Religions

Des mosquées en ligne de mire

Rédigé par Fouad Bahri | Lundi 21 Mai 2007 à 15:22

Depuis quelques semaines, décisions administratives et saisies en justice se multiplient contre des projets de construction de mosquées, dans l’hexagone. Après Marseille, Montreuil est à présent pointé du doigt par le commissaire du gouvernement du tribunal administratif pour un bail symbolique jugé illégal au regard de la loi de 1905. Une nouvelle affaire qui relance le débat sur le financement des lieux de culte.



Comment financer de nouvelles mosquées pour les musulmans de France ? A cette question épineuse, les deux dernières décisions administratives rendues à Marseille et Montreuil ne vont pas faciliter la réponse.

Tout commence il y a trois semaines. Le Front national, le MNR de Bruno Mégret et le MPF de Philippe De Villiers, décident de saisir le tribunal administratif de Marseille, concernant une décision municipale d’attribuer un terrain sous forme de bail emphytéotique, aux musulmans. Les partis d’extrême droite considèrent que la mise à disposition de ce terrain de 8600 m2 pour un loyer de 300 euros constitue une subvention déguisée. Le tribunal administratif, après examen, va leur donner raison. Quant à la municipalité, loin de faire appel de la décision, elle s’oriente vers la rédaction d’un nouveau bail pour contourner l’interdiction.

Premier succès de la coalition d’extrême droite. Trois semaines après, les mégrétistes récidivent. Dans une situation analogue, ils saisissent le TA de Cergy Pontoise pour bloquer le projet de mosquée prévu à Montreuil, pour les mêmes raisons. Cession symbolique d’un bail, d’une durée de 99 ans, pour un euro.
Là encore, dans l’attente d’un jugement du TA, le commissaire du gouvernement du tribunal administratif s’est déjà prononcé en faveur de l’annulation de cette décision de la municipalité de Montreuil. La décision sera donnée dans quelques semaines.

Une action hâtive

Ces affaires, si elles ne sont pas les premières du genre, posent la difficile question du financement du culte musulman, dans un pays laïc qui interdit le financement public des lieux de culte, depuis 1905. Face à cette difficulté, de nombreuses communes ont déjà eu recours à de multiples détours, tel que la subvention à des associations de loi 1901, la mise à disposition de salles publiques aux fidèles et le bail emphytéotique.

Pour le sociologue Franck Frégosi, dans cette double affaire, les municipalités n’ont pas bien bouclé leurs dossiers, en omettant parfois de consulter les élus. « Ces deux affaires si elles concernent indirectement des associations de musulmans, visent avant tout de front l'action de municipalités jugées agir un peu trop hâtivement sans toujours prendre le temps d'informer dans le détail les élus (cas de Marseille) et de se conformer à la réglementation. Il appartient donc d'abord aux municipalités de faire preuve de davantage de professionnalisme et de présenter des projets techniquement solides. Dans le cas de Marseille, la ville a d'ailleurs décidé de ne pas faire appel du jugement et de revoir sa copie afin d'en proposer une nouvelle version plus conforme aux attendus du jugement. »

A présent, le danger d’une jurisprudence sur cette question, est réel. Les partis d’extrême droite sont en lice et guettent chaque occasion de saisir la justice pour s’opposer à la construction de mosquées. Cité par notre confrère Libération, maître Saint-Just, avocat du Front national, confie au quotidien que si son client n’a pas « connaissances d’autres affaires à venir », «à chaque fois qu'un conseiller municipal ou un contribuable nous avertit, on y va».

Face à l’hostilité des pouvoirs publics devant la perspective d’un financement étranger du culte musulman, mais face aussi à leur attentisme, les musulmans de France semblent pris entre le marteau et l’enclume. A moins qu’une réforme des cultes ne soit entreprise, ils devront faire preuve de patience, en financement eux-mêmes, deniers par deniers, leurs mosquées. Le ralliement consensuel d’un Nicolas Sarkozy, sur ce dossier, ne devrait rien y changer.