Djazaïr 2003, c’est l’année de l’Algérie en France, mais c’est aussi le temps des retrouvailles. Le voyage de Jacques Chirac est sans aucun doute un moment historique entre ces pays des deux rives de la méditerranée. Plus de quarante années ont dû s’écouler avant qu’une visite d’Etat d’un président de la république française ait lieu sur le sol algérien. Grâce à sa détermination contre la guerre en Iraq, le chef de l’État français dispose d’un capital sympathie dans le monde arabe sans précédent. Alger reste néanmoins la clef pour que la France se dote d’une véritable politique arabe. Fidèle héritier du gaullisme, Jacques Chirac sait la leçon.
Nul n’est censé ignorer qu’entre l’Algérie et la France ce sont d’importantes relations qui lient ces deux pays à cause des cent trente années de colonisation. Le rapport à cette séquence d’histoire que chacun des États entretient est rendu compliqué par le traumatisme que représente la guerre d’Algérie. Il est surprenant de constater que plus de 40 années après, n’existent en France, ni lieu de mémoire, ni temps officiel pour commémorer la guerre d’Algérie. Jacques Chirac n’a même pas daigné prononcer le mot « colonisation » devant ses hôtes algériens pour évoquer la présence française. La « paix des braves » ne peut dispenser le travail de mémoire que doit entreprendre la France. L’Algérie aussi doit également réviser son histoire. Le travail d’héroïsation du FLN a produit une mémoire officielle qui a effacé toute la complexité de cette période de décolonisation. Si la France et l’Algérie ont su tirer profit de l’amnésie, elles ne pourront pas faire l’économie de regarder le rétroviseur pour se diriger ensemble vers l’avenir.
L’Algérie doit aussi affronter ses propres démons. La sale guerre qui ne dit pas son nom a causé en une décennie près de 200 000 morts et 10 000 disparus. L’attente des Algériens envers Jacques Chirac, criant dans la rue « Chi-rac ! des vi-sas ! » est démesurée. Elle montre l’impotence du pouvoir algérien, incapable de satisfaire la dignité de la jeunesse algérienne. A défaut de trouver un travail et un logement, le départ vers la France nourrit les espérances de ces innombrables candidats à l’exil. Seule la garantie d’un régime démocratique pourra offrir de nouveaux horizons.