Monde

'Il est facile d’accuser les musulmans de non intégration.'

Entretien avec Ehsan Hannan du Centre Musulman Londonien

Rédigé par Propos recueillis par Nadia Sweeny | Dimanche 7 Janvier 2007 à 12:39

Les musulmans en Grande Bretagne sont certes moins nombreux qu'en France, mais paraissent mieux organisés. Pour en savoir un peu plus sur nos compatriotes britanniques, nous avons interrogé Ehsan Hannan, responsable des relations publiques du Centre Musulman Londonien et de la Mosquée de l'est londonien.



SaphirNews : Connaissez-vous le nombre approximatif de musulmans présents en Grande Bretagne et spécifiquement à Londres ?

Grande Mosquée de l'est londonien

Ehsan Hannan : Selon les statistiques officielles, la population totale des musulmans en Grande Bretagne est estimée à 1,6 millions d’individus, soit environ 3% dela population britannique. Selon Le Guardian, en 2002, la population musulmane londonienne s’élevait à environ 1 million de personnes incluant le plus grand nombre d’expatriés du Kashmir du monde.










SaphirNews : Comment ressentez-vous « l’intégration » des musulmans dans la société britannique ?


Ehsan Hannan : De nombreux musulmans se sont bien intégrés à la société britannique par le biais du travail ou de l’école. Les musulmans pratiquants ne vont généralement pas s’orienter vers des fonctions où de l’alcool risque d’être servi, ils ne fréquentent évidemment pas les boites de nuit etc. Ils tendent donc à dessiner une certaine ligne de vie. Toutefois, certains non musulmans n’approuvent pas nécessairement toutes ces formes de socialisation.
L’intégration est un phénomène réel, mais le problème réside aussi dans la formation de Ghettos qui se sont crées, sans l’intervention ou la direction des gouvernements successifs. Maintenant nous nous rendons compte qu’il est du coup plus facile d’accuser les musulmans de non intégration.
Les gens qui connaissent et rencontrent de bons musulmans sont émerveillés par notre religion. Vous pouvez dire qu’ils commencent à sentir le « Din ». L’intégration s’est déjà plus ou moins produite dans ces ghettos, mais l’inquiétude surgit lorsque des nouveaux pratiquants envoient des signes distinctifs de haine envers les autres. Ces musulmans sont en rupture avec les autres pratiquants. Ils ne sont généralement pas courtois et coopératifs parce qu’ils ne comprennent pas certaines questions islamiques. Ils parlent de coopération avec des "conspirateurs" ou des "ennemis", mais les personnes lambda qui marchent dans la rue, ne sont pas des ennemis.
Ce qui me chagrine c'est que, souvent, le terme « intégration » est utilisé pour sous entendre « civiliser ».

SaphirNews : Le maire de Londres a fait un discours pour la fin du Ramadan. Que pensez-vous de l’implication de Ken Livinstone pour les musulmans ?

Fête de l'Aïd el Fitr au Trafalgar Square

Ehsan Hannan : D’après ce que je sais, il a participé à toutes les célébrations de toutes les religions présentes dans la capitale, pas seulement les musulmans. Son approche vis à vis des musulmans est chaleureuse. Il est très préoccupé par le fait que si une autre attaque terroriste survenait à Londres, il y aurait une répression anti-musulmane très violente. C’est effrayant. Il veut encourager l’engagement musulman, mettre fin à leur isolement et mettre en avant leur contribution.

SaphirNews : Que pensez-vous du débat sur le Niqab ?


Ehsan Hannan : Ce débat vise les femmes et la question de l’obligation ou non de porter le Niqab. C'est un débat légitime.
Un détail frappant est que le procès de la jeune femme qui a porté le Niqab à l’école, était singulièrement précédé de deux semaines par les commentaires de Jack Straw. (ndlr : politicien anglais, ancien ministre de l’Intérieur puis des Affaires étrangères. Il lança la polémique sur le port du Niqab.) Je pense que ceci était planifié pour rassembler le public contre cette jeune femme professeur. Ceci nous a été très préjudiciable, bien que certains écrivains aient défendu notre cause.