Sur le vif

Egypte : Morsi condamné à mort, des silences qui pèsent lourd

Rédigé par La Rédaction | Lundi 18 Mai 2015 à 20:00



Mohamed Morsi, premier chef d'état élu démocratiquement depuis la chute de Hosni Moubarak, a été condamné à mort samedi 16 mai. Récemment condamné à 20 ans de prison pour des violences contre des manifestants, il a cette fois été jugé a huis clos avec 100 autres Frères musulmans pour son implication dans une évasion collective d’une prison du Caire lors du soulèvement de 2011, mais aussi pour espionnage au profit du Hamas, du du Hezbollah et de l’Iran. L'ancien chef d'Etat a été présenté devant une cour spéciale composée de juges spécifiquement désignés pour ce procès.

A l'annonce du verdict, Amnesty International a déclaré que la peine de mort était devenue « l’outil de prédilection des autorités égyptiennes pour éliminer l’opposition politique » et a réclamé de l'Egypte que l’ex-président soit rejugé devant une instance civile.

Au lendemain de la destitution de Mohamed Morsi par l’armée début juillet 2013, des centaines de Frères musulmans ont également été condamnés à mort lors de procès de masse expéditifs, « sans précédent dans l’histoire récente » du monde pour l’Organisation des nations unies.

Depuis 2013, la répression n'a pas épargné la confrérie. Le parti des Frères musulmans, interdit en Egypte depuis décembre 2013, considère que « cette journée restera dans les mémoires comme l’une des plus sombres de l’histoire de l’Egypte. Ces dernières charges sont une autre tentative de faire disparaître de manière permanente la démocratie et le processus démocratique en Egypte ».

La France fait la muette pour ses Rafale

Dans le grand concert des chefs d'Etats, le président turc, Recep Tayyip Erdogan est un des seuls à avoir clairement montré son opposition à la répression menée par le président al-Sissi. Pour lui, le verdict représente « un retour à l’Egypte antique ». « Tout en abolissant chez eux la peine de mort, les Occidentaux se contentent de prendre note, sans rien faire, de l’énoncé des peines capitales en Egypte », a-t-il martelé.

En effet, la plupart des grandes nations occidentales, la France en tête, sont restées muettes face à cette condamnation à mort. Le lendemain de la sentence, les Etats-Unis se sont seulement dit « vivement préoccupés » par la nouvelle tandis que l’Union européenne a espéré que la condamnation soit « révisée » lors de la procédure en appel. L’Allemagne a saisi l'occasion de réaffirmer son opposition à la peine de mort « en toutes circonstances ». Quant aux déclarations des chefs d'Etats arabes ou musulmans, elles se font toujours attendre.

Tariq Ramadan, professeur d'islamologie à l'université Oxford, a vivement réagi face à ce silence. « Il n'y a donc personne en Occident ou dans le monde arabe qui ait la dignité de parler, de dire, de dénoncer. Vos intérêts géostratégiques et économiques ont donc à ce point raison de votre dignité d'être humain? Être contre les Frères musulmans, les islamistes ou autres ne peut justifier d'être lâche, cynique et indigne...A vomir... », a-t-il lancé sur les réseaux sociaux.

Fin mars dernier, Barack Obama a annoncé la reprise des livraisons d’armes lourdes à l’Egypte, après leurs gel en octobre 2013, à la suite de la répression sanglante contre les partisans du président Morsi. La France, quant à elle, continue de se réjouir d'avoir vendu en février ses 24 Rafale à l'armée égyptienne, signant ainsi son premier contrat d'exploitation à l'étranger.

La justice égyptienne doit rendre sa décision finale le 2 juin.