Politique

Hortefeux-CFCM, le grand amour ? Signature d'une convention sur le suivi des actes anti-musulmans

Rédigé par Leïla Belghiti | Lundi 21 Juin 2010 à 00:00

Le CFCM le réclamait depuis plus d'un an : une convention-cadre a enfin été signée, jeudi 17 juin, entre le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, et le CFCM, consistant en la mise en œuvre d'un « suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France », à l'heure où des rapports européens épinglent l'Hexagone...



17 juin 2010, le ministre de l'Intérieur, en charge des cultes (à dr.) , et le président du CFCM, signent une convention-cadre sur le suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France.
Cette convention « est le résultat d'un dialogue serein, paisible et respectueux entre les pouvoirs publics et l'instance représentative du culte musulman en France », se réjouit le président du CFCM Mohammed Moussaoui, lors de la signature de la convention-cadre entre le ministère de l'Intérieur et le Conseil français du culte musulman, à l'Hôtel de Beauvau, ce jeudi 17 juin.

Sans omettre d'insister une énième fois sur la nécessité de la mise en place d'une mission parlementaire sur la montée de l'islamophobie. Une idée que le rapporteur de la commission Gérin sur le port du voile intégral, Éric Raoult (UMP), avait finalement fait sienne, en adressant une lettre au président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer.

Pour l'année 2009, 1 026 actes racistes ont été recensés, répartis entre « 220 actions et 806 menaces », rappellent MM. Hortefeux et Moussaoui, dont « au moins 30 % concernent la composante musulmane ». « Et les chiffres de 2010 ne sont guère rassurants », ajoute le président du CFCM. 143 personnes au total ont été interpellées en 2009.

Partenariat actif

« Ce fléau constitue une menace contre la cohésion nationale, nous devons l'affronter ensemble », a lancé M. Moussaoui. « Face à la bêtise et à la haine, la République se mobilise », déclare pour sa part M. Hortefeux.

Comment mettre en œuvre ce fameux « suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France » ? En organisant des réunions régulières, « au moins une par trimestre », précise le ministre, entre le CFCM et les services de l'Intérieur pour des échanges de statistiques. Des partenariats devraient voir le jour, au niveau local, entre les services de l'Etat et les conseils régionaux du culte musulman (CRCM), comme à Mons-en-Barœul, où s'est tenue, dimanche 20 juin, l'assemblée générale du CRCM Nord-Pas-de-Calais, avec la présence du président régional Amar Lasfar et une trentaine de responsables locaux.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, le CRCM se dit prêt à œuvrer dans l'esprit de la convention : « Nous avons une commission spécialisée sur les actes islamophobes depuis plus de trois ans », indique M. Lasfar à Saphirnews.

La Région a connu des soubresauts anti-musulmans sans précédent, avec les profanations successives du cimetière militaire Notre-Dame-de-Lorette, dont la dernière en date remonte à avril 2008. Depuis l'installation d'un système de vidéo-surveillance réclamé par le CRCM Nord-Pas-de-Calais, les combattants musulmans morts pour la France reposent en paix, mais les auteurs des méfaits n'ont pas encore été retrouvés.

Plusieurs rapports jugent la situation en France « préoccupante »

La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance a de nouveau épinglé la France, dans un rapport, rendu public mercredi 16 juin, et évoquant une « situation préoccupante », dans les domaines de « la perception de la police par les minorités, les préjugés contre les musulmans et le ton du débat sur l’immigration, le profilage racial », par exemple.

« La crainte de l'intégrisme ne doit pas se transformer en un rejet de l'islam et des musulmans », a estimé M. Moussaoui. « Les musulmans savent ce qu'ils doivent à la République, mais savent également ce qu'ils lui apportent », a-t-il conclu lors de la signature de la convention.

Et de citer la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), qui, dans son dernier rapport, rendu public le 31 mai, s'est inquiétée de la banalisation du racisme et de ses manifestations violentes. « Les membres de la communauté maghrébine sont les plus touchés » à la fois par les menaces et les actes de violence à caractère raciste, rappelle M. Moussaoui, citant le rapport qui précise que « c'est surtout la religion musulmane qui suscite une méfiance croissante en France ».

Ministre repenti ?

Du racisme et compagnie, Brice Hortefeux en sait quelque chose (sic), pour avoir écopé d'une amende 750 euros et de 2 000 euros de dommages et intérêts pour des propos tenus envers un jeune militant UMP d'origine maghrébine : « Quand il y en a un, ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes », avait lancé le ministre, filmé à son insu par une caméra pas si innocente.

La convention signée − qui semble, pour les plus sceptiques, n'avoir qu'une haute portée symbolique −, les quelque 5 à 6 millions de citoyens français de confession musulmane (la plus grande communauté musulmane d'Europe) veulent tout de même bien y croire, malgré la personnalité controversée du ministre, et espèrent connaître un climat enfin plus « apaisé ». Les mois et années à venir viendront confirmer leurs espoirs... ou leurs craintes.


Télécharger le 4e Rapport sur la France de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)

Télécharger le rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie 2009 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNDH)