Economie

Diversité : de la diversion mais peu de résultats

Rédigé par Pauline Compan | Vendredi 11 Mars 2011 à 10:03

La diversité au sein des entreprises françaises reste encore l’exception. Les sociétés adoptant un comportement volontariste tentent ensuite de communiquer pour mettre en avant leurs efforts. Résultats, une diversité de façade et d’effets d’annonces alors même que celle-ci peut être un atout considérable pour les entreprises.



De gauche à droite : Eric Molinié (HALDE), Stéphane Richard (France Télécom), Soumia Malinbaum (présidente de l'AFMD), Vincent Edin (journaliste), Rémy Pflimlin (France Télévisions)

Pour son assemblée générale annuelle, l’AFMD (Association française des managers de la diversité) avait réuni autour d’un débat sur le thème « Gouvernance et diversité », Rémy Pflimlin (PDG de France Télévisions) et Stéphane Richard (PDG de France Télécom Orange). Les acteurs ont évoqué leurs initiatives en matière de diversité.

Des discours plein de bonne volonté, alors même qu’en France le débat sur la diversité en entreprise ne semble plus « à la mode » d’après Reda Didi, consultant indépendant en ressources humaines.

Des discours volontaristes...

Pour le PDG de France Télécom Orange, le débat sur la diversité est inévitable car « l’avenir des entreprises est dans la diversité, il n’y a pas d’autres issues possible car nos clients sont la diversité et il faut refléter ses clients ». Le PDG met ainsi en avant l’accord de France Télécom avec les syndicats sur l’insertion des jeunes ou encore les 5 femmes administratrices de la société (sur les 15 membres que compte la commission).

Pourquoi tant de volontarisme ? France Télécom semble avoir toujours en mémoire l’épisode de la vague de suicides de 2009. Une période noire, sur laquelle M. Richard essaie de tirer un trait. La diversité apparaît ainsi comme une perspective apte à développer des synergies dans l’entreprise. Avec le plan Conquête 2015, l’entreprise entend proposer chaque année à son personnel, une enquête interne « en profondeur » pour évaluer la mixité et la diversité. Un indicateur qui « intrigue les investisseurs » lors des roadshow annuels du PDG (réunion de présentation du bilan aux investisseurs). La diversité, un nouveau moyen de valoriser son entreprise auprès des actionnaires ?

France Télévision, c’est 3 milliards d’euros de budget, dont 2,5 milliards d’argent public. « A l’inverse du secteur privé qui ne s’intéresse qu’aux cibles, nous devons utiliser cet argent pour être un ciment, une aide à la cohésion sociale », estime Rémy Pflimlin. De Géraldine Muhlmann à la tête de l’émission C Politique sur France 5 (en remplacement de Nicolas Demorand) à Audrey Pulvar, ancienne présentatrice des journaux de France 3, Rémy Pflimlin veut mettre en avant la politique de son groupe en termes de diversité.

Le club Averroes relevait déjà dans son rapport 2010 le tournant amorcé à France Télévision depuis l’arrivée de M. Pflimlin.

Mais des résultats insuffisants

« Les minorités peuvent être instrumentalisées pour faire de la communication car il arrive que les entreprises ne jouent pas le jeu et produisent des effets d’annonce » reconnaît Reda Didi. Pour lui, « le compte n’y est pas, loin s’en faut ». Traduction, malgré des efforts récents de la part de grandes entreprises françaises, il y a encore beaucoup à faire pour promouvoir la diversité au sein des entreprises.

Au-delà de la morale éthique, la diversité est un facteur qui peut avoir des conséquences positives pour les sociétés commerciales. Pour Reda Didi, « ce sont les process de recrutement qui rendent le personnel performant » et donc, par extension, améliorent la productivité. « Recruter uniquement sur des compétences objectives booste naturellement les chances de recruter le bon candidat et donc d’améliorer les résultats et de limiter le turn-over.» « Je suis pour le CV anonyme évidemment, je pense même qu’il ne devrait pas y avoir besoin de légiférer là-dessus », continue M. Didi, qui se prononce aussi « contre les quotas qui peuvent s’avérer contre-productifs ».

Les grandes entreprises « commencent à faire des efforts », mais se situent encore trop souvent dans une logique de quotas. Ainsi, la série « Plus Belle la Vie » (France 3), par exemple, est symptomatique de cette politique, « le cahier des charges de la série stipule qu’il doit y avoir un étudiant en médecine issu des minorités visibles », expliquait M. Pflimlin lors de la table ronde.

Malgré ces efforts, Reda Didi reste pessimiste : « Nous avons un arsenal juridique fourni mais pas de pédagogie à destination des entreprises ni de moyens pour les surveiller. » Le débat sur la diversité ne serait « pas à la mode » et les discriminations seraient toujours « niées par le débat public ».

La disparition prochaine de la HALDE ne serait qu’une erreur de plus : « La diversité a besoin d’une volonté politique forte et d’un organisme de veille indépendant et doté de moyens. » La France est encore loin du compte.