Religions

Ils sont les anti-aïd

Rédigé par Fouad Bahri | Mercredi 18 Janvier 2006 à 12:44

Ils se veulent les défenseurs de la cause animale. Ils n'aiment pas beaucoup l'aïd. Ils sont motivés et bien organisés. Leur rêve ? Convertir le monde à la foi végétarienne. Leur dernier allié en date ? L'actuel ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy. Dressons le portrait de ces mouvements partis en croisade contre "l'obscurantisme des consommateurs".



Ils ont mangé du lion. Ils ont même pris du poil de la bête. Ces expressions communes de la langue française, les organisations de défense animale les verraient bien comme de la pure provocation, voire comme une déclaration de guerre. Et pourtant, de la Société protectrice des animaux (SPA) au mouvement Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA), en passant par la fondation Bardot (de l'ancienne actrice, Brigitte Bardot) elles leurs iraient toutes comme un gant.

Depuis longtemps, certaines de ces organisations militent pour une interdiction générale de l'égorgement des bêtes, sans étourdissement préalable. En effet, la loi française, qui interdit déjà l'égorgement des bêtes, prévoit une exception pour les abattages rituels. Sont concernés au premier chef les juifs et les musulmans. Cette exception juridique ne satisfait pas les organisations en question qui militent depuis quarante ans pour son abrogation. En tête de cortège figure Brigitte Bardot qui a fait de cette interdiction, selon ses propres mots, le combat de sa vie.








Une fatwa égyptienne

Ce combat ne date pas d'hier. Dès 1962, Brigitte Bardot se prononce, au cours de l'émission Cinq colonnes à la une , en faveur de l'étourdissement des bêtes avant leur abattage. Selon le témoignage de l'actrice française, disponible sur le site de la fondation, elle rencontre quelques jours plus tard le ministre de l'Intérieur de l'époque et lui présente quelques pistolets pour endormir le bétail. Un travail de lobbying qui aurait trouvé son aboutissement dans la loi de 1974, évoquée plus haut.

Depuis, Brigitte Bardot tente de convaincre les autorités religieuses musulmanes de renoncer à l'égorgement des bêtes, en ayant recours préalablement à l'électronarcose, méthode d'étourdissement par électrocution. Elle écrit une lettre à la Mosquée de Paris le 17 mai 1999 et finit par rencontrer son recteur le 11 février 2004. Ses efforts semblent payer. « La Mosquée de Paris partage la position de son grand Mufti de la Mosquée de Lyon qui vous avait précisé que rien ne s'opposait à l'étourdissement préalable de l'animal à condition que cet étourdissement ne porte pas atteinte au caractère vital de celui-ci. » 

Pour tenter de convaincre son public, la fondation Bardot n'hésite plus à invoquer la jurisprudence islamique et ses fatwas. Dans l'avis¹ de l'Institut suisse de droit comparé « sur l'étourdissement des animaux avant leur abattage », rédigé par le docteur en droit Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, on peut lire une fatwa, rendue le 18 décembre 1978 par la Commission de fatwa égyptienne, qui précise : « si l'électronarcose de l'animal ou tout autre procédé d'anesthésie aide à saigner l'animal en affaiblissant sa résistance lors de la saignée, et si cette électronarcose n'a pas d'effet sur sa vie (c'est-à-dire que l'animal revient à la vie normale s'il est laissé non-saigné), il est permis de recourir à une telle électronarcose ou tout autre procédé d'anesthésie allant dans ce sens avant la saignée ; la viande de l'animal saigné de la sorte est licite. »

Or, selon l'actrice, "pour que la viande soit consommable, l'animal doit être vivant au moment de la saignée, le cœur devant continuer à battre pour évacuer le sang des artères et jugulaires tranchées. L'étourdissement n'a donc pas pour objet de provoquer la mort mais de placer l'animal dans un état d'inconscience afin de limiter sa souffrance."
Une démonstration de l'efficacité de cette méthode aurait même été organisée auprès des musulmans d'Allemagne par l'OEBA. Avec succès.

Donc, tout va bien. « Ni la Bible ou le Talmud, ni le Coran ou la Sunna de Mahomet, constituant respectivement les deux sources de droit chez les juifs et les musulmans, ne contiennent de règles contraignantes prescrivant l'abattage sans étourdissement ou interdisant la consommation de viande issue d'animaux ayant été étourdis avant la saignée. Au contraire, ces sources recommandent de réduire la souffrance des animaux autant que faire se peut. » CQFD.

Pourtant, qu'on ne s'y trompe pas. Au cas où les arguments pédagogiques de Brigitte Bardot ne suffiraient pas, tout un arsenal répressif serait mis en œuvre. Des poursuites judiciaires sont systématiquement entreprises contre tous ceux qui s'improviseraient sacrificateurs. Plusieurs éleveurs et bouchers du Gard et de la Seine-saint-Denis en ont déjà fait les frais. La fondation Bardot n'hésite plus à saisir l'Office fédérale vétérinaire suisse pour des contrôles de bêtes françaises pourtant sacrifiées en toute légalité.





Avec Sarkozy, nous avons le même langage

Le monde politique n'est pas en reste. Le ministère de l'agriculture, sensibilisé aux thèses animaphiles, est régulièrement interpellé.

Idem Place Beauvau. L'accueil fait à l'actrice, le 5 octobre dernier, est révélateur de la proximité politique du gouvernement avec le lobby animalier. Brigitte Bardot est alors reçue personnellement par Nicolas Sarkozy qui lui témoigne son soutien chaleureux. « Nous avons, avec Mr Sarkozy, le même langage… il a promis de ne pas me décevoir. »

Vice-président de la commission chargée des questions d'abattage rituel et de la viande halal au Conseil Français du culte musulman (CFCM), Khaled Bouchama confirme cette présence politique du duo OEBA-Fondation Bardot. « L'an dernier, au cours de la conférence ministérielle du CFCM avec le ministre de l'Intérieur, des membres de l'OEBA avaient été invités. Ils étaient présents pour défendre leur position sur l'étourdissement pré-sacrificiel des bêtes. »

Fort du soutien de cinquante députés, revendiqué par sa fondation, Bardot n'hésite plus à critiquer ouvertement des décisions de justice. « Les tribunaux font parfois preuve d'un laxisme déconcertant comme nous avons encore pu le constater dans cette affaire : En février 2003, lors de la fête de l'Aïd, une cinquantaine de moutons a été égorgée dans l'arrière-cour d'une ferme, à Chaponost (Rhône). Seules trois personnes, les propriétaires de la ferme qui avaient mis leurs locaux à la disposition des égorgeurs, ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel de Lyon. Mais le parquet n'a pas retenu les infractions de mauvais traitements et d'abattages clandestins…Quant au tribunal correctionnel de Lyon, le 7 novembre 2003, il a tout simplement relaxé les prévenus et débouté la FBB et la SPA de leurs demandes ! »

Cette irritation face à la justice peut se comprendre. L'actrice qui multiplie les propos xénophobes et anti-arabe a été condamnée en juin 2004 pour incitation à la haine raciale, dans son dernier livre. Un cri dans le silence.


Sa dernière attaque en règle ? Nicolas Sarkozy. Elle lui reproche sa « lâcheté » dans une lettre ouverte, et qualifie sa politique de creuse et d'inerte en la comparant à celle de Chirac.


Comme disait Pascal, il arrive souvent que, qui veut faire l'ange, fait la bête .


Lundi 16 Janvier 2006





Fouad Bahri