Points de vue

Faluja abandonné à son sort

Rédigé par Renet Jean claude | Jeudi 30 Décembre 2004 à 00:00

La plupart des médias occidentaux semblent déjà oublier Faluja. Absorbés par le décompte macabre des attaques meurtrières dont sont l'objet les forces US et les forces de sécurité Irakiennes dans le reste de l'Irak. Pourtant les combats continuent toujours dans cette ville. Mais aucun journaliste occidental n'ose s'y aventurer. Alors on ne parle plus de Faluja.



La plupart des médias occidentaux semblent  déjà oublier Faluja. Absorbés par le décompte macabre des attaques meurtrières dont sont l'objet les forces US et les forces de sécurité Irakiennes dans le reste de l'Irak. Pourtant les combats continuent toujours dans cette ville. Mais aucun journaliste occidental n'ose s'y aventurer. Alors on ne parle plus de Faluja.

 

La plupart des faluji ont quitté la ville en abandonnant tout ce qu'ils possédaient. Les forces américaines qui la cernent en interdisent tout accès aux quartiers où se déroulent les combats. Des réfugiés de Faluja se sont donc installés à la périphérie de Bagdad. Abandonnés, oubliés par le gouvernement intérimaire de Mr Iyad Alawi qui n'a débloqué aucune aide en leur faveur. Ignorés par les forces de la «cohalition» qui ne sont pas venues en Irak pour s'occuper de réfugiés, ils attendent donc patiemment la fin des combats en espérant un jour pouvoir  retrouver leurs biens.

 

Des F-16 et des chars Abrams contre les mosquées

 

Les tentes couleur beiges sont plantées en cercle autour de la mosquée Mustapha, ultime refuge pour ces habitants de Faluja. Ils ont quitté leur ville en raison de la violence de l'offensive américaine contre le bastion de la résistance sunnite.  Leurs occupants déambulent au sein du périmètre qui leur est accordé sur le campus de l'Université Nahrein, anciennement Université Saddam Hussein, à Bagdad. Les femmes, pour la plupart recouvertes de la baya - l’ample vêtement noir qui les recouvre entièrement à l exception d'un mince espace pour les yeux - s'affairent, tandis que les hommes sont à la prière dirigée par cheikh Hassan. C'est lui qui est en charge de ces 450 réfugiés qui, d'une certaine manière, ont reproduit le modèle des premiers temps de l Islam lorsque le Calife, homme de religion, assurait également la destinée temporelle de la communauté des croyants.

 

Les premiers réfugiés sont arrivés il y a près d'un mois. Les autres ont suivi au fur et à mesure de l'avancée des forces américano-iraquiennes qui noient sous un déluge d'acier la « ville des mosquées ». De fait, tous les témoignages concordent pour dénoncer la violence des combats destinés à briser la rébellion sunnite. Peu d'habitations ont été épargnées par les bombardements des F-16 appuyant la puissance des chars Abrams. Les mosquées (la ville de Faluja en comptait environ 120 pour 300 000 habitants) sont des objectifs privilégiés de la « force multinationale » pour reprendre la terminologie officielle. Elles sont accusées de servir à la fois d'entrepôts de stockage des armes et des munitions et  de places fortes d'où, grâce à leur minaret, les insurgés prennent pour cibles les militaires.

 

L’hôpital de Faluja est bombardé

 

Même hôpital de Faluja a fait l'objet d'un raid de l'aviation américaine: « Omar Hadid était venu se faire soigner, explique Mohammed un père de famille âgé d'environ 45 ans et portant la traditionnelle dishdasha, et des espions ont prévenu les américains qui ont envoyé des avions bombarder l'hôpital. Mais un de nos espions nous a prévenu, alors Omar a pu s'échapper à temps ». Les faluji sont intarissables sur le chef charismatique des moudjahidin. Cet ancien officier de Saddam Hussein, salafiste convaincu, a été contraint de quitter l'armée il y a une dizaine d'années. Après un séjour dans  « un autre pays », il est revenu à Faluja au moment de la chute du régime. Là, son expertise militaire et son  zèle religieux l'ont conduit à prendre la direction d'un groupe armé dont les effectifs sont estimés entre 2 et 3 000 combattants. Blessé au bras il n'en continue pas moins de combattre dans la ville martyre à la tête de ses hommes.

 

L’arrivée de nouveaux réfugiés (une trentaine est arrivée la veille) est l'occasion d'avoir des nouvelles récentes. On essaye de savoir ce qu’est devenue sa maison abandonnée, pour certains, depuis plusieurs semaines. On raconte que près de 400 combattants sont arrivés en renfort et prennent à revers les forces coalisées. On rapporte l'usage d'armes chimiques par les américains provoquant des  « bubons bleus ».

 

Les liens avec l'extérieur sont rares. Car il est interdit de sortir du camp gardé par un imposant et dissuasif vigile. Les seuls contacts  sont   les cheikhs sunnites de la capitale qui subviennent aux besoins des réfugiés. Les étudiants s'efforcent également de soulager le quotidien de ceux qui ont tout laissé et tout perdu dans leur ville natale. Une ambulance du croissant-rouge est toutefois présente dans l'enceinte du camp mais tous sont unanimes pour souligner l'absence totale d'aide du gouvernement d'Iyad Alawi.

 

5 000 Réfugiés, abandonnés de tous

 

Le gouvernement intérimaire irakien, mis en place par les américains, n'a  débloqué  aucune aide en faveur des réfugiés de Faluja. Les organisations internationales tels le Haut Commissariat aux Réfugiés n'ont toujours pas réagi à ce jour. La plupart des ONG étrangères ont dû quitter le pays en raison de la dégradation des conditions de sécurité. L'aide aux réfugiés a donc été prise en main par les autorités religieuses sunnites. Les différentes mosquées de ce quartier de Bagdad se sont  réparties l'aide à apporter aux quelques  5000 réfugiés présents dans le district.

Le Cheikh Zohair Al Gilani est à l'origine de la création de l'organisation «Bilal Mahain Al Nahrain»* (les régions de la Mésopotamie) qui apporte un soutient régulier aux réfugiés de Faluja  installés dans le secteur de la mosquée « Ibrahim Al Khalil» dont il est responsable.

 

Entre 100 et 200 réfugiés se rassemblent ainsi trois jours par semaine, à la mosquée pour bénéficier de l'aide alimentaire procurée par l'organisation du Cheikh. Malheureusement, les moyens font défaut et seulement la moitié des besoins dans ce domaine sont satisfaits.

L'organisation du Cheikh Al Gilani a également ouvert un centre médical au sein de la mosquée. Ce centre a déjà accueilli  environ 200 patients grâce aux soins fournis par deux médecins volontaires. Le Dr MySan Abdallah Fadal, elle-même originaire de Faluja, explique les conditions de vie difficiles des réfugiés. Les carences alimentaires et les températures très froides de la saison entraînent de nombreux problèmes de santé (troubles respiratoires, gastriques, infections virales, complications pré et post-natales) Les médicaments, surtout ceux concernant les pathologies spécifiques sont en nombre insuffisants.

 

Quant à leur avenir, ces réfugiés s'en remettent à la volonté d'Allah. Comme tous  les habitants de Faluja, ils sont profondément religieux et attendent avec fatalisme de pouvoir regagner leur maison avec leur famille. Une chose est certaine ils n'iront pas voter aux prochaines élections accusées de n'être destinées qu'à servir les intérêts de l'occupant et des  « collaborateurs ». Le processus de réconciliation nationale que le gouvernement irakien appelle de ses vœux risque bien de n'être qu'un projet mort-né faute d'avoir su y associer une communauté qui voit dans les événements qu'elle subit aujourd’hui la préfiguration des menaces de demain.

Pour venir en aide à l’ONG  «Bilal Mahain Al Nahrain» contacter le Cheik Zohair Al Gilani : Al-shekh2001@Yahoo.com  ou à  Al-shekh2001@hotmail.com