Azzedine Gaci. © Capture d’écran d'une intervention lors d'un colloque en février 2016.
Dans son discours de clôture de la plénière du Forum de l’islam de France (Forif), le 16 février dernier à l’Élysée, le président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré sa décision de « mettre fin au Conseil français du culte musulman, de manière très claire et à ses activités ».
C'était la stupéfaction dans la salle et les responsables musulmans échangeaient des regards interrogateurs. Beaucoup n’ont retenu du discours du président de la République que cette annonce à laquelle personne ne s’attendait.
Ce scénario, d’une grande portée, a alimenté les débats et les discussions entre des musulmans pendant plusieurs jours. Les uns se demandaient si le président de la République pouvait dissoudre une association, sans raison valable. Les autres s’interrogeaient sur l’instance qui allait remplacer le CFCM et les derniers sur l’utilité du Forif.
Lors de la mise en place du CFCM en 2003, les musulmans avaient placé tous leurs espoirs et toutes leurs ambitions sur cette instance qui devait les représenter, les défendre et ouvrir la voie à des nouvelles initiatives, notamment en ce qui concerne la formation des imams. Après 18 années d’existence, tout le monde se pose des questions sur le rôle de cette structure qui ne peut malheureusement se prévaloir d'aucune grande réalisation au niveau national.
Le temps est venu de dresser le bilan de deux décennies mouvementées et de tirer des leçons d’un déficit d’avancées concrètes qui a fini par désespérer les musulmans de France et les éloigner progressivement du CFCM.
C'était la stupéfaction dans la salle et les responsables musulmans échangeaient des regards interrogateurs. Beaucoup n’ont retenu du discours du président de la République que cette annonce à laquelle personne ne s’attendait.
Ce scénario, d’une grande portée, a alimenté les débats et les discussions entre des musulmans pendant plusieurs jours. Les uns se demandaient si le président de la République pouvait dissoudre une association, sans raison valable. Les autres s’interrogeaient sur l’instance qui allait remplacer le CFCM et les derniers sur l’utilité du Forif.
Lors de la mise en place du CFCM en 2003, les musulmans avaient placé tous leurs espoirs et toutes leurs ambitions sur cette instance qui devait les représenter, les défendre et ouvrir la voie à des nouvelles initiatives, notamment en ce qui concerne la formation des imams. Après 18 années d’existence, tout le monde se pose des questions sur le rôle de cette structure qui ne peut malheureusement se prévaloir d'aucune grande réalisation au niveau national.
Le temps est venu de dresser le bilan de deux décennies mouvementées et de tirer des leçons d’un déficit d’avancées concrètes qui a fini par désespérer les musulmans de France et les éloigner progressivement du CFCM.
Des préalables pour une instance nationale viable et représentative
Au fil des ans, nous avons appris à identifier les enjeux et à reconnaître les pièges au processus de structuration de l’islam de France dans le but d’éviter le blocage de l’instance nationale ou son immobilisme. Pour mettre en place une instance solide, compétente, viable, respectable et surtout représentative de tous les musulmans de France, que faut-il faire ?
1) Mettre fin à l’islam consulaire et aux ingérences étrangères dans l’organisation de l’islam en France.
Depuis 2003, les responsables du CFCM ont laissé s'installer au sein de la communauté musulmane, et en particulier les jeunes, le sentiment selon lequel ils ne seraient que des gestionnaires intéressés du culte musulman et des ambassadeurs d'intérêts étrangers.
2) Réduire le poids excessif des fédérations musulmanes, liées pour la plupart à des pays étrangers.
La mise en place d’une instance nationale de l’islam a toujours accordé une très large place aux fédérations musulmanes de France, qui se livrent une vive concurrence pour maintenir ou accroître leurs positions. Ces conflits internes sans fin ont paralysé les travaux de l’instance et empêché l'émergence de compétences et de nombreux talents présents au sein de la communauté.
3) La centralisation des décisions, le manque d’efficacité et l’omniprésence médiatique du CFCM, ont inhibé complètement les initiatives locales.
Il faut tourner la page de la gestion globale et étatique, par le haut, de l'islam de France. C'est une illusion de croire qu'une seule structure pourrait remplir le rôle de représentation et d'organisation d'une communauté de six millions de personnes en France.
4) La marginalisation totale des imams a coupé les instances nationales de la base, des mosquées et des fidèles.
Nous devons remettre l’imam au centre de l’organisation de l’Islam de France. Nous devons l’aider à prendre la parole pour retrouver sa crédibilité, son influence, son charisme et son autorité morale qui repose sur son titre de « premier guide spirituel » de la communauté musulmane.
5) L'absence d'études sérieuses relatives à la formation des imams et des cadres religieux.
A sa création en mai 2003, le CFCM avait fixé la formation des imams comme la priorité de ses priorités. Incapables de dépasser les clivages d’appartenance, les responsables du CFCM n’ont pu faire aucune proposition sérieuse.
Il est temps de mettre la question du statut et de la formation des imams au cœur de l’organisation de l’islam de France, pour faire émerger une génération d’imams de France. Les imams doivent avoir une formation adaptée à leurs missions et à la diffusion d’un islam compatible avec les valeurs de la société environnante (formations académique et théologique).
6) L'absence d'élections démocratiques libres.
Les systèmes de nomination et de cooptation, utilisés de façon abusive, ont entraîné la paralysie du fonctionnement du CFCM et ont conduit finalement à son éclatement.
7) L’implication trop importante de l’Etat dans le CFCM.
Au fil des années, les responsables du CFCM n’arrivaient plus à prendre des décisions ou des orientations de manière collégiale. Ils devaient systématiquement faire appel au gouvernement pour statuer. Ces mêmes personnes se plaignaient, en privé, de l’intervention de l’Etat dans les affaires du CFCM. Allez comprendre quelque chose.
Les responsables du CFCM se sont rencontrés quelques jours après le discours du président de la République. Ils ont notamment acté le principe de mettre fin au système de cooptation par les fédérations.
Une raison du blocage du CFCM pourrait être levé si la réforme des statuts est adopté. Nous attendons la suite, car le système de cooptation n’explique pas tout.
*****
Azzedine Gaci est recteur de la mosquée de Villeurbanne. Porte parole du Conseil des mosquées du Rhône (CMR), il présida le Conseil régional du culte musulman (CRCM) Rhône Alpes de 2005 à 2008 puis de 2008 à 2021.
Lire aussi :
Malgré son rejet par l'Etat, le CFCM affirme sa volonté de se réformer
Haoues Seniguer : « Le Forif a aujourd’hui autant de chance que le CFCM hier »
Islam de France : le « triple pacte » d'Emmanuel Macron engagé avec le Forif
1) Mettre fin à l’islam consulaire et aux ingérences étrangères dans l’organisation de l’islam en France.
Depuis 2003, les responsables du CFCM ont laissé s'installer au sein de la communauté musulmane, et en particulier les jeunes, le sentiment selon lequel ils ne seraient que des gestionnaires intéressés du culte musulman et des ambassadeurs d'intérêts étrangers.
2) Réduire le poids excessif des fédérations musulmanes, liées pour la plupart à des pays étrangers.
La mise en place d’une instance nationale de l’islam a toujours accordé une très large place aux fédérations musulmanes de France, qui se livrent une vive concurrence pour maintenir ou accroître leurs positions. Ces conflits internes sans fin ont paralysé les travaux de l’instance et empêché l'émergence de compétences et de nombreux talents présents au sein de la communauté.
3) La centralisation des décisions, le manque d’efficacité et l’omniprésence médiatique du CFCM, ont inhibé complètement les initiatives locales.
Il faut tourner la page de la gestion globale et étatique, par le haut, de l'islam de France. C'est une illusion de croire qu'une seule structure pourrait remplir le rôle de représentation et d'organisation d'une communauté de six millions de personnes en France.
4) La marginalisation totale des imams a coupé les instances nationales de la base, des mosquées et des fidèles.
Nous devons remettre l’imam au centre de l’organisation de l’Islam de France. Nous devons l’aider à prendre la parole pour retrouver sa crédibilité, son influence, son charisme et son autorité morale qui repose sur son titre de « premier guide spirituel » de la communauté musulmane.
5) L'absence d'études sérieuses relatives à la formation des imams et des cadres religieux.
A sa création en mai 2003, le CFCM avait fixé la formation des imams comme la priorité de ses priorités. Incapables de dépasser les clivages d’appartenance, les responsables du CFCM n’ont pu faire aucune proposition sérieuse.
Il est temps de mettre la question du statut et de la formation des imams au cœur de l’organisation de l’islam de France, pour faire émerger une génération d’imams de France. Les imams doivent avoir une formation adaptée à leurs missions et à la diffusion d’un islam compatible avec les valeurs de la société environnante (formations académique et théologique).
6) L'absence d'élections démocratiques libres.
Les systèmes de nomination et de cooptation, utilisés de façon abusive, ont entraîné la paralysie du fonctionnement du CFCM et ont conduit finalement à son éclatement.
7) L’implication trop importante de l’Etat dans le CFCM.
Au fil des années, les responsables du CFCM n’arrivaient plus à prendre des décisions ou des orientations de manière collégiale. Ils devaient systématiquement faire appel au gouvernement pour statuer. Ces mêmes personnes se plaignaient, en privé, de l’intervention de l’Etat dans les affaires du CFCM. Allez comprendre quelque chose.
Les responsables du CFCM se sont rencontrés quelques jours après le discours du président de la République. Ils ont notamment acté le principe de mettre fin au système de cooptation par les fédérations.
Une raison du blocage du CFCM pourrait être levé si la réforme des statuts est adopté. Nous attendons la suite, car le système de cooptation n’explique pas tout.
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Azzedine Gaci est recteur de la mosquée de Villeurbanne. Porte parole du Conseil des mosquées du Rhône (CMR), il présida le Conseil régional du culte musulman (CRCM) Rhône Alpes de 2005 à 2008 puis de 2008 à 2021.
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