Société

Guerre d'Algérie : la reconnaissance par l'Etat de l'assassinat d'Ali Boumendjel actée par Macron

Rédigé par Lina Farelli | Mercredi 3 Mars 2021 à 08:00

Emmanuel Macron a reconnu « au nom de la France », mardi 2 mars, l'assassinat du militant nationaliste Ali Boumendjel par l'armée française en pleine guerre d'Algerie. Ce geste politique fort représente une nouvelle pierre à l'édifice d'une réconciliation des mémoires franco-algériennes, six semaines après la remise du rapport Stora.



La reconnaissance par l'Etat de l’assassinat en 1957 d’Ali Boumendjel, une figure de la lutte nationaliste algérienne, « marquerait un pas supplémentaire dans le fait de regarder en face ce passé colonial », préconisait en janvier l'historien Benjamin Stora dans son rapport remis à l'Elysée sur la réconciliation des mémoires liées à la colonisation et à la guerre d’Algérie. C'est désormais fait.

Emmanuel Macron a reconnu qu'Ali Boumendjel, qui s'est battu contre l’injustice du système colonial et pour l’indépendance de l’Algérie, a été arrêté le 9 février 1957 avant d'être torturé et assassiné par l'armée française le 23 mars de la même année, a annoncé l'Elysée mardi 2 mars.

Le meurtre de cet avocat, perpétré lors de la bataille d'Alger, avait à l'époque été maquillé en suicide par défénestration. Il avait été jeté du sixième étage d'un immeuble abritant un centre de torture à El Biar, près d’Alger. Le général et tortionnaire Paul Aussaresses « avoua lui-même avoir ordonné à l’un de ses subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide », rappelle l'Elysée.

Un hommage appuyé « au nom de la France »

Cette reconnaissance a été annoncé par le chef de l'Etat en personne aux petits-enfants d'Ali Boumendjel. Quatre d'entre eux ont été reçus mardi « pour leur dire, au nom de la France, ce que Malika Boumendjel (la veuve du militant, décédée en 2020, ndlr) aurait voulu entendre : Ali Boumendjel ne s’est pas suicidé. Il a été torturé puis assassiné ».

A sa mort, Ali Boumendjel, qui n'avait que 37 ans, laissait derrière lui quatre enfants mais aussi « un héritage politique important. Ses combats et son courage ont marqué à jamais les esprits algériens et français ».

« Regarder l’Histoire en face » pour mieux « frayer le chemin de l’avenir »

Le président de la République « leur a également dit sa volonté de poursuivre le travail engagé depuis plusieurs années pour recueillir les témoignages et encourager le travail des historiens par l’ouverture des archives, afin de donner à toutes les familles de disparus, des deux côtés de la Méditerranée, les moyens de connaître la vérité », fait part l'Élysée.

« Regarder l’Histoire en face, reconnaître la vérité des faits, ne permettra pas de refermer des plaies toujours ouvertes, mais aidera à frayer le chemin de l’avenir », poursuit la présidence. « Aucun crime, aucune atrocité commise par quiconque pendant la Guerre d’Algérie ne peut être excusé ni occulté. Ils doivent être regardés avec courage et lucidité, dans l’absolu respect de toutes celles et ceux dont ils ont déchiré la vie et brisé le destin. »

Ce geste de reconnaissance, tant politique que symbolique, « n’est pas un acte isolé », prévient l'Elysée. En septembre 2018, Emmanuel Macron avait reconnu la responsabilité de l’Etat dans l’enlèvement, la torture et l’assassinat du mathématicien et militant pour l'indépendance algerienne Maurice Audin par des militaires français en 1957.

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