Points de vue

Hanane Karimi : De l'enjeu de se diriger vers une société plus juste

#1AnAprès

Rédigé par Hanane Karimi | Mardi 12 Janvier 2016 à 09:00

Un an après les premiers attentats qui ont bouleversé la société française, que faut-il retenir de ces funestes événements et de leurs conséquences ? Quels messages promouvoir et que préconiser pour construire une société meilleure ? Le point sur Saphirnews avec Hanane Karimi est chercheuse en sociologie, porte-parole des Femmes dans la Mosquée et membre du Collectif des Femmes pour la Marche de la Dignité à l'origine d'une grande manifestation en octobre 2015 à Paris.



Les attentats qui ont secoué la France en 2015 ont marqué un véritable tournant politique. Ces attentats nous ont montré que la France est inscrite dans une géopolitique guerrière qui se joue aussi sur son territoire.

Je nuancerai tout de même le contenu politique des deux attentats : ceux de janvier, de par ses auteurs, renvoient à la politique intérieure de la France, à la relégation et à la misère sociale, à la détresse et à la violence que celles-ci peuvent engendrer chez des Français. Et on peut se poser la question de savoir quels sont les parcours qui mènent à cette violence extrême.

Les attentats de novembre renvoient, quant à eux, à une dynamique internationale dès lors que la France s’est inscrite dans la guerre en Syrie en menant en septembre 2015 ses premières frappes aériennes en Syrie. Ces attentats sont une résonance macabre de ce qui se passe là-bas, sous une autre forme.

La principale leçon que je tire de cette année 2015 est que notre système politique est sourd aux leçons tragiques que devraient permettre ces événements. Elle a brandi la liberté d’expression puis la culture française comme cibles des attentats. Or, la question est avant tout politique. Le gouvernement a choisi des réponses inadaptées, populistes et dangereuses pour la démocratie : la laïcité radicale, l'état d'urgence, les droits élargis de la police. Le pays a plongé dans un système plus sécuritaire, plus violent et moins démocratique, ce qui est très inquiétant pour l’avenir du pays.

Se diriger vers une société plus digne

De facto, l’engagement politique sous toutes ses formes est une nécessité pour changer la société. Il n’existe pas qu’une manière de faire de la politique mais mille manières de la réinventer. Ainsi, on peut penser les solidarités locales parce que, sous couvert de sécurité nationale, les citoyens musulmans n’ont par exemple jamais autant eu peur pour leur sécurité individuelle.

Depuis l'instauration de l'état d'urgence, ceux sont des voisin-e-s, des ami-e-s, des proches qui ont été les cibles de perquisitions abusives. Des perquisitions qui n'ont que peu de fondements mais qui instaurent un climat de suspicion et de peur.

Face à ces dérives, il faut recréer du sens, de la solidarité : être présent auprès de ces personnes et dénoncer les abus de l'état d'urgence et de la police. Mais au-delà, je pense qu'il faille se rapprocher des sans-droits (réfugié-e-s, migrant-e-s, exilé-e-s politiques) pour appréhender ce que la politique fait, qu'elle soit internationale ou nationale.

J’ai malheureusement constaté que le dialogue ne prend pas entre groupes sociaux différents. Les différents événements citoyens auxquels j’ai participé ont montré les limites d’une mise en scène démocratique. Il y a trop de préjugés et de colère de part et d’autre. Des solutions existent, comme celle de proposer des actions politiques fortes, comme nous l’avons fait à la Marche de la Dignité, ou de constituer un mouvement anti-guerre qui rappelle que nous ne concéderons aucunement notre liberté et notre dignité pour des enjeux guerriers que nous n’avons pas choisi. Peut-être qu’alors, un dialogue pourra s’amorcer car l’enjeu est une société plus juste et plus digne pour tous.