Politique

Du 21 avril 2002 au 23 avril 2017, les dessous de l'inexorable montée du Front national

Rédigé par | Lundi 24 Avril 2017 à 22:00

Le Front national, ce parti d'extrême droite qui souffle sur les peurs et la haine pour asseoir son influence auprès des Français, ne fait plus aussi peur qu'avant. Radiographie de l'ancrage durable du FN en France.



21 avril 2002, une date entrée dans les annales de l’Histoire de la Ve République. La présence du Front national au second tour de la présidentielle avait été mal vécue par des millions de Français tant le séisme politique fut immense.

Les électeurs, ne s’attendant pas à l’élimination du chef de file des socialistes Lionel Jospin, s’étaient mobilisés en masse au second tour contre Jean-Marie Le Pen le 5 mai 2002. La victoire de Jacques Chirac a alors été écrasante, par 82,2 % en faveur de la droite contre 17,8 % pour l’extrême droite.

Un « 21 avril » bis, le choc en moins

Quinze ans plus tard, le Front national s’est installé durablement dans le paysage politique français de telle sorte que sa présence au premier tour de la présidentielle dimanche 23 avril n’a non seulement pas été d’une grande surprise mais ne provoque plus autant de haut-le-cœur que par le passé. Pas de manifestations monstres sont en vue dans l’entre-deux-tours comme ce fut le cas en 2002. En témoigne cette archive d'un JT de France 3.

Entre les deux élections, l’image du parti d’extrême droite s’est sensiblement améliorée auprès des Français, et plusieurs de ses idées se sont banalisées, à la faveur d’une présence médiatique qui n’aura jamais été aussi forte, tant à la télévision qu’à la radio et dans la presse écrite.

La stratégie dite de dédiabolisation entamée ces dernières années par Marine Le Pen afin de rompre avec l'image sulfureuse véhiculée par son père – au point où celui-ci a été exclu en 2015 de son propre parti – porte doucement ses fruits. Résultat, le FN améliore ses scores d’une élection à une autre, particulièrement depuis 2012 : les législatives la même année de l'élection de François Hollande, les européennes en mai 2014, les municipales en mars 2014, les départementales en mars 2015, suivis des régionales en décembre 2015

Le FN a battu un record absolu en termes de voix recueillies lors d’une élection : Marine Le Pen a engrangé 7,7 millions de suffrages en 2017 contre 4,2 millions pour son père en 2002, alors que le taux d’abstention n’a que peu évolué (22,7 % au premier tour en 2017 contre 20,5 % en 2002).

L’appel au « front républicain » plus aussi entendu

A chaque passage du FN au second tour d’une élection, les appels au « front républicain » se multiplient au nom de la lutte contre l’extrême droite. Du côté des socialistes comme des Républicains, les soutiens en faveur d’Emmanuel Macron pleuvent depuis dimanche 23 avril. Mais ils ne sont plus aussi nombreux à le crier sur les toits que lors de l’élection présidentielle de 2002, en particulier du côté de l’extrême gauche qui préfère le « ni-ni » au nom de leurs convictions à mille lieues du libéralisme prôné par Emmanuel Macron.

Il est loin le temps où ses représentants appelaient à voter en masse pour Jacques Chirac. La Ligue communiste révolutionnaire (LCR), devenue le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), avait appelé, à l'époque, à faire barrage contre le FN par la voix de son porte-parole Olivier Besancenot. Lors de l’entre-deux-tours, Jean-Luc Mélenchon affirmait aussi que « le vote d'extrême droite doit être réduit au minimum ». « J’affirme clairement que tout atermoiement dans les rangs de gauche nous expose au minimum à une nouvelle avancée de l’extrême droite qui dégradera davantage le rapport de force social et politique de la gauche aux législatives », déclarait-il.

Quinze ans plus tard, le hashtag #SansMoiLe7Mai a le vent en poupe. Le leader de la France insoumise, qui a réalisé son plus beau score à la présidentielle (19 %), n’a pas souhaité donner de consigne de vote au soir des résultats, préférant attendre de consulter ses partisans. Philippe Poutou, représentant du NPA, a refusé de se positionner en faveur de l’ex-ministre des Finances. Même chose pour Nathalie Arthaud, candidate de Lutte ouvrière, à ceci près que sa prédécesseure Arlette Laguillier avait refusé d'appeler à voter pour Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen en 2002. Les pièges du front républicain, ils refusent d'y tomber, clament-ils.

Du côté de la droite et du centre, François Fillon et Jean-Christophe Lagarde se sont rangés sans ambiguïté derrière Emmanuel Macron comme la plupart des ténors des Républicains et de l'UDI mais quelques-uns en son sein et qui gravitent autour de cette formation politique ont refusé de se ranger à cet avis comme Christine Boutin, du Parti démocrate-chrétien, qui a jugé possible de voter pour Marine Le Pen. Sens commun, qui s’est fortement engagé contre le mariage pour tous, a aussi refusé de donner une consigne de vote contre Le Pen.

Les sondages donnent Emmanuel Macron vainqueur du second tour face à Marine Le Pen au soir du 7 mai mais avec un score beaucoup moins élevé pour le premier que pour l'héritière du Front national, qui demeure un parti d'extrême droite, quoi qu'il en soit de sa stratégie. Mais face à une abstention forte attendue, les jeux sont-ils pour autant faits ? Quinze ans après le refus de Jacques Chirac de débattre avec Jean-Marie Le Pen, un débat entre les candidats est organisé, après accord du leader d'En Marche ! mercredi 3 mai.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur