Sur le vif

Discrimination à l'embauche: l'Oréal et Adecco mis en cause

Rédigé par Laila Elmaaddi | Vendredi 19 Mai 2006 à 08:25



Le procureur de la République de Paris a requis jeudi une peine d'amende de principe à l'encontre des laboratoires Garnier (groupe L'Oréal) en tant que personne morale et de ses responsables et de ceux d'Adecco jugés avoir effectué un tri en fonction de l'origine raciale lors du recrutement de démonstratrices en 2001.

"Tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir dans cette affaire", a ironisé le procureur Jean-Michel Aldebert qui a estimé que les dirigeants ne pouvaient ignorer les pratiques de recrutement des démonstratrices. "La discrimination à l'embauche est inacceptable", a-t-il soutenu. Le jugement sera mis en délibéré à l'issue des plaidoiries de la défense. Les prévenus encourent jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.

"L'Oréal est une marque multi-ethnique". Tel a été la ligne de défense soutenue jeudi par les responsables du No1 mondial des cosmétiques devant le tribunal correctionnel de Paris où ils étaient poursuivis par SOS-Racisme. "Je n'ai jamais donné d'indications sur les origines raciales des candidates. Cela aurait été contre-productif. La diversité est quelque chose de vraiment très importante à Garnier et à l'Oréal", a souligné l'ancien directeur général de Garnier France, Laurent Dubois.

Il est poursuivi aux côtés de Thérèse Coulange, ancienne employée de la société Districom, une filiale d'Adecco chargée de monter des opérations promotionnelles, et Jacques Delsau, ancien directeur des clients nationaux chez Adecco, pour "discrimination à l'embauche". Les trois sociétés sont également mises en examen en tant que personnes morales.

L'affaire a été déclenchée par une plainte de SOS-Racisme. A l'appui, l'association produit un fax du 12 juillet 2000 envoyé par Districom à des agences d'interim. Elle y détaille le profil des hôtesses recherchées par l'Oréal pour faire la démonstration de ses nouveaux produits de la ligne Fructis Style: 18-22 ans, taille de vêtement 38 à 42, BBR. Ce dernier code signifierait en fait "bleu, blanc, rouge" pour exclure les candidates de couleur.

Un rapport de l'Inspection du travail diligenté par la suite chez l'Oréal a par ailleurs établi que très peu de filles d'origine africaine, maghrébine ou asiatique avaient finalement été retenues pour la campagne de lancement. La rédactrice du fax a soutenu jeudi que "BBR" n'était qu'un code pour identifier les filles "s'exprimant correctement en français". Une interprétation rejetée par SOS-Racisme et le parquet.

Une ancienne employée de Districom qui avait dénoncé cette pratique a affirmé que Thérèse Coulange n'avait jamais auparavant donné de telles consignes ou retoqué quiconque, attribuant clairement la responsabilité de cette discrimination à l'Oréal et Garnier. Selon ce témoin, la première campagne pour Fructis Style avait fait "un flop" et il fallait rectifier le tir.

Selon un rapport remis en septembre 2005 par l'ex-ministre de l'Industrie Roger Fauroux, les entreprises et les organismes de recrutement utilisent régulièrement des codes comme "BBR" ou "BYB" (blond aux yeux bleus) dans leurs demandes. Le rapport notait ainsi qu'à CV égal, une Maghrébine recevait trois fois moins de réponses favorables que la moyenne à une demande d'entretien d'embauche et un Maghrébin cinq fois moins.