Economie

Economie : la France gagne de l’argent avec le Maghreb

Rédigé par | Lundi 9 Février 2009 à 12:08

La Convention France-Maghreb visant à promouvoir la coopération entre les acteurs économiques et sociaux des deux côtés de la Méditerranée s’est tenue vendredi 6 février à Paris pour la 8e année consécutive. L’occasion pour son président-fondateur, Mohamed Ouahdoudi, de rappeler le rôle capital des résidents maghrébins en France pour les pays de la rive sud. Avec un taux de croissance de 5 % à 6 % pour l’année 2009, le Maghreb est l’une des zones les plus « bankable » pour la France, selon les organisateurs de l’événement. Interview.



Saphirnews : Quel bilan dressez-vous des relations économiques entre la France et le Maghreb ?

Mohamed Ouahdoudi : Cette 8e édition donne le signal d’une force économique maghrébine à la fois en France et au Maghreb. Les personnes issues de l’immigration dans l’Hexagone jouent un rôle de plus en plus important dans l’investissement en France et au Maghreb. Le Maroc et la Tunisie sont les pays qui ont le plus de relations avec la France de même que l’Algérie. Les rapports franco-libyens sont épisodiques. Concernant la Mauritanie, les échanges sont encore minimes mais peuvent être très importants dans le futur. La balance commerciale française est excédentaire avec le Maghreb. Le poids du commerce entre ces deux acteurs est de 23 milliards d’euros, il est supérieur au poids des échanges France-Chine.
D’autre part, les relations inter-maghrébines bénéficient de cette Convention, puisque celle-ci permet un dialogue constructif entre les différents opérateurs économiques et de lancer des petits et moyens projets concrets, qui permettent de construire, peut-être, l’Union économique maghrébine de demain.

C’est vrai que cette Convention est très centrée sur les relations franco-maghrébines. Qu’en est-il des relations économiques inter-maghrébines ?

A ce niveau, les contacts que nous aidons à créer permettent de construire des réseaux d’affaires qui facilitent l’émergence de projets pour la région, en attendant que cette zone se structure bien sûr. Le rôle des immigrés maghrébins est très important puisque, aujourd’hui, ils investissent où qu’il soit, quel que soit le pays du Maghreb. Il n’y a plus comme avant un attachement unilatéral au pays d’origine.

Quel impact la crise économique mondiale a-t-elle eu sur la région ?

Elle est minime. Il y a un peu d’inquiétude, mais la capacité des pays du Maghreb à avoir un dynamisme interne via la demande de leur population est grande, ce qui fait que le taux de croissance restera quand même de 5 % pour l’année 2009 – avec des chiffres supérieures en fonction des secteurs –, alors qu’il est pratiquement de zéro dans d’autres régions du monde.

Comment expliquez-vous un aussi bon taux de croissance ? Quels sont les secteurs porteurs dans cette zone ?

Il a plu cette année au Maghreb, donc l’agriculture va bien. Quand ce secteur va bien, le PIB s’améliore beaucoup. Au Maroc et en Tunisie, les recettes du tourisme sont très importantes. Dans le cas de l’Algérie, le pétrole reste à un prix raisonnable, même si le prix a baissé. Elle dispose d’un matelas de devises considérable, qui permet au pays d’avoir quatre années d’importation devant lui.
Tout dépend des pays mais, globalement, les secteurs à forte main-d’œuvre sont des secteurs porteurs : les centres d’appels ; les grands travaux d’infrastructure ; l’offshoring (la délocalisation des activités de service ou de production de certaines entreprises vers des pays à bas salaire, ndlr) ; les nouvelles technologies. Dans ces trois pays du Maghreb, des comités d’analyse et de suivi de la crise ont été créés, qui permettent aujourd’hui d’anticiper les effets de cette crise.

Combien la France investit-elle au Maghreb ? Y aurait-il un pays qui bénéficie davantage de ces fonds que d’autres ?

C’est plusieurs milliards d’euros qui sont investis chaque année par la France dans différents projets. Il y a aussi les transferts d’argent des immigrés maghrébins qui sont très importants (8 milliards d’euros par an, ndlr). Mais l’investissement français au Maghreb n’est pas équitable de façon prédéterminée, il l’est en fonction des opportunités que tel ou tel pays peut lui offrir.

Hormis l’investissement financier, tous les intervenants de cette convention soulignent l’importance de l’investissement humain. Qu’en dites-vous ?

Pour avoir des entreprises viables, il faut des ressources humaines viables. C’est la ressource rare, et le Maghreb regorge de jeunesse qui est à valoriser. C’est pourquoi la France intègre de plus en plus cette jeunesse, on l’a vu un peu plus tôt (vendredi soir, ndlr) avec la remise des trophées de la diversité. Les grandes entreprises françaises mettent le paquet sur la diversité, c’est-à-dire sur une meilleure intégration des jeunes issus de l’immigration, qui permet à ces derniers de faire totalement partie de la société française.

Estimez-vous qu’il existe des freins aujourd’hui au développement économique du Maghreb ?

Je ne parlerai pas de frein. Il ne faut pas oublier non plus que ce sont encore des pays en développement, qui sont encore jeunes au niveau de leur indépendance et de leur politique économique. C’est pourquoi ils bénéficient d’une aide au développement qui est très importante. Ils apprennent petit à petit le partenariat. Il y a une formation à faire au niveau des élites politiques de ces pays.

La Libye n’a pas participé cette année. Qu’est-ce qui fait qu’elle est si peu impliquée?

La Libye est un pays particulier et nous allons entamer des démarches d’approches vers celle-ci pour l’an prochain. Il faut les informer correctement, aller vers eux et discuter, et leur expliquer les bénéfices qu’ils peuvent tirer de la Convention. Les trois bureaux France-Maghreb d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie fonctionnent bien. Un bureau à Nouakchott (en Mauritanie, ndlr) va être bientôt ouvert. D’ailleurs, le bilan de ce pays (que la Convention a accueilli pour la première fois, ndlr) est très positif, puisque la Mauritanie souhaite revenir l’an prochain avec plus d’entreprises. On va voir si l’opportunité de créer un bureau cette année en Libye se présente à nous, puisque je vais m’y rendre bientôt.

Quelles perspectives donnez-vous aux relations France-Maghreb ces prochaines années ? La France aurait-elle un sérieux concurrent au Maghreb ?

Nous sommes dans un jeu de séduction mutuelle. Il faut que les pays du Maghreb expliquent leurs projets à la France, qu’ils séduisent davantage les entreprises. C’est ainsi qu’on va réussir à maintenir un partenariat privilégié avec la France. L’Union européenne, la Chine, les États-Unis… les concurrents sont potentiellement nombreux car nous sommes dans l’ère de la mondialisation. Mais il ne faut pas oublier que la France est le premier partenaire du Maghreb. La communauté en France est très forte, donc les habitudes de consommation et de travail sont là et sont réelles.

Quel message souhaitez-vous finalement passer à l’issue de cette Convention ?

2009 correspond au 20e anniversaire de l’UMA, l’Union du Maghreb arabe. Je voudrais donc que les dirigeants de la région prennent davantage en compte le rôle de l’immigration maghrébine en France et dans le monde. Elle doit être le 6e membre (sur les 5 que constitue l’UMA, ndlr) pour rapprocher les pays entre eux. Peut-être qu’un jour verra-t-on une politique commune, de l’énergie par exemple ; mais, pour le moment, les États sont très indépendants les uns des autres. Je pense que si on intègre le rôle de la communauté maghrébine de l’étranger à l’UMA, cela ne peut être qu’une très bonne avancée pour l’organisation.


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur