'C'est un jour historique !' s'est exclamé Sean O'Keefe, le patron de la Nasa, hier soir, avant de passer la parole au président américain. George W. Bush a annoncé hier au siège de la Nasa à Washington que les astronautes américains allaient s'installer de manière durable sur la Lune à partir de 2015, en préparation à une mission habitée vers Mars. Presque un an après la perte catastrophique de l'équipage de la navette Columbia, le président américain replace l'homme au cœur de l'exploration du système solaire comme les médias l'avaient annoncé la semaine dernière.
La Nasa avait soigné la mise en scène, en organisant une brève intervention en direct de Michael Foale, l'astronaute américain actuellement en orbite sur la station spatiale internationale, qui s'est excusé de tourner à plus de 20 000 km/h au-dessus de la Terre et de ne pouvoir être au côté du président.
Depuis la dernière mission Apollo en 1972, aucun humain n'a remis le pied sur le satellite naturel de la Terre, et Mars reste un terrain d'exploration réservé aux instruments automatiques. Aujourd'hui, les astronautes ne font des voyages dans l'espace qu'en orbite basse, dans des vaisseaux ne s'éloignant pas plus de quelques centaines de kilomètres de la surface de notre planète.
George Bush veut relancer la conquête de l'espace
Dès 2008, soit dans quatre ans seulement, l'Amérique enverra des missions robotiques sur la Lune, en préparation des futurs vols habités.
Selon le plan présenté par George Bush, la Nasa mettrait ses trois navettes spatiales restantes à la retraite dès 2010. Sans les navettes américaines, les partenaires russes, européens et japonais de la Station spatiale internationale (ISS) seraient forcés d'utiliser des capsules Soyouz russes ainsi que des vaisseaux cargos automatiques européens ATV pour le ravitaillement et les changements d'équipages. George Bush a également affirmé que toutes les recherches scientifiques américaines menées à bord du laboratoire orbital serviront dorénavant à préparer les futures missions habitées sur les autres planètes du système solaire.
Ce nouveau virage dans la politique spatiale américaine va encore une fois obliger la Nasa à modifier les plans du vaisseau qui va remplacer les vieillissantes navettes spatiales. Ce qui n'était au départ qu'une capsule de sauvetage pour les membres d'équipage de la station internationale, est ensuite devenu un avion spatial également capable d'envoyer des astronautes en orbite. Avec le nouveau plan Bush, le remplaçant devra également servir de vaisseau d'exploration du système solaire : une tâche infiniment plus complexe que celle prévue au départ. Dans une sorte de clin d’œil au passé glorieux de la Nasa, il est probable que ce vaisseau prenne une forme proche de celle des capsules Apollo qui ont porté les astronautes américains sur la Lune dès 1969. En effet, nul besoin d'ailes pour atterrir sur la surface sans atmosphère de la Lune. Le satellite naturel de la Terre, malgré ses différences marquées avec Mars et les autres planètes, servira de terrain d'entraînement et d'expérimentation avant d'autres voyages plus lointains. Le président Bush a évoqué la possibilité d'exploiter des ressources du sol lunaire. Ce scénario de la Lune transformée en gisement de matières premières voire de carburant pour vaisseaux spatiaux, laisse sceptique de nombreux experts.
Combien ça coûte ?
Les passionnés de l'aventure spatiale s'enthousiasment déjà pour ce redémarrage de l'exploration du système solaire par l'homme, même si certains s'interrogent sur l'intérêt du retour sur la Lune. En revanche, d'après un sondage Ipsos-Public-Affairs réalisé pour l'agence américaine Associated Press, le grand public semble plutôt inquiet du coût important que pourrait avoir un tel projet. En 1989, George Bush père avait abandonné l'idée de mettre un homme sur Mars après avoir reçu l'addition de la Nasa : 400 milliards de dollars. Depuis, des projets plus raisonnables ont été imaginés, certains ne coûtant que 50 à 60 milliards de dollars. Etalés sur une trentaine d'années, de tels montants peuvent tout à fait tenir dans le périmètre actuel du budget de la Nasa, qui est de 15,5 milliards de dollars pour 2003.
La Maison-Blanche estime à 12 milliards de dollars sur cinq ans, le coût supplémentaire du programme annoncé hier. «L'essentiel de ce financement supplémentaire viendra de la redistribution des 11 milliards de dollars déjà prévus dans le budget de 86 milliards de dollars sur cinq ans de la Nasa», selon le document diffusé hier soir juste avant le discours présidentiel. Pour l'année fiscale 2005, le président demandera au Congrès un budget additionnel d'un milliard de dollars réparti sur cinq ans. Ce qui représente une augmentation du budget de l'agence de 5% par an sur les trois prochaines années et d'environ 1% ou moins sur les deux années suivantes.
«Il est temps pour l'Amérique de faire le pas suivant. Aujourd'hui, j'annonce un nouveau plan pour explorer l'espace et étendre la présence humaine à travers le système solaire», a déclaré George Bush, hier, au siège de la Nasa à Washington