Après nombre de refus successifs, le CDPP (Comité drouais pour la Palestine) a pu enfin accueillir Monsieur Tariq Ramadan pour tenir une conférence publique sur « la véritable nature du conflit israélo-palestinien ». Avec ses 72 nationalités différentes sur une population de 40. 000 habitants, la ville de Dreux située à peine une heure de Paris, fut autrefois un bastion du Front National sous l’égide de M. Stirbois suivi de Mme Marie France Stirbois . Ce vendredi 09 janvier, après une année de tracas administratifs, Tariq Ramadan, en invité de marque très attendu, a pu s'entretenir avec un public de 300 Drouais ravis de l’accueillir après une rude bataille administrative.
Le Comité Drouais Pour la Palestine
Le CDPP est né en octobre 2002. Présidée par un médecin drouais, l’association est née de la nécessité d’une réflexion poussée sur le conflit du Proche Orient. Elle se veut être un relais et un soutien au peuple palestinien par la mise en œuvre d’actions humanitaires, éducatives et culturelles.
Le CDPP s’inscrit ainsi dans une dynamique de justice pour les opprimés Palestiniens et de respect de leurs droits Il paraissait de ce fait judicieux d’inviter Messieurs Tariq Ramadan et Alain Gresh (qui n’a pu participer au débat), deux intellectuels de ceux qui ont beaucoup collaborés et travaillés sur le conflit Israélo-palestinien.
« Il est triste pour la France que les autorités politiques locales acceptent les pressions sur de simples rumeurs… », a déclaré M. Ramadan en prologue à son intervention. Une allusion au refus de la municipalité Drouaise de mettre à disposition une salle pour sa conférence. Depuis le Forum Social Européen (FSE) au cours duquel ses adversaires ont échoué à le faire passer pour un antisémite, Monsieur Ramadan s’est vu refusé à cinq reprises des salles initialement prévues pour ses interventions. Néanmoins il préconise « la persévérance contre vents et marrées » et la revendication d’une citoyenneté égalitaire et non de seconde zone.
D’un conflit politique à un conflit religieux
M. Ramadan, soulignera la nécessité de revenir sur les bases historiques du conflit, notamment sur le projet sioniste du XIXe siècle pour comprendre le problème. Car déjà à cette époque, Théodore Herzl parle lui-même d’un projet nationaliste et colonialiste avant toute autre motivation. Le conférencier mettra l’accent sur le sens du mot « colonialisme » qui, à l’époque, n’était pas aussi péjoratif qu’à l’heure actuelle. « Les termes prennent la couleur de leur histoire » dira-t-il avant d’expliquer comment le conflit prendra une résonance religieuse sacralisant l’aspect politique premier. Mettant son auditoire en garde contre le risque de trop grande simplification, M. Ramadan en appellera à ouvrir l’angle de vue de manière assez large sur les véritables enjeux : « Ne pas simplifier le conflit au nom du naturel soutien aux opprimés ».
Par la suite, le conférencier poursuivra son exposé sur le devoir de mémoire en prenant en compte trois paramètres fondamentaux. D’abord l’extermination des juifs en Europe : 'une honte pour la conscience humaine', ensuite la reconnaissance nécessaire de la souffrance d’un peuple et enfin la non instrumentalisation des souffrances de cette mémoire pour justifier n’importe quelle action.
Il appuiera sur la politique menée à l’égard du peuple Palestinien souvent contraire à toutes les lois et à toutes les conventions internationales. Il soulignera aussi la politique d’expansion israélienne par l’organisation d’une immigration permanente en provenance d’Ethiopie, de Russie et de France notamment.
Le tout religieux est un piège à éviter
Monsieur Ramadan ne nie pas la dimension religieuse du conflit puisqu’il faut bien que juifs, chrétiens et musulmans pour lesquels le caractère sacré l’emporte puissent, un jour , vivre ensemble dans le respect mutuel et la tolérance. Cependant il met en garde contre une vision uniquement religieuse du conflit qui créerait trois principaux problèmes :
- Dédouanement des parties externes : « Ce n’est pas notre affaire car c’est les musulmans contre les juifs, qu’ils se débrouillent ».
- Naissance d’une « neutralité de démission », pas de neutralité quand « l’éléphant écrase la souris ».
- Démission de la communauté internationale
La thèse que défend T. Ramadan est celle du manquement grave au droit international des peuples opprimés et plus particulièrement le peuple Palestinien. Il s’inscrit ainsi dans la ligne des valeurs universelles à défendre et à protéger quelles que soient les appartenances religieuses et philosophiques des citoyens du monde et d’Europe en particulier.
M. Ramadan propose aux citoyens de développer trois types de lectures du conflit. Une lecture économique car Israël est un pôle géostratégique important. Une lecture religieuse puisqu’il s’agit d’une terre considérée sacrée par les trois monothéismes. Enfin une lecture politique à partir de laquelle le conflit concerne tout le monde.
Avant de se soumettre à la traditionnelle séance de questions à l’orateur, le conférencier mettra l’accent sur le travail local et l’engagement politique. Il évoquera le besoin de nourriture spirituelle ainsi que le refus du chantage à l’antisémitisme que l’on oppose généralement à ceux qui tentent de critiquer la politique israélienne dans les Territoires occupés.