Tibet, Lhassa, le 25 août 2010.
Après trois jours de train pour effectuer un trajet d'un peu plus de 3 000 kilomètres, j'arrive finalement dans la ville sainte du bouddhisme tibétain : Lhassa.
Les nombreuses conversations avec des Chinois lambda me laissaient croire que la Chine avait bel et bien contribué à l'essor de cette « province chinoise », à savoir le Tibet. Il est vrai que le développement à différentes échelles aussi bien en termes d'infrastructures telles que l'éducation ou même l'économie offre aux visiteurs, plus particulièrement chinois, un reflet d'une Chine providentielle à l'égard du Tibet et de ses habitants.
Après trois jours de train pour effectuer un trajet d'un peu plus de 3 000 kilomètres, j'arrive finalement dans la ville sainte du bouddhisme tibétain : Lhassa.
Les nombreuses conversations avec des Chinois lambda me laissaient croire que la Chine avait bel et bien contribué à l'essor de cette « province chinoise », à savoir le Tibet. Il est vrai que le développement à différentes échelles aussi bien en termes d'infrastructures telles que l'éducation ou même l'économie offre aux visiteurs, plus particulièrement chinois, un reflet d'une Chine providentielle à l'égard du Tibet et de ses habitants.
Une pratique spirituelle profonde
Cependant, je devais découvrir une autre réalité, car celle que l'on nous présente est simplement un trompe-l’œil. J'arrive à Lhassa et, déjà, je sens une atmosphère pesante. De suite, je suis envahi de souvenirs m'ayant marqué profondément. Une terre, deux peuples, une atmosphère pesante et des militaires à chaque coin de rue : Jérusalem.
La promiscuité est flagrante au sein de Lhassa, et la présence militaire chinoise rappelle qu'en 2009 il y eut d'importantes émeutes. Lhassa est constituée d'une population tibétaine vivant au cœur même du quartier historique, où se concentre une ferveur spirituelle rarissime et autour une population han chinoise constituant la ville nouvelle.
Je constate qu’il existe d'un côté une population chinoise vaquant à ses occupations, principalement commerciales, comme ils savent si bien le faire dans le reste de la Chine, alors que les Tibétains offrent à voir et à apprécier une vie et des rituels spirituels intenses.
Les uns concentrent leurs préoccupations sur ce bas monde et portent leur regard vers l'avenir, alors que les seconds portent leur attention sur la vie spirituelle et l'héritage passé du bouddhisme. Le physique et le métaphysique. Le passé et l'avenir. C'est de cette manière que je définirais l'antagonisme entre ces deux peuples. Et cette réalité est criante pour celui qui sait observer l'humain.
Avec un chapelet ou un rouleau de prières, une bonne partie des Tibétains est comme plongée dans une pratique spirituelle profonde. Les lèvres sont chargées de bénédictions et de prières. Les regards sont très souvent tournés vers le ciel, vers le métaphysique, avec un air platonicien.
Très souvent, ils n'hésitent pas à regarder le visiteur − ou, je devrais plutôt dire, l'inviter − pour lui offrir un sourire d'une réelle profondeur humaine comme on en rencontre très souvent dans certains pays peu développés. Sourires exprimant ce que la tradition islamique interprétait comme l'une des plus belle aumône. « Offrir un sourire à un être, c'est comme lui offrir une aumône. »
D'un seul regard, le Tibétain n'hésite pas à exprimer son enthousiasme à accueillir le visiteur : «Tachi dele » ou que la chance soit avec toi.
Ici, il n'est pas question de chance mais bel et bien de rencontre. En effet, les Tibétains et leur ferveur spirituelle me submergent. À chaque regard, à chaque sourire, à chaque salutation, je ressens cette idée de « salam », notion chère à la tradition islamique. « Que la paix et la miséricorde soient avec toi. » Le peuple tibétain se nourrit d'une chose qu'on retrouve heureusement encore chez certains peuples. Cette chose, c'est l'humanisme naturel.
Naturel, car celui-ci ne s'est pas forgé au travers de grandes théories récentes liées à la condition humaine et à son évolution au sein des sociétés en marche vers le modernisme. Il s'est plutôt alimenté grâce à une base spirituelle sacrée et suprême ainsi qu'à des liens sociaux liés aux conditions climatiques propres à leur région. Même si ces deux mécanismes peuvent se rejoindre sur certains points, force est de constater que si les uns jouissent d'un humanisme né de la raison, les autres expriment un humanisme de cœur comme j'ai pu le retrouver dans certaines régions du monde comme dans le Sahara ou même dans le sud du Mexique.
Cependant, je devais découvrir une autre réalité, car celle que l'on nous présente est simplement un trompe-l’œil. J'arrive à Lhassa et, déjà, je sens une atmosphère pesante. De suite, je suis envahi de souvenirs m'ayant marqué profondément. Une terre, deux peuples, une atmosphère pesante et des militaires à chaque coin de rue : Jérusalem.
La promiscuité est flagrante au sein de Lhassa, et la présence militaire chinoise rappelle qu'en 2009 il y eut d'importantes émeutes. Lhassa est constituée d'une population tibétaine vivant au cœur même du quartier historique, où se concentre une ferveur spirituelle rarissime et autour une population han chinoise constituant la ville nouvelle.
Je constate qu’il existe d'un côté une population chinoise vaquant à ses occupations, principalement commerciales, comme ils savent si bien le faire dans le reste de la Chine, alors que les Tibétains offrent à voir et à apprécier une vie et des rituels spirituels intenses.
Les uns concentrent leurs préoccupations sur ce bas monde et portent leur regard vers l'avenir, alors que les seconds portent leur attention sur la vie spirituelle et l'héritage passé du bouddhisme. Le physique et le métaphysique. Le passé et l'avenir. C'est de cette manière que je définirais l'antagonisme entre ces deux peuples. Et cette réalité est criante pour celui qui sait observer l'humain.
Avec un chapelet ou un rouleau de prières, une bonne partie des Tibétains est comme plongée dans une pratique spirituelle profonde. Les lèvres sont chargées de bénédictions et de prières. Les regards sont très souvent tournés vers le ciel, vers le métaphysique, avec un air platonicien.
Très souvent, ils n'hésitent pas à regarder le visiteur − ou, je devrais plutôt dire, l'inviter − pour lui offrir un sourire d'une réelle profondeur humaine comme on en rencontre très souvent dans certains pays peu développés. Sourires exprimant ce que la tradition islamique interprétait comme l'une des plus belle aumône. « Offrir un sourire à un être, c'est comme lui offrir une aumône. »
D'un seul regard, le Tibétain n'hésite pas à exprimer son enthousiasme à accueillir le visiteur : «Tachi dele » ou que la chance soit avec toi.
Ici, il n'est pas question de chance mais bel et bien de rencontre. En effet, les Tibétains et leur ferveur spirituelle me submergent. À chaque regard, à chaque sourire, à chaque salutation, je ressens cette idée de « salam », notion chère à la tradition islamique. « Que la paix et la miséricorde soient avec toi. » Le peuple tibétain se nourrit d'une chose qu'on retrouve heureusement encore chez certains peuples. Cette chose, c'est l'humanisme naturel.
Naturel, car celui-ci ne s'est pas forgé au travers de grandes théories récentes liées à la condition humaine et à son évolution au sein des sociétés en marche vers le modernisme. Il s'est plutôt alimenté grâce à une base spirituelle sacrée et suprême ainsi qu'à des liens sociaux liés aux conditions climatiques propres à leur région. Même si ces deux mécanismes peuvent se rejoindre sur certains points, force est de constater que si les uns jouissent d'un humanisme né de la raison, les autres expriment un humanisme de cœur comme j'ai pu le retrouver dans certaines régions du monde comme dans le Sahara ou même dans le sud du Mexique.
« Notre cœur est envahi par un océan de sanglots »
Cependant, cette chaleur spirituelle et humaniste sera comme court-circuitée par la réalité que vivent les Tibétains. « Même si notre visage exprime le bonheur et une certaine béatitude, notre cœur est envahi par un océan de sanglots », me dira un jeune Tibétain, accompagné de sa femme enceinte.
Notre conversation n'aura duré que 10 minutes, mais l'intensité de ces mots aura laissé une charge émotive importante au sein de mon cœur. Je venais de sortir de la Grande Mosquée de Lhassa alors qu'eux effectuaient la circonvolution du temple le plus sacré de Lhassa. Il était 23 heures et il n'y avait que très peu de monde durant cette nuit sombre.
Notre rituel spirituel avait comme favorisé notre rencontre. Il habitait l'est du Tibet et avait mis 5 jours pour venir à Lhassa afin d'y effectuer le pèlerinage. Ses mots étaient chargés de tristesse, mais son sourire restait le même que celui que j'avais rencontré durant tout la journée auprès d'autres Tibétains comme pour dire salam à toi, cher visiteur, invité, ami, frère.
Il s'exprimait dans un anglais impeccable et l'heure tardive et l'atmosphère spirituelle avaient délié nos langues. Avec ses mots, il m'exprimait sa ferveur spirituelle ainsi que sa profonde tristesse. Il me disait à quel point son peuple, sa culture et sa spiritualité se trouvaient dénigrés par le pouvoir chinois. Tous ces moines et ces temples voués à l'oubli en raison des assassinats et des destructions. Et cette culture millénaire qu'on tente d'effacer par des choix politiques, sociaux et éducatifs subtils, rappelant ainsi la manière avec laquelle les cultures amérindiennes ont disparu du patrimoine culturel universel.
Je lui demandais quelle pourrait être la solution afin de sortir les Tibétains et le Tibet de cette impasse. Il me regarda et me dit simplement : « The solution will come from you. » Lourde responsabilité pour un simple voyageur comme moi. Je pense qu'au-delà des revendications indépendantistes ou d’autonomie, ce qui est réellement en jeu dans cette région, à l'instar de beaucoup d'autres régions dans le monde, est l'application des droits de l'homme sans aucune distinction ethnique, culturelle, religieuse ou même sociale.
En ce sens, il est regrettable de voir que le pouvoir chinois ne cesse, d'un côté, d'affirmer que le Tibet fait partie de la Chine mais, de l’autre, il traite sa population comme des citoyens de seconde zone, à qui l'on interdit d'avoir un passeport chinois par exemple. Paradoxe exclusivement chinois ? Je ne le pense pas. Nature humaine je dirais plutôt.
Je lui demandais si, selon lui, il était possible de vivre côte a côte avec les Chinois au sein d'une société égalitaire et respectueuse. Il me regarda avec beaucoup de tristesse et me répondit : « I hate chinese because they are destroying our ancestral culture. »
Ces mots me rappelèrent une conversation que j'eus un jour avec mon père concernant la possibilité de créer une société multiculturelle avec les colons après la guerre d'Algérie, guerre à laquelle il avait participé mais qui, je pense, l'avait trop profondément marqué et même nuit de l'intérieur.
« Est-ce que la spiritualité et l'humanisme pouvaient permettre à un être d'éprouver de la miséricorde pour le pêcheur et de l'aversion pour le péché. » Mon cher ami tibétain me regarda et me dit simplement : « La spiritualité offre à l'être souffrant d'apaiser son âme. Malheureusement, nous sommes pour l'instant de ceux qui souffrent profondément. En ce sens, notre émotion a parfois raison de notre spiritualité. Pour l'instant, je ressens une haine subite et forte à l'égard des Chinois. »
Il avait clairement du mal à distinguer le pouvoir chinois du peuple chinois. Je dois dire que je remarquais chez les Chinois vivant au Tibet une réelle aversion de leur part à l'égard des Tibétains et parfois du mépris.
À ces mots, je me rappelais les rencontres extraordinaires avec ces Chinois durant mon voyage. Ces familles qui n'hésitaient point à m'inviter pour partager un sourire, une conversation, un repas ou même un séjour auprès des leurs. Je ne peux oublier ces bons moments et heureusement...
sinon je pense que je n'aurais pas hésité, moi aussi, à manifester de l'animosité à l'égard des Chinois comme peuvent l'éprouver beaucoup de personnes voyageant au Tibet.
Alors que je rentrais dans l'hôtel dans lequel je logeais, mon ami tibétain me regarda une dernière fois pour me souhaiter un « tachi delet ». Bonne chance à toi aussi, mon cher frère tibétain, tu en auras plus besoin.
Bouddha avait bien raison lorsqu'il affirmait que la nature humaine est ainsi faite que, très souvent, l'homme ne pense qu'à dominer et à posséder et ce, malgré ce qu'il pouvait faire subir à son frère de chair.
Cependant, cette chaleur spirituelle et humaniste sera comme court-circuitée par la réalité que vivent les Tibétains. « Même si notre visage exprime le bonheur et une certaine béatitude, notre cœur est envahi par un océan de sanglots », me dira un jeune Tibétain, accompagné de sa femme enceinte.
Notre conversation n'aura duré que 10 minutes, mais l'intensité de ces mots aura laissé une charge émotive importante au sein de mon cœur. Je venais de sortir de la Grande Mosquée de Lhassa alors qu'eux effectuaient la circonvolution du temple le plus sacré de Lhassa. Il était 23 heures et il n'y avait que très peu de monde durant cette nuit sombre.
Notre rituel spirituel avait comme favorisé notre rencontre. Il habitait l'est du Tibet et avait mis 5 jours pour venir à Lhassa afin d'y effectuer le pèlerinage. Ses mots étaient chargés de tristesse, mais son sourire restait le même que celui que j'avais rencontré durant tout la journée auprès d'autres Tibétains comme pour dire salam à toi, cher visiteur, invité, ami, frère.
Il s'exprimait dans un anglais impeccable et l'heure tardive et l'atmosphère spirituelle avaient délié nos langues. Avec ses mots, il m'exprimait sa ferveur spirituelle ainsi que sa profonde tristesse. Il me disait à quel point son peuple, sa culture et sa spiritualité se trouvaient dénigrés par le pouvoir chinois. Tous ces moines et ces temples voués à l'oubli en raison des assassinats et des destructions. Et cette culture millénaire qu'on tente d'effacer par des choix politiques, sociaux et éducatifs subtils, rappelant ainsi la manière avec laquelle les cultures amérindiennes ont disparu du patrimoine culturel universel.
Je lui demandais quelle pourrait être la solution afin de sortir les Tibétains et le Tibet de cette impasse. Il me regarda et me dit simplement : « The solution will come from you. » Lourde responsabilité pour un simple voyageur comme moi. Je pense qu'au-delà des revendications indépendantistes ou d’autonomie, ce qui est réellement en jeu dans cette région, à l'instar de beaucoup d'autres régions dans le monde, est l'application des droits de l'homme sans aucune distinction ethnique, culturelle, religieuse ou même sociale.
En ce sens, il est regrettable de voir que le pouvoir chinois ne cesse, d'un côté, d'affirmer que le Tibet fait partie de la Chine mais, de l’autre, il traite sa population comme des citoyens de seconde zone, à qui l'on interdit d'avoir un passeport chinois par exemple. Paradoxe exclusivement chinois ? Je ne le pense pas. Nature humaine je dirais plutôt.
Je lui demandais si, selon lui, il était possible de vivre côte a côte avec les Chinois au sein d'une société égalitaire et respectueuse. Il me regarda avec beaucoup de tristesse et me répondit : « I hate chinese because they are destroying our ancestral culture. »
Ces mots me rappelèrent une conversation que j'eus un jour avec mon père concernant la possibilité de créer une société multiculturelle avec les colons après la guerre d'Algérie, guerre à laquelle il avait participé mais qui, je pense, l'avait trop profondément marqué et même nuit de l'intérieur.
« Est-ce que la spiritualité et l'humanisme pouvaient permettre à un être d'éprouver de la miséricorde pour le pêcheur et de l'aversion pour le péché. » Mon cher ami tibétain me regarda et me dit simplement : « La spiritualité offre à l'être souffrant d'apaiser son âme. Malheureusement, nous sommes pour l'instant de ceux qui souffrent profondément. En ce sens, notre émotion a parfois raison de notre spiritualité. Pour l'instant, je ressens une haine subite et forte à l'égard des Chinois. »
Il avait clairement du mal à distinguer le pouvoir chinois du peuple chinois. Je dois dire que je remarquais chez les Chinois vivant au Tibet une réelle aversion de leur part à l'égard des Tibétains et parfois du mépris.
À ces mots, je me rappelais les rencontres extraordinaires avec ces Chinois durant mon voyage. Ces familles qui n'hésitaient point à m'inviter pour partager un sourire, une conversation, un repas ou même un séjour auprès des leurs. Je ne peux oublier ces bons moments et heureusement...
sinon je pense que je n'aurais pas hésité, moi aussi, à manifester de l'animosité à l'égard des Chinois comme peuvent l'éprouver beaucoup de personnes voyageant au Tibet.
Alors que je rentrais dans l'hôtel dans lequel je logeais, mon ami tibétain me regarda une dernière fois pour me souhaiter un « tachi delet ». Bonne chance à toi aussi, mon cher frère tibétain, tu en auras plus besoin.
Bouddha avait bien raison lorsqu'il affirmait que la nature humaine est ainsi faite que, très souvent, l'homme ne pense qu'à dominer et à posséder et ce, malgré ce qu'il pouvait faire subir à son frère de chair.
Rédigé par Dahmane Mazouzi le Dimanche 2 Janvier 2011
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