réduire la délinquance, cela fait sept ans que l'ex-ministre de l'Intérieur et actuel chef de l'État en fait son cheval de bataille, tout en réduisant (sic!) les effectifs policiers. Résultat : nul, et indice de popularité au plus bas dans les sondages. La responsabilité n'incombe évidemment pas au gouvernement... Mais des résultats, celui-ci en a-t-il véritablement besoin ? Nicolas Sarkozy prépare, semble-t-il, déjà son terrain pour les présidentielles 2012. Le thème est on ne peut plus rassembleur, comme il l'a été prouvé par son ascension au pouvoir présidentiel en 2007.

Tour à tour depuis vendredi, le gouvernement et l'UMP se relayent pour annoncer aux Français la future adoption de mesures sur l'insécurité.

Sarkozy poursuit sa quête de voix sur le terrain de l'extrême-droite en menaçant de déchoir de sa nationalité un Français qui aurait porté atteinte à la vie d'un représentant de l'autorité. En déplacement à Grenoble (Isère) pour installer le nouveau préfet, le chef de l'État a prononcé un discours ultra offensif, allant jusqu'à établir un lien entre immigration et délinquance.

i[« La nationalité doit pouvoir être retirée à toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'une […] personne dépositaire de l'autorité publique »]i, a t-il déclaré, en réclamant aussi la fin de l'acquisition automatique de la nationalité pour les mineurs délinquants et l'application de peines plancher.

Réactions

Alors qu'elle suscite un mélange de fierté et de jalousie au Front National, cette nouvelle déclaration a soulevé l'indignation aussi bien dans la presse que chez des personnalités politiques et les associations de défense de droits de l'Homme, qui dénoncent une dérive droitière.

Une « surenchère populiste et xénophobe », dénonce l'ex-candidate socialiste Ségolène Royal. « La dureté des mots et la dérive des propositions n'ont d'égal que l'ampleur des échecs de Nicolas Sarkozy en matière économique et sociale comme en matière de sécurité. Il ne faut pas chercher ailleurs cet affolement de la droite », a réagit la chef de file PS Martine Aubry, qualifiant la stratégie sarkoziste de « dérive antirépublicaine ».

« On veut faire des discriminations contre les Français au regard de mêmes crimes, de même infractions, selon l'origine de la personne, selon les modalités d'acquisition de la nationalité française », or, « tous les Français sont égaux devant la loi quelle que soit leur origine », qu'ils soient français de souche ou d'origine étrangère, a fait valoir l'ancien Garde des Sceaux Robert Badinter, s'appuyant sur l'article premier de la Constitution.


« Ce qui est en cause, ce n'est pas le débat légitime en démocratie sur la manière d'assurer la sécurité républicaine, c'est l'expression d'une xénophobie avérée », a indiqué la Ligue des droits de l'homme (LDH) dans un communiqué.

À l'heure actuelle, cinq conditions sont nécessaires pour déchoir un Français de sa nationalité (article 25 du code civil):

Parents punis

Brice Hortefeux, le ministre de l'Intérieur, a même proposé d'aller plus loin en étendant les possibilités de déchéance de nationalité « en cas d'excision, la traite d'êtres humains et de délinquance grave ». Cerise sur le gâteau, Eric Ciotti, le « monsieur sécurité » de l'UMP – qui avait fait voté la loi sur la suppression des allocations familiales aux parents d'absentéistes scolaires – compte également proposer une loi qui doit aboutir à la responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants : soit deux ans d' emprisonnement et 30.000 euros d'amende.

Des relents des années 30

Ces nouveaux projets de loi populistes, qui devront être déposés en septembre, rappellent les heures sombres de l'occupation Allemande sous le régime du Maréchal Pétain, où plus de 15.000 personnes, juives principalement, ont été déchues de leur qualité de Français. Nicolas Sarkozy, dont le père, né Hongrois, est devenu Français par naturalisation a, faut-il croire, mauvaise mémoire.