Le mois du ramadan (as-Siyam) est « la » période de consommation faste chez les musulmans, notamment en matière d'alimentation. Les boucheries, les pâtisseries, les épiceries... font parfois des bénéfices qui dépassent leurs prévisions. De plus, les grandes marques occidentales profitent de ce mois pour promouvoir leurs produits, tel coca-cola qui réalise des publicités 'spécial ramadan » dans les pays musulmans. Paradoxalement la consommation durant ce mois sacré est un moteur des économies musulmanes et communautaires. L'éthique islamique est offensée par le gaspillage et les comportements excessifs. Comment peut-on expliquer qu’en fin de compte cette période de piété se formalise en grande « bouffe ».
Le 'ramadan business'
Ca y est, le ramadan est arrivé! Partout en Europe, les ménages musulmans ouvrent leurs porte-monnaies. Depuis plusieurs semaines déjà, les commerces, petits et grands, décorent leurs vitrines des produits de circonstance: dattes, gâteaux, pois chiche, lentilles, concentré de tomate, riz, miel... Une abondance rassurante aux senteurs propres à ce mois sacré. Pendant cette période sacrée, la demande en biens alimentaires est étonnante. De nombreux producteurs préparent le mois avec attention et se pressent de satisfaire cette demande singulière.
Dans les pays à majorité musulmane, les autorités craignent les excès de consommation et la pénurie. Les mauvais souvenirs de certains Ramadans demeurent dans les esprits. Le changement dans le mode de consommation n’est pas seulement quantitatif, mais aussi qualitatif. Les ménages consomment plus de viande et des produits coûteux tels les fruits secs, ce qui pèse lourdement sur le budget des familles. Et ici comme ailleurs, la loi économique de l’offre et la demande s’applique brutalement. Autrement dit, les commerçants augmentent les prix, peu de temps avant le début du mois.
Au Maroc, les délégations du ministère du Commerce et de l’Industrie prennent toutes leurs précautions pour anticiper tout manque ou perturbation au niveau de l'approvisionnement. Le journaliste marocain S. El Hadini décrit la situation en ces mots : « Quelques jours nous séparent du mois sacré de Ramadan. Une question se pose : quel est l’état du stock des produits dont la consommation connaît une montée en flèche pendant cette période ? Rassurez-vous! Le marché sera bien approvisionné en produits de large consommation. Lait, beurre, sucre, dattes, œufs, viande, tomates et autres épices. Tous les produits, dont la consommation double pratiquement pendant le mois de Ramadan, seront disponibles, et en quantités suffisantes. Pas de panique alors et gare à la spéculation ».
Les chiffres sont impressionnants (chiffre du ministère du Commerce marocain, octobre 2002) : Pour le sucre, un stock disponible s’élève à 171509 tonnes, la consommation du beurre d'importation augmente de 50 % pour se situer à 2100 tonnes. La production du lait est estimée à 6 millions de litres. Celle de dattes est évaluée à 33200 Tonnes et les figues sèches à 12000 t... En conclusion, l'auteur souhaite aux musulmans marocains un 'bon Ramadan' (1). Il est clair, au regard des chiffres, qu'il n'y pas de quoi paniquer.
La Tunisie et l'Algérie suivent plus ou moins cette même logique de surconsommation. De plus, ces deux pays exportent des milliers de tonnes de dattes à travers le monde, notamment en Europe. La période du ramadan est donc particulièrement florissante pour ces pays.
Certaines grandes firmes multinationales occidentales n'hésitent pas à se 'convertir' à l'islam pendant ce mois de piété pour faire du marketing. C'est le cas de Coca-cola qui diffuse des publicités 'spécial ramadan » dans certains pays musulmans.
En Europe, où la communauté musulmane est minoritaire, et notamment en France (environs 4 millions de musulmans), la consommation communautaire au cour de ce mois n’influence que marginalement l'économie nationale. Néanmoins, à l'intérieur de la communauté, les boucheries, les épiceries, les boulangeries et d’autres petits commerces alimentaires détenus par des musulmans font leurs petites affaires. Les boucheries commencent à vendre des gâteaux, les épiceries du mecca-cola, les boulangeries font des pains ronds et autres sucreries...
Il semble que le mois du ramadan consacre les excès alimentaires. Les petits commerces se frottent les mains. Il n'est donc pas surprenant que l'indice du coût de la vie (ce fameux indicateur de l'inflation) grossisse en ce mois sacré.
Mais ce paradoxe soulève de nombreuses interrogations. Pour quelles raisons le spirituel n’est il pas mis en avant ? Pourquoi constatons-nous au cour de cette période de jeûne tant d’excès ? Quelles sont ses conséquences ?
Ramadan est un mois de gaspillage
Traditionnellement, le Ramadan nous est présenté d'une manière idyllique comme un mois de combat contre soi-même ( jihad nafs), un mois de condamnation, à juste titre, de l'injustice, du mauvais comportement, de l'excès, et de tout ce qui est contradictoire avec l'éthique musulmane.
Malheureusement, la réalité diffère de cette représentation idyllique que certaines personnes nous exposent. Quoique l'on dise, le Ramadan est certes synonyme de grande piété, mais aussi de grande 'bouffe'. Quel ménage peut prétendre réduire son budget alimentaire en cette période?
En moyenne, le musulman dépense en nourriture pour ce mois bien plus que pour les autres mois de l'année. Bien sur, les conséquences sur la santé ne sont pas négligeables. Les musulmans connaissent durant ce mois , des taux de cholestérol et de diabète assez important . Le gaspillage provoque des effets économiques guère profitables. La productivité du travail baisse énormément durant ce mois. En effet, les musulmans quittent plus tôt leur poste et travaillent moins efficacement, ce qui n’est pas sans déplaire à certains dirigeants musulmans.
Un mois sous le signe de l’excès.
Ce mois est particulièrement affectionné pour conclure de bonnes affaires, et pas seulement du côté de l'alimentation. Les soirées, les concerts, les jeux, les tombolas…Tous les moyens sont bons pour attirer les consommateurs et les dirhams. Le Ramadan est connu pour être un mois où le jeûneur passe un peu plus de temps que d'habitude devant son téléviseur. Cette « loi » est d’autant vraie que le fond de l’air est frais (ce qui n'est pas encore le cas). Lorsque de nouveaux feuilletons tunisiens ou égyptiens paraissent à l’écran, les musulmans européens (notamment ceux de 1ère génération) se précipitent sur leurs fauteuils pour se délecter de leur investissement parabolique.
Les commerçants l'ont compris et s'arment en conséquence. Certains prévoient d'ouvrir le soir, après la rupture du jeûne. L'activité prospère tellement que ces commerces n'ont rien à envier aux traiteurs et autres boulangeries-pâtisseries qui proposent maints petits mets chatouillant nos palais. Les magasins de vêtements et chaussures ne se plaignent pas non plus. Leurs patrons se frottent déjà les mains en pensant à... l'Aïd.
(1) S. El Hadini « Pas de pénurie pour les produits de large consommation » (21/10/2002)