Religions

Hajj : des applis pour les geeks musulmans

Rédigé par Mérième Alaoui | Mardi 22 Septembre 2015 à 08:00

Coran, hadiths, adhan (appel à la prière)… Les applications liées à l’islam fleurissent sur le Net. Les jeunes musulmans en sont de plus en plus friands, trouvant là un moyen d’apprendre facilement, y compris pour préparer le hajj (pèlerinage).



Minâ est une des étapes du grand pèlerinage (hajj). Depuis novembre 2010, Mina est desservi par le métro de La Mecque. Cette photo est tirée du site www.3dmekanlar.com qui permet à l’internaute de survoler en 3D le sanctuaire de La Mecque, la mosquée du Prophète à Médine, Muzdalifah ou encore le mont Arafat.
« La majorité de nos utilisateurs sont des musulmans de France. » Mohamed Alaoui, cofondateur et PDG de QuanticApps, une start-up marocaine créatrice d’applications pour smartphones, est formel. Initiée il y a trois ans, l’entreprise familiale est leader dans le domaine des applications sur l’islam, visant le Maroc, l’Algérie, la Grande-Bretagne…

C’est sa première offre gratuite sur la récitation du Coran avec traduction en français qui l’a lancée. « À son lancement, en 2012, nous avons comptabilisé environ 500 000 téléchargements, avec un pic lors du mois de Ramadan, soit 10 000 téléchargements par jour », se réjouit le jeune PDG de 31 ans. Ce qui était une simple ambition bénévole d’offrir à ses coreligionnaires une sorte de « Coran portatif et moderne » est devenu le lancement de sa société. Ses autres offres ont reçu le même succès. L’année dernière, l’appli Adhan Pro, dédiée aux horaires de prière, s’est positionnée quatrième au classement général de l’Apple Store français. Elle a donc écrasé des dizaines de milliers d’applis, tous thèmes confondus…

Preuve qu’il y a bien « un marché » de l’application pour musulmans. « Il y a un vrai besoin, une soif d’apprendre de la part d’un public français, souvent non arabophone, parfois converti. Il existe un manque important en termes d’offres, mais cela n’empêche pas ces jeunes musulmans d’être très exigeants », fait observer le jeune ingénieur informatique.

Une offre encore peu pertinente

QuanticApps gère aujourd’hui cinq applis mobiles sur l’islam mais aucune ne porte spécifiquement sur le hajj. « Nous pensons qu’avoir une application spéciale sur le hajj n’est pas très pertinent. C’est un besoin très précis qui ne concerne que ceux qui partent ou comptent partir très prochainement », analyse-t-il. « En revanche, nous comptons développer pour cette année un espace particulier sur le hajj dans notre appli "La citadelle du musulman". » Dans la fonction où l’on apprend pas à pas la prière, il serait question d’ajouter un pan sur les rites, prières et invocations spéciales pour le pèlerinage.

Des offres sur le hajj existent pourtant sur le Net. Celles qui semblent être parmi les plus relayées permettent une visite en 3D de La Mecque. « 3D Hajj and Umrah Guide » de Pakistan Data Management est l’une des mieux classées : elle permet d’avoir une vision à 360° du Masjid al-Haram, de Minâ, du mont Arafat et autres lieux du pèlerinage. Mais pour Mohamed Alaoui, ces applications ne touchent pas toujours un public français. « Aujourd’hui, les formations via appli sur le hajj sont trop basiques. Parfois avec des design clichés... Il faut une offre plus ergonomique et être au plus près des demandes des utilisateurs, répondre en temps quasi réel à leurs critiques et leurs attentes, le plus souvent formulées en français », estime-t-il. Pour lui, les applis sur le hajj et sur l’islam en général ont encore un long chemin à faire.

Une occidentalisation de la foi

Mais il reconnaît que tout s’accélère. « Depuis un an, on sent un réel mouvement positif, de meilleures offres, plus de diversification. Cela va très vite ! » Car la demande est bien réelle, ce qui traduit une « occidentalisation de la foi », comme l’analyse Omar Saghi, sociologue. Pour l’auteur de Paris-La Mecque, sociologie du pèlerinage (PUF, 2010), « il est étonnant de voir autant de jeunes pèlerins. Un tiers des Français ont en moyenne autour de 30 ans. Il y a aussi une parité presque totale entre hommes et femmes : plus de 40 % de femmes. Ces jeunes se rendent souvent au hajj en groupes d’amis », détaillait-il à Salamnews en 2012.

Pour lui, les pèlerins français veulent être dans l’efficacité. « Ils ont une approche beaucoup plus rationalisée de la religion. Ils considèrent le pèlerinage presque comme un travail à mener efficacement avec performance, voire concurrence implicite… » Un portrait-robot de ces musulmans français en phase avec la formation moderne sur le hajj via smartphone.

Toutefois, en l’absence de vrai programme pédagogique sur le Net, rien ne vaut la formation classique dispensée en présentiel par un enseignant en institut privé ou par un imam dans une mosquée. Car, avant d’être un voyage organisé avec une liste de rites à accomplir et d’invocations à réciter, le pèlerinage est avant tout affaire de spiritualité. Et seule la relation humaine de maître à disciple peut aider à l’atteindre.

Première parution de cet article dans Salamnews, n° 54, septembre-octobre 2015.