En décembre 2006, je suis parti accomplir mon grand pèlerinage via l’agence Tapis Volant. Un ami connaissant l’organisateur, un dénommé « Hassen de Bobigny », m’avait mis en relation avec une personne intermédiaire qui était venue me voir pour ma réservation. Je lui ai remis mon passeport et des espèces, et il m’a fait un « reçu ».
Le jour J, je découvre Hassen : un grand homme à l’allure fine, souriant et sympathique avec les jeunes. Arrivés à Médine, nous étions émerveillés par le climat de sérénité qui y régnait. On devait y rester environ une semaine, mais trois jours plus tard on nous a annoncé qu’on prenait la route pour La Mecque. Il fallait donc se préparer subitement pour la ‘omra.
Lorsque nous sommes arrivés à La Mecque durant la matinée, bon nombre d’entre nous se sont retrouvés sans chambre. Certains ont séjourné plusieurs jours dans les couloirs de l’hôtel avec leurs bagages sans pouvoir se doucher. Je me souviens d’un pauvre homme qui n’avait pas toutes ses facultés mentales et qui était livré à lui-même sans aucun accompagnement de l’agence.
Après avoir effectué le petit pèlerinage, je voyais les collaborateurs de Hassen venant de sortir de leur chambre tout propres car eux ont pu se doucher alors que nous transpirions bien comme il faut. J’avais ensuite patienté plusieurs heures, et puis je suis allé voir Hassen pour lui demander de façon assez ferme où était ma chambre, cela ne lui avait pas trop plu. Il m’avait alors conduit dans sa chambre pour me reposer le temps qu’il m’en trouve une.
Et là, j’en ai un peu plus su sur le personnage et sa manière de gérer cette lourde responsabilité devant Dieu de s’occuper les pèlerins qui, tout de même, ne sont pas venus gratuitement.
En fait, il n’y avait aucune organisation, comme le disait un pèlerin c’était le « désordre total ». Hassen amenait des groupes importants sans savoir s’il y avait le nombre de chambres suffisant. Il ne prévoyait rien, tout se faisait au jour le jour, voire à la minute près. Je l’entendais parler avec un de ses associés qui était à Médine avec ses groupes assis dans des bus sur le point de prendre la route pour La Mecque. Il lui disait de gagner du temps, en faisant patienter les pèlerins sur place le temps de trouver des chambres au sein des hôtels à La Mecque.
Hassen m’avait dit, tellement il était tendu, qu’il avait envie d’« étrangler » un de ses jeunes associés qui, paraît-il, avait mal géré une transaction avec un hôtel.
C’est que plus tard dans la nuit que j’ai pu rejoindre un groupe de 9 personnes dans une chambre. J’étais soulagé mais ce qui était convenu au départ est qu’on devait être 5 par chambre. La chambre était remplie de lits, on était à l’étroit, il n’y avait pas de place pour circuler, j’ai calé ma valise entre deux lits. Pour faire ses ablutions ou autre, il fallait se lever tôt !
On nous disait : « C’est ça le hajj ! », il faut faire preuve de patience et faire le jihâd avec soi-même. Beaucoup de personnes n’étaient pas satisfaites de cette organisation, il y avait certes des responsables mais jamais quand on en avait besoin, il n’y avait pas de guide pour accompagner les gens et leur expliquer les rites. Les organisateurs profitaient du fait que nous étions en état d’ihram (état de sacralisation) qui nous interdit de polémiquer et de nous emporter…
Plusieurs personnes, hommes et femmes, avaient pris Hassen à parti, il était à l’écoute et les regardait avec un air de compassion. Il avait une grande capacité à garder son sang-froid, c’était impressionnant.
Quelques jours avant de partir pour Mina, Hassen était venu nous demander de lui rendre un service. Nous étions environ une dizaine de personnes à qui il avait proposé d’aller dans un autre hôtel situé à la périphérie de La Mecque, à Al ‘Aziziyah, car, selon lui, c’était plus proche de Mina et cela allait permettre de libérer une chambre pour d’autres frères venant de Médine. On a accepté par solidarité pour ces frères. Hassen nous a promis que sur place on allait avoir droit à des « dourous (discours) et à du Michwi ». Puis il nous dit que l’agence allait prendre à sa charge le sacrifice de nos moutons à la fin des rites pour nous remercier d’avoir collaboré. Nous n’avons rien vu de tout cela une fois que nous fûmes arrivés. Et pour ce qui est du mouton, on ne pouvait pas le vérifier…
Malgré tout, en ce qui me concerne, j’essayais de lui trouver des excuses, je me disais que peut-être ce n’était pas sa faute. Lors du discours qu’il avait fait à ‘Arafah, il paraissait tellement sincère, certains étaient très touchés et pleuraient à l’écoute de ses discours chargés en émotion.
Une fois le hajj terminé, nous sommes retournés à La Mecque, et de nouveau nous nous sommes retrouvés sans chambre. Nous étions épuisés, je n’ai trouvé où dormir que très difficilement et grâce à mes propres recherches. Ce qui m’arrivait n’est absolument rien comparé à certaines familles qui n’avaient d’autre choix que d’errer dans les couloirs de l’hôtel car elles n’avaient pas le bras long, une d’entres elles m’avait profondément bouleversé car les parents étaient vieux et leur fille était en fauteuil roulant.
Dès que les rites furent achevés, Hassen a fui en France alors que notre séjour n’était pas encore terminé. Les pèlerins se sont débrouillés seuls pour rentrer sans l’aide d’aucun représentant de cette agence.
Quand je suis arrivé en France, l’on m'a informé que la personne intermédiaire qui s’était occupée de ma réservation s’était fait arnaquée par Hassen.
À 28 ans, j’étais sans doute jeune et naïf à cette époque, mais j’avais rapidement compris que le commerce du pèlerinage était l’un des plus sales. Malheureusement, certains en font un véritable business sans l’éthique musulmane nécessaire.
Ce n’est que ces derniers temps que j’ai découvert que Hassan est cet imam très médiatisé et apprécié par les politiques mais qui n’est pas reconnu par les musulmans.
* Par mesure de sécurité, Rachid Ben Brahim a écrit ce témoignage sous pseudonyme.
Le jour J, je découvre Hassen : un grand homme à l’allure fine, souriant et sympathique avec les jeunes. Arrivés à Médine, nous étions émerveillés par le climat de sérénité qui y régnait. On devait y rester environ une semaine, mais trois jours plus tard on nous a annoncé qu’on prenait la route pour La Mecque. Il fallait donc se préparer subitement pour la ‘omra.
Lorsque nous sommes arrivés à La Mecque durant la matinée, bon nombre d’entre nous se sont retrouvés sans chambre. Certains ont séjourné plusieurs jours dans les couloirs de l’hôtel avec leurs bagages sans pouvoir se doucher. Je me souviens d’un pauvre homme qui n’avait pas toutes ses facultés mentales et qui était livré à lui-même sans aucun accompagnement de l’agence.
Après avoir effectué le petit pèlerinage, je voyais les collaborateurs de Hassen venant de sortir de leur chambre tout propres car eux ont pu se doucher alors que nous transpirions bien comme il faut. J’avais ensuite patienté plusieurs heures, et puis je suis allé voir Hassen pour lui demander de façon assez ferme où était ma chambre, cela ne lui avait pas trop plu. Il m’avait alors conduit dans sa chambre pour me reposer le temps qu’il m’en trouve une.
Et là, j’en ai un peu plus su sur le personnage et sa manière de gérer cette lourde responsabilité devant Dieu de s’occuper les pèlerins qui, tout de même, ne sont pas venus gratuitement.
En fait, il n’y avait aucune organisation, comme le disait un pèlerin c’était le « désordre total ». Hassen amenait des groupes importants sans savoir s’il y avait le nombre de chambres suffisant. Il ne prévoyait rien, tout se faisait au jour le jour, voire à la minute près. Je l’entendais parler avec un de ses associés qui était à Médine avec ses groupes assis dans des bus sur le point de prendre la route pour La Mecque. Il lui disait de gagner du temps, en faisant patienter les pèlerins sur place le temps de trouver des chambres au sein des hôtels à La Mecque.
Hassen m’avait dit, tellement il était tendu, qu’il avait envie d’« étrangler » un de ses jeunes associés qui, paraît-il, avait mal géré une transaction avec un hôtel.
C’est que plus tard dans la nuit que j’ai pu rejoindre un groupe de 9 personnes dans une chambre. J’étais soulagé mais ce qui était convenu au départ est qu’on devait être 5 par chambre. La chambre était remplie de lits, on était à l’étroit, il n’y avait pas de place pour circuler, j’ai calé ma valise entre deux lits. Pour faire ses ablutions ou autre, il fallait se lever tôt !
On nous disait : « C’est ça le hajj ! », il faut faire preuve de patience et faire le jihâd avec soi-même. Beaucoup de personnes n’étaient pas satisfaites de cette organisation, il y avait certes des responsables mais jamais quand on en avait besoin, il n’y avait pas de guide pour accompagner les gens et leur expliquer les rites. Les organisateurs profitaient du fait que nous étions en état d’ihram (état de sacralisation) qui nous interdit de polémiquer et de nous emporter…
Plusieurs personnes, hommes et femmes, avaient pris Hassen à parti, il était à l’écoute et les regardait avec un air de compassion. Il avait une grande capacité à garder son sang-froid, c’était impressionnant.
Quelques jours avant de partir pour Mina, Hassen était venu nous demander de lui rendre un service. Nous étions environ une dizaine de personnes à qui il avait proposé d’aller dans un autre hôtel situé à la périphérie de La Mecque, à Al ‘Aziziyah, car, selon lui, c’était plus proche de Mina et cela allait permettre de libérer une chambre pour d’autres frères venant de Médine. On a accepté par solidarité pour ces frères. Hassen nous a promis que sur place on allait avoir droit à des « dourous (discours) et à du Michwi ». Puis il nous dit que l’agence allait prendre à sa charge le sacrifice de nos moutons à la fin des rites pour nous remercier d’avoir collaboré. Nous n’avons rien vu de tout cela une fois que nous fûmes arrivés. Et pour ce qui est du mouton, on ne pouvait pas le vérifier…
Malgré tout, en ce qui me concerne, j’essayais de lui trouver des excuses, je me disais que peut-être ce n’était pas sa faute. Lors du discours qu’il avait fait à ‘Arafah, il paraissait tellement sincère, certains étaient très touchés et pleuraient à l’écoute de ses discours chargés en émotion.
Une fois le hajj terminé, nous sommes retournés à La Mecque, et de nouveau nous nous sommes retrouvés sans chambre. Nous étions épuisés, je n’ai trouvé où dormir que très difficilement et grâce à mes propres recherches. Ce qui m’arrivait n’est absolument rien comparé à certaines familles qui n’avaient d’autre choix que d’errer dans les couloirs de l’hôtel car elles n’avaient pas le bras long, une d’entres elles m’avait profondément bouleversé car les parents étaient vieux et leur fille était en fauteuil roulant.
Dès que les rites furent achevés, Hassen a fui en France alors que notre séjour n’était pas encore terminé. Les pèlerins se sont débrouillés seuls pour rentrer sans l’aide d’aucun représentant de cette agence.
Quand je suis arrivé en France, l’on m'a informé que la personne intermédiaire qui s’était occupée de ma réservation s’était fait arnaquée par Hassen.
À 28 ans, j’étais sans doute jeune et naïf à cette époque, mais j’avais rapidement compris que le commerce du pèlerinage était l’un des plus sales. Malheureusement, certains en font un véritable business sans l’éthique musulmane nécessaire.
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