Cadres en entreprise, enseignantes, élues municipales, membres de conseils régionaux du culte musulman, responsables associatives, aumôniers, journalistes et sociologues, elles sont une quinzaine de femmes à avoir répondu à l’invitation du Conseil français du culte musulman (CFCM) pour participer à un groupe de travail « Femmes », amené à se réunir tous les deux mois et à proposer des actions concrètes en divers domaines touchant à l’islam de France.
« Monsieur le Président, on ne sait pas ce qu’est le CFCM, combien vous êtes, combien d’argent vous avez, comment vous fonctionnez. Nous sommes en colère. Nos enfants se font éclater, d’autres consomment de la drogue. À une jeune fille en troisième année de médecine, on lui dit qu’elle doit porter le foulard et que son rôle est de garder les gosses. À une autre, qui, elle, porte le foulard et a de réelles compétences, on la refoule à la porte de l’entreprise pour cause de laïcité. Mais où va-t-on ? », interpelle Nora, ancienne chef d’entreprise, une des participantes à la première réunion du groupe de travail « Femmes », mis en place par le Conseil français du culte musulman (CFCM), samedi 16 janvier.
Anouar Kbibech l’avait promis dans son programme 2015-2017 en prenant la présidence du CFCM : créer des groupes de travail « jeunes » et « femmes » et il ne s’attendait peut-être pas à la salve de critiques qui allait pleuvoir en ouvrant ainsi ces espaces de dialogue.
Anouar Kbibech l’avait promis dans son programme 2015-2017 en prenant la présidence du CFCM : créer des groupes de travail « jeunes » et « femmes » et il ne s’attendait peut-être pas à la salve de critiques qui allait pleuvoir en ouvrant ainsi ces espaces de dialogue.
Un signal fort contre la suprématie masculine
« On a volontairement voulu une première réunion ouverte, sans ordre du jour établi, plaide le président du CFCM, mais les prochaines réunions auront des thèmes à traiter très précis. » « L’objectif du groupe “Femmes” est d’envoyer un signal fort pour montrer que le CFCM se préoccupe de la participation des femmes dans la gestion du culte et dans l’animation de la vie de la communauté musulmane de France », annonce-t-il. Une présence féminine jusque-là inexistante au sein du CFCM après les démissions remarquées, en 2002, de Betoule Fekkar-Lambiotte, ancienne inspectrice de l’Education nationale, et, en 2005, de Dounia Bouzar, anthropologue.
Et la suprématie masculine au sein de l’instance ne risque pas de changer de sitôt : d’une part, les membres du CFCM sont élus dans le cadre d’un système pyramidal reposant sur le critère de superficie des mosquées, dont la direction et la gestion sont partout phagocytées par la gent masculine ; d’autre part, les nouveaux statuts du CFCM prévoit une présidence tournante de deux ans entre les grandes fédérations jusqu’en 2019. Les mêmes (hommes) seront donc aux manettes pour encore longtemps.
Anouar Kbibech se veut pourtant optimiste : « Une réunion dédiée 100 % aux femmes est historique pour le CFCM. Il faut procéder par étapes et qu’ensemble on réfléchisse. Peut-être introduire des quotas dans les conseils d’administration des associations cultuelles. Peut-être mettre en place des groupes de travail similaires avec des femmes et des jeunes au sein des conseils régionaux du culte musulman (CRCM)… »
« L’idée du groupe de travail “Femmes” est d’avoir un panel représentatif : le CFCM a spontanément pensé à des personnalités, mais nous avons aussi demandé à chaque fédération de nous proposer deux ou trois noms pour que l’ensemble des sensibilités soit représenté », explique Anouar Kbibech.
Sur la vingtaine de femmes sollicitées aux deux réunions qui se sont jusqu’à présent tenues (le 16 janvier et le 5 mars 2016), une petite quinzaine a répondu à chaque fois présente : des femmes engagées dans la gestion de la mosquée ou enseignant dans des lieux de culte (Nancy, Annemasse, Courbevoie…), des femmes cadres dans la banque, l’assurance, des journalistes, des sociologues, des entrepreneures, des femmes aumôniers, des responsables associatives dans des mouvements de jeunesse (Coexister, Scouts musulmans de France), dans l’interreligieux (Groupe d’amitié islamo-chrétienne), mais aussi des membres de CRCM (Île-de-France-Centre, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Champagne-Ardenne) et des élues de la République.
Et la suprématie masculine au sein de l’instance ne risque pas de changer de sitôt : d’une part, les membres du CFCM sont élus dans le cadre d’un système pyramidal reposant sur le critère de superficie des mosquées, dont la direction et la gestion sont partout phagocytées par la gent masculine ; d’autre part, les nouveaux statuts du CFCM prévoit une présidence tournante de deux ans entre les grandes fédérations jusqu’en 2019. Les mêmes (hommes) seront donc aux manettes pour encore longtemps.
Anouar Kbibech se veut pourtant optimiste : « Une réunion dédiée 100 % aux femmes est historique pour le CFCM. Il faut procéder par étapes et qu’ensemble on réfléchisse. Peut-être introduire des quotas dans les conseils d’administration des associations cultuelles. Peut-être mettre en place des groupes de travail similaires avec des femmes et des jeunes au sein des conseils régionaux du culte musulman (CRCM)… »
« L’idée du groupe de travail “Femmes” est d’avoir un panel représentatif : le CFCM a spontanément pensé à des personnalités, mais nous avons aussi demandé à chaque fédération de nous proposer deux ou trois noms pour que l’ensemble des sensibilités soit représenté », explique Anouar Kbibech.
Sur la vingtaine de femmes sollicitées aux deux réunions qui se sont jusqu’à présent tenues (le 16 janvier et le 5 mars 2016), une petite quinzaine a répondu à chaque fois présente : des femmes engagées dans la gestion de la mosquée ou enseignant dans des lieux de culte (Nancy, Annemasse, Courbevoie…), des femmes cadres dans la banque, l’assurance, des journalistes, des sociologues, des entrepreneures, des femmes aumôniers, des responsables associatives dans des mouvements de jeunesse (Coexister, Scouts musulmans de France), dans l’interreligieux (Groupe d’amitié islamo-chrétienne), mais aussi des membres de CRCM (Île-de-France-Centre, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Champagne-Ardenne) et des élues de la République.
Place des femmes dans les mosquées et éducation de tous
Le tour de table des griefs adressés en plein visage au CFCM – où l’on se rend compte que l’instance souffre d’un déficit d’image abyssal – a ainsi vite fait place à la situation plus globale des musulmans de France, la diversité des profils permettant de balayer un grand nombre de problématiques.
« Dans beaucoup d’associations cultuelles, il n’y a pas de démocratie, aucun rapport d’activité n’est envoyé à la préfecture », s’indigne Khadija, élue municipale chargée des cultes. « Il faut que le CFCM s’implique pour ouvrir une réflexion sur la place des femmes dans les mosquées et normaliser leur rôle dans les associations. » « Il faut aider à faire progresser le droit des musulmans en France. Par exemple, les femmes voilées ne peuvent pas travailler en entreprise alors que c’est possible dans d’autres pays européens », dénonce Fatou, cadre dans le secteur de la banque. « Or le terreau de la radicalisation se trouve dans la frustration », prévient-elle.
« L’éducation des enfants dépend beaucoup des femmes. Mais il y a encore de l’analphabétisme et de l’illettrisme, mais aussi des manques pour que les mères soient aussi des éducatrices spirituelles », constate Mayemouna, enseignante d’anglais. « Il y a des garçons qui considèrent que leur père et leur mère ne sont pas sur le même pied d’égalité et qui, dans les collèges, ne respectent pas leurs professeures féminins. Que faut-il faire pour que les mères n’aient pas ces problèmes avec leurs garçons ? »
« La difficulté se trouve dans la diversité des pratiques des musulmans de France. C’est important d’avoir une trame référentielle pour les musulmans », indique Soumia, responsable de la section Femmes d’une mosquée. « L’interprétation des textes, c’est cela notre problème, le Coran n’est pas un catalogue de La Redoute où l’on puiserait ce qu’on voudrait, il faut des années d’études pour éviter les déviances et les amalgames. Pourquoi n’y a-t-il pas un conseil théologique ? », interroge Nora. « La femme est la première éducatrice, la première école. Je demande au CFCM d’organiser des colloques et des séminaires de formation pour les femmes », suggère Nezha, professeure de langue arabe et d’éducation religieuse. « Car la mauvaise compréhension de l’islam fait des dégâts. »
« Dans beaucoup d’associations cultuelles, il n’y a pas de démocratie, aucun rapport d’activité n’est envoyé à la préfecture », s’indigne Khadija, élue municipale chargée des cultes. « Il faut que le CFCM s’implique pour ouvrir une réflexion sur la place des femmes dans les mosquées et normaliser leur rôle dans les associations. » « Il faut aider à faire progresser le droit des musulmans en France. Par exemple, les femmes voilées ne peuvent pas travailler en entreprise alors que c’est possible dans d’autres pays européens », dénonce Fatou, cadre dans le secteur de la banque. « Or le terreau de la radicalisation se trouve dans la frustration », prévient-elle.
« L’éducation des enfants dépend beaucoup des femmes. Mais il y a encore de l’analphabétisme et de l’illettrisme, mais aussi des manques pour que les mères soient aussi des éducatrices spirituelles », constate Mayemouna, enseignante d’anglais. « Il y a des garçons qui considèrent que leur père et leur mère ne sont pas sur le même pied d’égalité et qui, dans les collèges, ne respectent pas leurs professeures féminins. Que faut-il faire pour que les mères n’aient pas ces problèmes avec leurs garçons ? »
« La difficulté se trouve dans la diversité des pratiques des musulmans de France. C’est important d’avoir une trame référentielle pour les musulmans », indique Soumia, responsable de la section Femmes d’une mosquée. « L’interprétation des textes, c’est cela notre problème, le Coran n’est pas un catalogue de La Redoute où l’on puiserait ce qu’on voudrait, il faut des années d’études pour éviter les déviances et les amalgames. Pourquoi n’y a-t-il pas un conseil théologique ? », interroge Nora. « La femme est la première éducatrice, la première école. Je demande au CFCM d’organiser des colloques et des séminaires de formation pour les femmes », suggère Nezha, professeure de langue arabe et d’éducation religieuse. « Car la mauvaise compréhension de l’islam fait des dégâts. »
À nous de parler dans les médias
Peu à peu, les échanges virent sur l’image désastreuse des musulmans dans les médias. « On est BFMisé, I-Télévisé avec trop de pseudo-imams à la télé », poursuit Khadija. « Il faut que la prise de parole soit intergénérationnelle, avec des visages féminins et des jeunes. » À tel point que le groupe de travail convient d’en faire le thème de sa deuxième réunion le 5 mars.
Le 5 mars 2016, le groupe « Femmes », réuni à l’initiative du CFCM, a débattu de l’image des musulmans dans les médias et préconisé quelques pistes d’actions pour accorder une plus large place des femmes dans l’espace médiatique.
Là, les paroles fusent. « C’est à nous de nous exprimer dans les médias. On dit que la femme en islam est soumise, mais la réalité est tout autre », s’exclame Samira, cadre dans l’assurance. « Regardez, il y a des forces réelles : nous sommes chefs d’entreprise, élues, responsables associatives, même les femmes au foyer sont impliquées dans la société civile », dit-elle en embrassant du regard les autres participantes.
« Il faut rendre aussi hommage à toutes ces femmes courage qui font la vie des mosquées, qui préparent des centaines de repas pendant le Ramadan et font des quêtes pour le rapatriement des corps », rappelle Fatima, juriste et ancienne élue régionale. « Attention à ne pas tomber dans les écueils qu’on attend de nous, à éviter les pièges des interviews biaisés et à toujours représenter la diversité », souligne Radia, présidente associative. « Il faut être initiatrices et anticiper les questions de société, pas seulement être réactionnaires et réagir aux faits d’actualité », complète Hanen, également présidente d’association.
Pour que les femmes musulmanes ne soient pas des éternelles invisibles dans l’espace médiatique (et par-delà dans l’espace associatif, cultuel et politique…), des propositions sont faites au CFCM : élaboration d’une base de données recensant des femmes qui seraient prêtes à prendre la parole dans les médias, constitution d’un groupe de travail sur la communication, média training. En attendant, les participantes planchent sur la rédaction d’une déclaration solennelle à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, histoire de marquer le coup.
« Il faut rendre aussi hommage à toutes ces femmes courage qui font la vie des mosquées, qui préparent des centaines de repas pendant le Ramadan et font des quêtes pour le rapatriement des corps », rappelle Fatima, juriste et ancienne élue régionale. « Attention à ne pas tomber dans les écueils qu’on attend de nous, à éviter les pièges des interviews biaisés et à toujours représenter la diversité », souligne Radia, présidente associative. « Il faut être initiatrices et anticiper les questions de société, pas seulement être réactionnaires et réagir aux faits d’actualité », complète Hanen, également présidente d’association.
Pour que les femmes musulmanes ne soient pas des éternelles invisibles dans l’espace médiatique (et par-delà dans l’espace associatif, cultuel et politique…), des propositions sont faites au CFCM : élaboration d’une base de données recensant des femmes qui seraient prêtes à prendre la parole dans les médias, constitution d’un groupe de travail sur la communication, média training. En attendant, les participantes planchent sur la rédaction d’une déclaration solennelle à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, histoire de marquer le coup.
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