« Désarme-moi, désarme-nous, désarme-les », tels étaient les mots de la prière que Christian de Chergé, prieur du monastère de Tibhirine en Algérie, adressait à Dieu au lendemain de la première « visite » d’un commando terroriste, au monastère, la nuit de Noël 1993. N’est-ce pas cette même demande qu’il convient d’adresser à Dieu, si nous sommes croyants en Lui, devant les événements dramatiques qui divisent et font souffrir tant de personnes en ces premiers mois de l’année 2014 ?
Que faire face au drame que vit le peuple syrien, pris dans l’étau de conflits qui le dépassent, entre grandes puissances, entre chiites et sunnites, entre puissances sunnites rivales ?
Début octobre, à l’initiative de Mgr Stenger, président de Pax Christi, nous sommes allés ensemble à la rencontre de réfugiés syriens en Jordanie et au Liban, responsables français, chrétiens et musulmans, religieux et humanitaires (Mgr Stenger, Tareq Oubrou, des responsables du Secours islamique, du Secours catholique, de l’Œuvre d’Orient, du CCFD, de l’ACO (protestants) et du SRI). Nous étions seulement porteurs de fraternité au nom de notre foi, ne pouvant oublier ces frères humains dans la détresse. Geste symbolique, peu relayé par les médias mais geste réel.
À la session des délégués diocésains aux relations avec les musulmans, fin janvier, nous recevions le P. Ziad Hilal, jésuite syrien : à Homs, il travaille non seulement à venir en aide à plus de 8 000 familles chrétiennes et musulmanes mais essaye déjà d’éduquer les enfants aux chemins de la réconciliation qui devra bien se vivre un jour…
Que faire face à la folie meurtrière qui s’empare de populations en Centrafrique ? Début février, nous avons écouté Mgr Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, qui, avec l’imam Oumar Kobine Layama, président de la communauté islamique et le pasteur Nicolas Guerékoyame parcourent ensemble le pays pour « éteindre la maison en feu », prêcher la non-violence au nom de leur foi en Dieu. Ils dénoncent l’instrumentalisation de la religion dans un pays dévasté par la corruption, la famine, pour tuer ou chasser l’autre.
Après les exactions des Selekas contre les missions chrétiennes, est venue la vengeance des anti-balakas avec la destruction de mosquées et la chasse aux musulmans. On ne peut que condamner ces meurtres, ces destructions, cette haine de l’autre et dénoncer, avec les trois responsables religieux, le jeu mortel de politiciens et la présentation par les médias du conflit comme un conflit interreligieux. Entendons l’appel de Mgr Dieudonné Nzapalainga à ses compatriotes pour « désarmer nos têtes, désarmer nos cœurs ». Notre choix est de le soutenir et d’appeler ceux qui ont une responsabilité politique à faire de même.
Ces drames « lointains » interrogent notre comportement de citoyens et de croyants, en France ou en Europe aujourd’hui. La crise sociale et économique est là, des clivages sur des questions de société se font plus durs. À la veille d’échéances électorales, municipales puis européennes, sommes-nous définitivement à l’abri de la haine de l’autre qui peut vite succéder à la peur ? Des Français se permettent des propos racistes sans complexe, des gestes d’agression vis-à-vis de femmes musulmanes, des propos ou des attitudes d’exclusion vis-à-vis de ceux ou celles qui ne croient pas ou ne pensent pas comme eux.
Temps d’échéances électorales mais aussi temps du carême pour les chrétiens qui entendent Dieu dire par la parole du prophète Esaïe (Es. 58) : « Quel est donc le jeûne qui me plaît ? N’est-ce pas faire tomber les chaînes injustes… briser tous les jougs, partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans abri ? »
N’est-ce pas le temps pour tous les croyants de supplier Dieu avec ces mots : « Désarme-les, désarme-nous, désarme nos cœurs et nos têtes » ? Supplier Dieu et agir pour que le dialogue et le respect de l’autre soient plus forts que les peurs et les haines, à commencer par les nôtres !
Ce texte est l'éditorial de la Lettre du SRI de mars 2014, que l'on peut se procurer auprès du Service national pour les relations avec l'islam (SRI) de la Conférence des évêques de France.
Que faire face au drame que vit le peuple syrien, pris dans l’étau de conflits qui le dépassent, entre grandes puissances, entre chiites et sunnites, entre puissances sunnites rivales ?
Début octobre, à l’initiative de Mgr Stenger, président de Pax Christi, nous sommes allés ensemble à la rencontre de réfugiés syriens en Jordanie et au Liban, responsables français, chrétiens et musulmans, religieux et humanitaires (Mgr Stenger, Tareq Oubrou, des responsables du Secours islamique, du Secours catholique, de l’Œuvre d’Orient, du CCFD, de l’ACO (protestants) et du SRI). Nous étions seulement porteurs de fraternité au nom de notre foi, ne pouvant oublier ces frères humains dans la détresse. Geste symbolique, peu relayé par les médias mais geste réel.
À la session des délégués diocésains aux relations avec les musulmans, fin janvier, nous recevions le P. Ziad Hilal, jésuite syrien : à Homs, il travaille non seulement à venir en aide à plus de 8 000 familles chrétiennes et musulmanes mais essaye déjà d’éduquer les enfants aux chemins de la réconciliation qui devra bien se vivre un jour…
Que faire face à la folie meurtrière qui s’empare de populations en Centrafrique ? Début février, nous avons écouté Mgr Dieudonné Nzapalainga, archevêque de Bangui, qui, avec l’imam Oumar Kobine Layama, président de la communauté islamique et le pasteur Nicolas Guerékoyame parcourent ensemble le pays pour « éteindre la maison en feu », prêcher la non-violence au nom de leur foi en Dieu. Ils dénoncent l’instrumentalisation de la religion dans un pays dévasté par la corruption, la famine, pour tuer ou chasser l’autre.
Après les exactions des Selekas contre les missions chrétiennes, est venue la vengeance des anti-balakas avec la destruction de mosquées et la chasse aux musulmans. On ne peut que condamner ces meurtres, ces destructions, cette haine de l’autre et dénoncer, avec les trois responsables religieux, le jeu mortel de politiciens et la présentation par les médias du conflit comme un conflit interreligieux. Entendons l’appel de Mgr Dieudonné Nzapalainga à ses compatriotes pour « désarmer nos têtes, désarmer nos cœurs ». Notre choix est de le soutenir et d’appeler ceux qui ont une responsabilité politique à faire de même.
Ces drames « lointains » interrogent notre comportement de citoyens et de croyants, en France ou en Europe aujourd’hui. La crise sociale et économique est là, des clivages sur des questions de société se font plus durs. À la veille d’échéances électorales, municipales puis européennes, sommes-nous définitivement à l’abri de la haine de l’autre qui peut vite succéder à la peur ? Des Français se permettent des propos racistes sans complexe, des gestes d’agression vis-à-vis de femmes musulmanes, des propos ou des attitudes d’exclusion vis-à-vis de ceux ou celles qui ne croient pas ou ne pensent pas comme eux.
Temps d’échéances électorales mais aussi temps du carême pour les chrétiens qui entendent Dieu dire par la parole du prophète Esaïe (Es. 58) : « Quel est donc le jeûne qui me plaît ? N’est-ce pas faire tomber les chaînes injustes… briser tous les jougs, partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans abri ? »
N’est-ce pas le temps pour tous les croyants de supplier Dieu avec ces mots : « Désarme-les, désarme-nous, désarme nos cœurs et nos têtes » ? Supplier Dieu et agir pour que le dialogue et le respect de l’autre soient plus forts que les peurs et les haines, à commencer par les nôtres !
Ce texte est l'éditorial de la Lettre du SRI de mars 2014, que l'on peut se procurer auprès du Service national pour les relations avec l'islam (SRI) de la Conférence des évêques de France.