Sur le vif

Gaza : les propos du grand rabbin de France consternent le CFCM, des collectifs juifs aussi

Rédigé par Lina Farelli | Mardi 3 Septembre 2024 à 19:30



Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s’est déclaré, vendredi 30 août, « consterné et choqué » par les propos de personnalités politiques, religieuses et médiatiques reprenant « éhontément les éléments de langage des dirigeants israéliens les plus extrémistes ». Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, est nommément cité dans un communiqué signé par l’instance après ses déclarations portant sur la situation terrible dans la bande de Gaza.

« Les massacres à Gaza, c’est un fait de guerre qui incombe au Hamas », a affirmé, lundi 26 août, le rabbin sur BFM TV. « Je n’ai absolument pas à rougir de ce qu’Israël fait dans la façon de mener les combats », a-t-il poursuivi. Et de conclure que « tout le monde serait bien content qu’Israël finisse le boulot ».

« Il est fort déplorable que le grand rabbin de France soit sorti de son rôle de guide religieux et spirituel et d'homme de foi, en adoptant un discours aux antipodes du principe transcendant de la préservation des vies humaines innocentes, qui est au cœur de toute religion monothéiste », indique le CFCM, qui avait déjà condamné en mai dernier « une trahison de la religion juive, invoquée par certains responsables israéliens pour justifier leur entreprise meurtrière ». Il déplore plus largement le « florilège de propos glaçants et choquants » tenus par des personnalités et qui constituent « un aperçu de la dérive aveugle et radicale que certains semblent avoir emprunté à travers un dévoiement inquiétant de nos principes ».

Des collectifs juifs en lutte contre des propos qui « mettent les Juifs et Juives en danger »

Les propos du rabbin ont tout aussi indigné le député (LFI) Aymeric Caron, qui a annoncé une plainte contre Haïm Korsia pour « apologie de crimes de guerre ». Cette annonce s'ajoute à celle faite par le CFCM de saisir la justice pour les mêmes motifs. Alors que l’élu est accusé par le dignitaire religieux d’avoir une « obsession antisémite », l’Union juive française pour la paix (UFFP) a apporté son soutien au député, en appuyant mardi 3 septembre sur « la pleine légitimité de (son) signalement » contre des propos « immoraux et criminels » qui « mettent les Juifs et Juives en danger parce qu’ils sont portés par le grand rabbin de France es qualité ».

Même son de cloche du côté du collectif juif décolonial Tsedek pour qui « les propos de Haïm Korsia doivent être sanctionnés » car « rien ne nourrit davantage le ressentiment contre les Juif.ves que le spectacle délétère du deux-poids/deux-mesures dont bénéficient les soutiens du régime criminel israélien ». « En agissant de la sorte, Haïm Korsia nous met toutes et tous en danger, nous les Juifs et Juives de France. Plus que toute autre institution, le grand rabbin de France est en effet le principal représentant de la foi juive aux yeux du grand public. En associant aussi clairement judaïsme et défense inconditionnelle d’Israël, il nous rend aux yeux de tous.tes complices des crimes contre l’humanité perpétrés par Tsahal, reprenant en cela un amalgame grossier savamment entretenu par l’Etat français et les instances de représentation du judaïsme en France », lit-on dans une tribune parue sur Médiapart lundi 2 septembre.

« À celles et ceux qui affirment que ce signalement met une cible sur les Juifs et Juives, nous répondons que c’est l’inverse : revendiquer l’impunité pour les représentants de la religion ou d’institutions juives nourrit le préjugé antisémite d’une exceptionnalité juive. Une apologie de crime de guerre est condamnable d’où qu’elle vienne, y compris d’un haut représentant d’un culte. Or les propos de Haïm Korsia relèvent effectivement de l’apologie de crime de guerre et même d’apologie de génocide », affirme l’association. « Mettre en cause Haïm Korsia, ce n’est en rien accuser l’ensemble des Juifs et Juives de quelque manière que ce soit. C’est lui et lui seul qui est responsable de ses propos. Nous sommes bien placés pour rappeler que Haïm Korsia ne représente pas les Juifs dans leur ensemble et ce à double titre : comme association laïque dont un certain nombre de membres juifs ne sont pas croyants et comme association portant une parole juive antisioniste, engagée contre le génocide en Palestine. »

« Notre soutien à cette action contre Haïm Korsia vise à la fois à marquer notre condamnation de l’apologie de crimes de guerre et à lutter contre les tendances à l’enrôlement de l’ensemble des Juifs et Juives dans ses propos génocidaires », conclut l’UJFP.

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