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Egyptair : plus politiques que romantiques, les sombres motivations d'un pirate de l’air

Rédigé par | Vendredi 20 Mai 2016 à 15:13

Seif Eldin Moustafa s'est rendu célèbre pour avoir détourné un avion fin mars. Il était dit de lui qu'il voulait revoir son ex-femme. Son histoire avait alors fait le tour du monde et avait beaucoup amusé. Peu à peu, des révélations montrent que les motivations de l'Egyptien sont moins romantiques et plus politiques que prévu.



Des passagers et membres de l'équipage de l'avion Egyptair détourné s'étaient pris en photo avec Seif Eldin Moustafa (ici à l'image), suscitant la sidération des internautes dans le monde.
Le hasard joue de curieux tours. Alors que les causes de la disparition, jeudi 19 mai, d’un avion Egyptair reliant Le Caire à Paris sont encore floues, une autre affaire concernant la compagnie égyptienne connait un rebondissement. Le 29 mars 2016, Seif Eldin Moustafa, un Egyptien de 58 ans, détournait un vol entre Alexandrie et Le Caire en menaçant l’équipage avec une ceinture d’explosifs.

En réalité, il s’agissait simplement de housses de téléphones portables. L’avion s’était finalement posé sur le tarmac de l’aéroport de Larnaca, à Chypre. La version officielle disait alors que le pirate de l’air a voulu rejoindre son ex-femme chypriote dont il était toujours amoureux.

Marina Paraschou et Seif Eldin Moustafa en 1983.
Deux jours après, l’affaire paraissait déjà louche. Marina Paraschou révélait dans une interview au journal Phileleftheros que son ex-mari était un époux violent, un consommateur de drogues qui refusait de travailler. Le mariage a duré six ans, de 1983 à 1989, ce après quoi Seif Eldin Moustafa n’a plus donné de nouvelles à son ex-femme bien qu’il lui ait laissé quatre enfants.

Marina Paraschou réfute la version de l’amoureux transi : « Ils m'ont emmenée pour confirmer qu'il s'agissait bien de sa voix. Dire qu'ils m'y ont emmenée pour parler à Seif parce qu'il l'avait demandé dans sa lettre est un mensonge. »

Des informations qui permettent d’y voir plus clair sur les intentions de l’Egyptien ont été dévoilées cette semaine. Doros Polykarpou, de l’ONG chypriote Kisa, témoigne auprès de Libération que « la lettre de sept pages qu’il a donnée avant de se rendre n’a rien à voir avec elle. Pas un seul mot ne la concerne ! Il voulait en réalité se rendre en Italie, mais le pilote de l’avion estimait qu’il n’y avait pas assez d’essence et qu’il fallait se poser d’urgence. Son retour à Chypre, tant d’années après son divorce, est un hasard malheureux ».

Seif Eldin Moustafa a fait une demande d’asile après des autorités chypriotes. Ces dernières ont indiqué le 27 avril qu’il risquait sa vie en retournant en Egypte mais ont estimé qu’il ne pouvait pas recevoir l’asile à Chypre en raison « de son acte criminel ». Kisa a fait appel de cette décision. L’affaire du pirate de l’air pourrait avoir des ramifications à un degré nettement plus politique. Selon Libération, il serait un témoin privilégié dans l’affaire Regeni. L’étudiant italien Giulio Regeni, disparu au Caire le 25 janvier 2016, avait été retrouvé mort dix jours plus tard. L’autopsie de l’institut médico-légal de Rome révélait qu’il avait été torturé et battu à mort selon des techniques qui s’apparenteraient aux pratiques de la police égyptienne.

L’affaire Regeni est depuis source de tensions entre l’Italie et l’Egypte. Seif Eldin Moustafa, qui était détenu en prison du 3 décembre 2015 au 29 janvier 2016, affirme avoir été le voisin de cellule de Giulio Regeni. Engagé dans de multiples causes, l’Egyptien serait un opposant au régime du président Al-Sissi. « Cet homme a déjà été torturé. Il sait que, s’il est renvoyé en Egypte, il n’en réchappera pas », estime son avocat.

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