Pour l’Euro 2024, France-Portugal est une très belle affiche pour ces quarts de finale d’une compétition prestigieuse. L’aspect sportif entre en jeu autant que l’aspect humain. Historiquement, les relations entre la France et le Portugal sont essentiellement rapportées au travers du narratif imposé par les flux migratoires initiés à partir des années 1950, devenus imposants avec l’arrivée massive de travailleurs lusitaniens au cours des deux, voire trois décennies suivantes.
Sportivement, la balance commerciale apparaît comme excédentaire en faveur de l’équipe de France de football. Est-ce suffisant pour ne pas craindre une défaite pour les Bleus, déjà vaincus sur leur propre terrain par les Rouges et Verts en finale de l’Euro 2016 ?
Sportivement, la balance commerciale apparaît comme excédentaire en faveur de l’équipe de France de football. Est-ce suffisant pour ne pas craindre une défaite pour les Bleus, déjà vaincus sur leur propre terrain par les Rouges et Verts en finale de l’Euro 2016 ?
Un retour sur l'histoire
Remonter le cours des événements autour du ballon rond nous permet de retracer une montée progressive du jeu portugais au sein de la hiérarchie internationale. L’année 1984 mérite d’être définie comme un plafond de verre dépassé par ce petit pays du sud de l’Europe. Auparavant, il y avait bien eu une médaille de bronze obtenue au Mondial 1966 en Angleterre. Et, bien sûr, les épisodes glorieux du Benfica et du FC Porto.
Mais c’était bien peu pour des supporters habitués à voir briller leurs joueurs davantage avec les clubs qu’avec l’équipe nationale. Voilà pourquoi le premier Euro organisé en France en 2016 a concrétisé des progrès et une régularité acquis dès les éliminatoires pour la Coupe du monde 1982 en Espagne. Dans une poule où Rui Jordao, Minervino Pietra et les autres avaient gagné quatre matchs sur cinq à domicile. Inversement, en se montrant vulnérables, friables (défaite 1-4 contre Israël) à l’extérieur d’où ils ramenèrent seulement un incolore 0-0 produit en terre écossaise.
L’escalade commença réellement en 1983 et 1984. Après avoir barré la route à deux grosses équipes de l’époque, à savoir la Pologne troisième du Mondial 1982 et l’impressionnante Union Soviétique, les lusophones parvinrent en demi-finale de la compétition officielle où ils confirmèrent les exploits de la phase qualificative en faisant trembler la France de Platini. Une courte défaite (2-3), mais une sortie avec les honneurs pour la vedette Fernando Chalana et ses compagnons.
Vint ensuite la participation à la Coupe du monde 1986 au Mexique. Puis presque rien. Quelques apparitions intermittentes plus ou moins heureuses. Jusqu’à l’année 2006 et la quatrième place au Mondial en Allemagne, trois jours après avoir été éliminé en demi-finale par... la France de Zidane. Dix ans plus tard, le Portugal est devenu champion d’Europe pour la première fois de son histoire en battant la France en finale, chez elle, sur le score d’un but à zéro.
Le bilan entre les deux équipes nationales est plus favorable aux Français qu’aux Portugais avec 19 victoires à 6, pour seulement deux matchs nuls. Le match nul étant à proscrire pour ce contexte de 2024 puisqu’il ne s’agit pas d’un match de poule.
Mais c’était bien peu pour des supporters habitués à voir briller leurs joueurs davantage avec les clubs qu’avec l’équipe nationale. Voilà pourquoi le premier Euro organisé en France en 2016 a concrétisé des progrès et une régularité acquis dès les éliminatoires pour la Coupe du monde 1982 en Espagne. Dans une poule où Rui Jordao, Minervino Pietra et les autres avaient gagné quatre matchs sur cinq à domicile. Inversement, en se montrant vulnérables, friables (défaite 1-4 contre Israël) à l’extérieur d’où ils ramenèrent seulement un incolore 0-0 produit en terre écossaise.
L’escalade commença réellement en 1983 et 1984. Après avoir barré la route à deux grosses équipes de l’époque, à savoir la Pologne troisième du Mondial 1982 et l’impressionnante Union Soviétique, les lusophones parvinrent en demi-finale de la compétition officielle où ils confirmèrent les exploits de la phase qualificative en faisant trembler la France de Platini. Une courte défaite (2-3), mais une sortie avec les honneurs pour la vedette Fernando Chalana et ses compagnons.
Vint ensuite la participation à la Coupe du monde 1986 au Mexique. Puis presque rien. Quelques apparitions intermittentes plus ou moins heureuses. Jusqu’à l’année 2006 et la quatrième place au Mondial en Allemagne, trois jours après avoir été éliminé en demi-finale par... la France de Zidane. Dix ans plus tard, le Portugal est devenu champion d’Europe pour la première fois de son histoire en battant la France en finale, chez elle, sur le score d’un but à zéro.
Le bilan entre les deux équipes nationales est plus favorable aux Français qu’aux Portugais avec 19 victoires à 6, pour seulement deux matchs nuls. Le match nul étant à proscrire pour ce contexte de 2024 puisqu’il ne s’agit pas d’un match de poule.
Une puissance émergente défie une puissance confirmée
Comme il y a 18 ans de cela en Allemagne, les Portugais devront se mesurer à l’ogre français dans un gros match à élimination directe. Un duel se profile pour vendredi soir entre une puissance émergente du football et une puissance confirmée.
La France est une grande référence en la matière. Deux Coupes du monde gagnées, deux championnats d’Europe, une Coupe intercontinentale, une Ligue des nations. Bien qu’ayant pratiqué un style de jeu variable selon les époques (l’équipe de France des « Romantiques » ne correspondrait qu’à celle emmenée par Platini et Giresse de 1976 à 1986) et se retrouvant tantôt encensée (en 1998) tantôt critiquée (en 2018 et en 2022), la bande à Antoine Griezmann, Kylian Mbappé et Didier Deschamps jouit d’un certain prestige. Ils ont éliminé la redoutée Belgique en huitièmes de finale, sans grand panache à certains moments. Mais avec maîtrise quand même, malgré les dires de certains journalistes sportifs.
En face d’eux, les joueurs venus de la Péninsule ibérique se sont qualifiés héroïquement par l’entremise d’un exceptionnel Diogo Costa, leur gardien de but arrêtant les tirs aux buts les uns après les autres.
Les deux nations alignent des sportifs de haut niveau au talent certain : Cristiano Ronaldo est incontestablement le personnage le plus en vue. Comme Kylian Mbappé. Mais Bernardo Silva peut disputer aisément la vedette à Antoine Griezmann (de père français et de mère portugaise !). Si l’équipe de France fait preuve d’un peu plus de puissance, le Portugal témoigne de plus de cohésion. Si on devait imaginer un score à l’issue de ce match, penser que la France puisse gagner sur trois buts d’écart ne relève pas de l’inconscience. Tout comme le Portugal a les moyens de marquer sur deux coups-francs consécutivement. Mais les deux équipes ont eu quelques phases de doute. A la différence que les Français peuvent gagner même quand ils sont mauvais.
En revanche, si l’on devait assister à des prolongations, le Portugal présente plus de garanties pour vaincre, que ce soit dans le temps additionnel ou bien lors d’une séance de tirs aux buts, Marc Maignant étant moins « extraordinaire » que Diogo Costa. Par ailleurs, tenter d’empêcher de marquer CR7 ne résoudrait pas pour autant le problème ; on l’a vu contre les Turcs où l’ancien « Galactique » a délivré une passe décisive pour Bruno Mendes. Un scénario pouvant se reproduire. A moins que Ramos, inscrit au PSG, ne marque pour saluer son pays de résidence professionnelle.
La France est une grande référence en la matière. Deux Coupes du monde gagnées, deux championnats d’Europe, une Coupe intercontinentale, une Ligue des nations. Bien qu’ayant pratiqué un style de jeu variable selon les époques (l’équipe de France des « Romantiques » ne correspondrait qu’à celle emmenée par Platini et Giresse de 1976 à 1986) et se retrouvant tantôt encensée (en 1998) tantôt critiquée (en 2018 et en 2022), la bande à Antoine Griezmann, Kylian Mbappé et Didier Deschamps jouit d’un certain prestige. Ils ont éliminé la redoutée Belgique en huitièmes de finale, sans grand panache à certains moments. Mais avec maîtrise quand même, malgré les dires de certains journalistes sportifs.
En face d’eux, les joueurs venus de la Péninsule ibérique se sont qualifiés héroïquement par l’entremise d’un exceptionnel Diogo Costa, leur gardien de but arrêtant les tirs aux buts les uns après les autres.
Les deux nations alignent des sportifs de haut niveau au talent certain : Cristiano Ronaldo est incontestablement le personnage le plus en vue. Comme Kylian Mbappé. Mais Bernardo Silva peut disputer aisément la vedette à Antoine Griezmann (de père français et de mère portugaise !). Si l’équipe de France fait preuve d’un peu plus de puissance, le Portugal témoigne de plus de cohésion. Si on devait imaginer un score à l’issue de ce match, penser que la France puisse gagner sur trois buts d’écart ne relève pas de l’inconscience. Tout comme le Portugal a les moyens de marquer sur deux coups-francs consécutivement. Mais les deux équipes ont eu quelques phases de doute. A la différence que les Français peuvent gagner même quand ils sont mauvais.
En revanche, si l’on devait assister à des prolongations, le Portugal présente plus de garanties pour vaincre, que ce soit dans le temps additionnel ou bien lors d’une séance de tirs aux buts, Marc Maignant étant moins « extraordinaire » que Diogo Costa. Par ailleurs, tenter d’empêcher de marquer CR7 ne résoudrait pas pour autant le problème ; on l’a vu contre les Turcs où l’ancien « Galactique » a délivré une passe décisive pour Bruno Mendes. Un scénario pouvant se reproduire. A moins que Ramos, inscrit au PSG, ne marque pour saluer son pays de résidence professionnelle.
« L’action rapporte toujours plus que la propagande »
Oui, bien des éléments externes conditionnent ce match. Les deux pays concernés ne partagent aucune frontière en commun. Pourtant, un relationnel bien particulier, un peu inégal, caractérise cette bilatéralité.
Ce match, tout le monde l’attend, aussi bien en Allemagne où il va se dérouler, qu’ailleurs en Europe tant l’affiche fait rêver. Les gens l’attendent avec plus d’impatience encore en France et au Portugal. Il est tout à fait logique qu’il suscite une grande excitation du côté de la côte Atlantique sud de l’Europe. Par contre, les attentes suscitées en France obéissent à un triple conditionnement :
- Le sport en lui-même constitue le premier des encouragements à suivre ce duel. Une revanche sur l’Euro 2016 est l’option envisagée par les Bleus au maillot frappé du coq.
- Les hommes dirigés par Roberto Martinez voudraient gagner un deuxième titre et se doivent de poursuivre l’aventure jusqu’au bout pour se positionner à égalité avec les hommes de Didier Deschamps, et ça, la diaspora portugaise, très nombreuse sur le territoire français, en fait un point d’honneur.
- Transversalement, il faut prendre conscience que la communauté portugaise de France veut surmonter un complexe d’infériorité provoqué par toutes ces années où ses ressortissants ont été jugés avec une certaine commisération. Le Portugais a souvent été perçu comme plus discret que l’Espagnol, aussi travailleur que l’Italien tout en étant moins « magouilleur », et sans doute en position de redevable après les fuites de la dictature de Salazar. Moins considéré et moins craint que les deux autres catégories d’immigrés originaires d’Europe du Sud, le Portugais standard est jugé latin mais plus « atlantique », plus docile aussi. Plus « malléable ». Affaire de préjugés.
Tout ceci va motiver bien du monde, sur le terrain et dans les tribunes. « L’action rapporte toujours plus que la propagande », se plaisait à écrire l’écrivain lisboète Fernando Pessoa.
Que le meilleur gagne ! C’est l’évidence à formuler pour respecter au maximum l’esprit sportif. 2006 avait ravivé des tensions presque enfouies autour des gens d’origine italienne, conséquemment aux polémiques nées à partir de la finale de Coupe du monde jouée à Berlin et qui avait vu la victoire de la Squadra azzurra après la séance de tirs aux buts. Dans le contexte actuel socio-politique, souhaitons que de tels comportements ne se reproduisent pas. En effet, le racisme entre Européens existe aussi, c’est pourquoi il peut ou non se manifester de nouveau. Cette fois l’événement aura lieu à Hambourg. Encourageant pour les Portugais descendants de navigateurs hors pair ?
Curieusement, il existe un proverbe portugais qui dit : « La France est le cœur du monde. » CR7 et ses coéquipiers vont-ils réussir à conquérir le monde ?
Mise à jour de la rédaction vendredi 5 juillet : La France a fini par battre le Portugal au bout de la prolongation, après une séance de tirs aux buts.
*****
Gianguglielmo Lozato est professeur d'italien et auteur de recherches universitaires sur le football italien en tant que phénomène de société. Il est auteur de l'essai Free Uyghur (Editions Saint-Honoré, mai 2021).
Du même auteur :
Après Monaco et le PSG, l'avenir prometteur de Kylian Mbappé au Real Madrid
Euro 2024 : après le Qatar, quel avenir pour l’équipe de France de football ?
Pelé, hommage à un éternel champion : se montrer digne de son héritage
Don Diego Maradona et le royaume de Naples
Ce match, tout le monde l’attend, aussi bien en Allemagne où il va se dérouler, qu’ailleurs en Europe tant l’affiche fait rêver. Les gens l’attendent avec plus d’impatience encore en France et au Portugal. Il est tout à fait logique qu’il suscite une grande excitation du côté de la côte Atlantique sud de l’Europe. Par contre, les attentes suscitées en France obéissent à un triple conditionnement :
- Le sport en lui-même constitue le premier des encouragements à suivre ce duel. Une revanche sur l’Euro 2016 est l’option envisagée par les Bleus au maillot frappé du coq.
- Les hommes dirigés par Roberto Martinez voudraient gagner un deuxième titre et se doivent de poursuivre l’aventure jusqu’au bout pour se positionner à égalité avec les hommes de Didier Deschamps, et ça, la diaspora portugaise, très nombreuse sur le territoire français, en fait un point d’honneur.
- Transversalement, il faut prendre conscience que la communauté portugaise de France veut surmonter un complexe d’infériorité provoqué par toutes ces années où ses ressortissants ont été jugés avec une certaine commisération. Le Portugais a souvent été perçu comme plus discret que l’Espagnol, aussi travailleur que l’Italien tout en étant moins « magouilleur », et sans doute en position de redevable après les fuites de la dictature de Salazar. Moins considéré et moins craint que les deux autres catégories d’immigrés originaires d’Europe du Sud, le Portugais standard est jugé latin mais plus « atlantique », plus docile aussi. Plus « malléable ». Affaire de préjugés.
Tout ceci va motiver bien du monde, sur le terrain et dans les tribunes. « L’action rapporte toujours plus que la propagande », se plaisait à écrire l’écrivain lisboète Fernando Pessoa.
Que le meilleur gagne ! C’est l’évidence à formuler pour respecter au maximum l’esprit sportif. 2006 avait ravivé des tensions presque enfouies autour des gens d’origine italienne, conséquemment aux polémiques nées à partir de la finale de Coupe du monde jouée à Berlin et qui avait vu la victoire de la Squadra azzurra après la séance de tirs aux buts. Dans le contexte actuel socio-politique, souhaitons que de tels comportements ne se reproduisent pas. En effet, le racisme entre Européens existe aussi, c’est pourquoi il peut ou non se manifester de nouveau. Cette fois l’événement aura lieu à Hambourg. Encourageant pour les Portugais descendants de navigateurs hors pair ?
Curieusement, il existe un proverbe portugais qui dit : « La France est le cœur du monde. » CR7 et ses coéquipiers vont-ils réussir à conquérir le monde ?
Mise à jour de la rédaction vendredi 5 juillet : La France a fini par battre le Portugal au bout de la prolongation, après une séance de tirs aux buts.
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Gianguglielmo Lozato est professeur d'italien et auteur de recherches universitaires sur le football italien en tant que phénomène de société. Il est auteur de l'essai Free Uyghur (Editions Saint-Honoré, mai 2021).
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