Psycho

« Dois-je divorcer ou encore endurer pour Allah et mon enfant ? »

Rédigé par Lalla Chams En Nour | Dimanche 30 Mars 2014 à 15:24



Salam alaykoum wa rahmatouLlah, voilà mon histoire.

J’ai besoin d’écrire mon histoire et de demander l’avis à quelqu’un sur la question qui me taraude l’esprit depuis maintenant bien trop longtemps, dois-je prendre la décision de divorcer ou mon rôle est-il d’endurer encore pour mon Allah et pour mon enfant ?

La vie et les épreuves que nous avons vécues ont anéanti mes sentiments envers lui. Aujourd’hui, je suis toujours là pour que ma fille grandisse auprès de son père et parce que j’en ai tellement vu que je peux encore supporter ma situation pour le moment.

Je suis en couple depuis 4 ans maintenant et je suis maman d’un enfant de 2 ans. Lorsque j’ai rencontré mon mari, j’avais 18 ans, lui a 17 ans de plus que moi. Je n’étais pas du tout dans l’islam, lui non plus. J’avais à l’époque une vie de jeune perdue dans la drogue, l’alcool, la fête, le vol, l’argent facile, le mensonge et toutes sortes d’excès…

Al HamdouliLlah je reviens de loin, mais Allah m’a ramenée à la foi que je n’avais jamais eue. Une foi plus forte de par ce que j’ai enduré avant l’islam. Nous nous sommes donc rencontrés dans le haram et avons vécu ensemble tout de suite, une vie chaotique et débridée avec beaucoup de drogue (dépendance héroïne et cocaïne) et d’argent.

Pour faire bref, nous nous aimions mais notre vie faisait que nous n’avions aucune stabilité de couple. Il m’a peu à peu volontairement éloignée de tous ceux qui comptaient dans ma vie (ma mère, ma famille, mes amis) jusqu’à ce que j’en vienne à les regarder de haut et à les mépriser, leur faire beaucoup de mal…

J’étais jeune et il m’a en quelque sorte « façonnée » à sa volonté. J’ai toujours eu beaucoup de caractère, mais il a su s’y prendre avec moi, si bien qu’il a terriblement déteint sur moi. Il a toujours eu un comportement très médisant et un complexe de supériorité flagrant, mais il était matériellement très généreux et avait une très bonne culture…

Nous nous sommes traités de manière inconcevable, violemment battus, frappés, détestés mais nous sommes restés ensemble. Malgré tout, j’étais à la recherche de quelque chose et lui aussi, si bien qu’à force de chercher par la grâce d’Allah nous sommes arrivés à nous intéresser à l’islam… Al hamdouliLlah, la vérité nous est venue et nous avons arrêté la drogue (sevrage dur, sans substitut) et nous avons commencé à trouver un peu de paix.

Mais le milieu nous « poursuivait », donc nous avons pris notre argent pour partir à l’étranger. Seulement notre foi était toute neuve et nous manquions peut-être de maturité dans la religion pour faire cela, mais le voyage fut enrichissant.

Cependant, notre couple était toujours terriblement fragile, je m’étais beaucoup calmée mais lui continuait à me dénigrer, à m’insulter ; et il a voulu m’abandonner dans l’un des pays où nous sommes passés… Mais j’ai patienté. Nous avons eu plusieurs opportunités de nous stabiliser, on nous avait proposé de travailler, on nous soutenait dans notre apprentissage de la religion et nous nous sommes mariés (pas vraiment par choix mais quand nous avons appris que notre couple était haram).

Malgré qu’Allah nous ait facilité, mon mari ne tenait pas en place, il trouvait toujours des reproches à faire sur le lieu, les habitants, etc. Finalement nous sommes arrivés en Algérie (pays de nos parents à tous les deux), chez sa maman, qui nous a accueillis puis mis à la porte 10 jours plus tard, en nous disant que nous étions fous de vouloir venir vivre ici en Algérie alors que la France c’est tellement bien !

Pour elle, j’étais une trainée qui avait mis des idées bizarres dans la tête de son fils. Bref, si bien qu’une fois à la porte j’ai dit à mon mari : « On va dans ma famille (je ne les connaissais pas, je savais juste dans quel village ils habitaient). Nous avons été très bien accueillis et après quelque temps, nos visas sont arrivés à leur terme. Plus d’argent donc nous avons pris la décision de partir travailler en France, faire nos papiers algériens et revenir.

Nous nous sommes retrouvés à la rue en Corse. Notre relation était toujours instable, si bien que ne pouvant plus supporter tout ça je lui ai demandé de me libérer, il l’a fait, m’a donné de l’argent pour prendre un bateau pour la France et je suis rentrée chez ma mère.

Il est revenu en France le lendemain mais je ne voulais plus le voir, et puis j’ai appris que j’étais enceinte de 3 mois. Je ne m’en étais pas rendue compte soubhanAllahQuand je l’ai appris je me suis dit qu’Allah avait suscité quelque chose de nouveau entre nous, comme dans le verset du Coran et je devais réessayer. Je lui ai demandé de nous trouver un logement et qu’on reprendrait la vie commune mais il n’a rien su faire (c’est toujours moi qui ai fait toutes nos démarches de la vie courante), si bien qu’il est venu chez ma mère avec moi.

Ma mère est patiente mais, au bout d’un mois, il l’a insultée, rabaissée et je ne voulais pas que ça continue, alors nous avons pris ma voiture et nous sommes repartis à l’aventure (à 7 mois de grossesse). Nous avons vécu en foyer d’urgence et avons été séparés pour que je puisse aller dans un foyer adapté pour les femmes enceintes. Dès que j’ai accouché, je me suis débrouillée pour nous trouver un logement et, depuis, nous y habitons.

Mon mari ne veut pas travailler parce que le travail ici n’est pas compatible avec les heures de prière (ce que je comprends et accepte) mais il ne fait rien absolument rien pour nous préparer un autre avenir… Il passe sa journée sur le Net (de 4h à 21h) avec quelques coupures pour les prières, aller faire des courses et manger…

Cependant, il m’aide à la maison pour les tâches quotidiennes et s’occupe parfois de notre enfant quand j’en ai vraiment besoin (surveillance minimum, mais il le fait) al hamdouliLlah. Mais rien n’est entrepris pour que nous puissions espérer vivre autre chose. Malgré tout, je me donne les moyens pour que ça puisse arriver (je mets de l’argent de côté et je passe un diplôme).

Nos relations sont tout de même bien meilleures qu’autrefois, mais je ne l’aime plus, mes sentiments sont enterrés et je reste pour ma fille et parce que c’est peut-être une épreuve à endurer pour moi.

Cependant, j’ai beaucoup de mal à remplir mon rôle de femme (que ce soit nos rapports intimes ou même la bienveillance) et j’ai l’impression d’être dans une impasse. Ce n’est pas l’exemple masculin que j’aurais espéré pour notre enfant, il ne remplit pas son rôle d’homme de la famille… Allah m’a accordé de la patience mais je crois que ce n’est même plus une question de patience maintenant…

Ma mère s’est récemment tournée vers l’islam, alhamdouliLlah ! Je l’ai donc invitée pour lui apprendre la prière et que nous vivions ensemble ce moment. Il m’a brièvement reproché qu’elle soit là, en me disant que dans sa ville plein de gens pourraient lui apprendre. J’ai coupé court à la conversation pour ne pas m’emporter. Il l’a dévisagée parce qu’elle avait mangé dans « son » paquet de dattes… Il la détestera toujours, bien qu’elle soit musulmane maintenant, j’en ai peur.

Et voilà, j’en suis là, à me dire quand on passe une journée agréable et que je le vois rire avec notre enfant que ça s’arrangera mais, au fond de moi, j’y crois à peine. Il ne se rend pas compte que je veux divorcer, la communication est compliquée quand il s’agit de nos problèmes. Pour lui, tout va bien, il ne sait pas que mes sentiments sont morts…

Ce que je ne peux lui reprocher, c’est son assiduité dans ses prières et les jeûnes (beaucoup de surérogatoires machaAllah) mais quelle valeur ça a face à tous les autres devoirs dont il ne s’acquitte pas ?

Internet, c’est son quotidien, ça passe avant notre vie de famille et il fait fondre son cerveau en restant des heures durant devant l’écran, sa mémoire et sa façon de parler s’en ressentent… Il s’exprime moins bien et oublie plus rapidement. Son passe-temps, c’est aussi d’« analyser » ou plutôt de constater la décadence des uns et des autres et sa langue aime se délier sur ces sujets. Moi, je n’écoute même plus…

Cela fait donc trois années que l’islam est entré dans ma vie, al hamdouliLlah, et ça fait deux années que je pense à me séparer de lui.

Bref, je ne sais que faire… Qu’Allah me guide, nous guide.

En espérant ne pas avoir abusé de votre temps et que vous saurez me conseiller, inchaAllah.

Lalla Chams En Nour, psychanalyste

Si on lit attentivement le Livre sacré, on peut aisément comprendre que prétexter les cinq prières pour ne pas travailler, ce n’est pas là un argument juste sur le plan strictement religieux. Cela ressemble à du zèle hypocrite. Il est facile de se cacher derrière l’assiduité à la prière et accepter de se laisser aller aux méthodes frauduleuses, aux expédients et au travail de sa femme pour se faire prendre en charge.

Il est clair que, selon l’islam, l’homme a un rôle à tenir, de dignité, de respect et de courage pour assumer sa fonction de père de famille. Il semble que votre mari ne l’ait pas bien compris.

Critiquer, médire, ce n’est pas non plus très juste : seul Dieu est censé juger notre comportement. Cette attitude cache un complexe d’infériorité sur lequel il serait nécessaire de travailler, pour se remettre en cause.

Bref, tout cela pour vous dire que votre envie de partir et de reconstruire pour votre fille une vie plus sereine et plus stable me paraît plus importante que cette absence totale de structure, cette errance qui a déjà marqué son histoire, dès votre grossesse.

Vous, la mère, puisque le père ne peut le faire, lui devez de la sécurité et de la stabilité pour son bon développement. Cela ne l’empêchera pas de voir son père, bien sûr, qui se sentira peut-être ainsi plus contraint à évoluer lui-même plutôt que de juger son entourage et de détruire tous les liens autour de lui.

La rubrique « Psycho », qu’est-ce que c’est ?

Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
Ils ne sont pas médecins, même si on les désigne parfois comme des « médecins de l’âme », mais leur rôle est de vous aider à trouver en vous-même la meilleure réponse à vos interrogations sur vos relations aux autres, votre conjoint ou conjointe, vos parents, vos frères et sœurs, vos amis, vos collègues de travail, vos voisins...
Alors, n’hésitez pas, interrogez-les, ils tenteront de vous répondre en s’éclairant des plus belles pensées de l’islam.
Contactez-les (anonymat préservé) : psycho@saphirnews.com