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Immigration : fardeau économique ?

Rédigé par Louis Nayberg | Samedi 27 Juillet 2013 à 00:00



La plaque du ministère de l'Immigration mis en place durant l'ère sarkozyste.
Véritable loup blanc des débats politiques, l’immigration est un des principaux facteurs de clivage partisan. Et dans ce domaine, tout est dit et son contraire : chacun y va de son affirmation, de ses certitudes et de son expérience. Bref peu de choses réfléchies et peu d’études sérieuses sont avancées. Ne parlons pas de certains qui voient dans l’immigration un mal économique absolu sans autre argument que leur préjugé.

Evidemment, le livre L’immigration coûte cher à la France, Qu’en pensent les économistes ?, de Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, aborde essentiellement les questions économiques concernant l’immigration, mais effleure parfois des questions de société.

Le livre commis par les deux économistes permet vraiment d’atteindre la substantifique moelle sur le sujet. Les auteurs ne tombent dans aucun excès et décortiquent clairement leur méthode d’analyse et les études citées. Il est fort agréable de lire un travail aussi clair et construit sur le sujet.

Afin de déflorer le sujet et de ne pas trop éprouver les attentes du lecteur, résumons l’esprit des études intéressant le sujet : l’immigration n’est pas un coût et son impact est légèrement positif, bien qu’il ne faille pas en faire un totem de bienfaits économiques.

Quelques ordres de grandeur

Tout d’abord, la définition statistique d’un immigré : personne née étrangère, à l’étranger ; cela inclut donc les Français naturalisés nés à l’étranger, mais un étranger né en France ne sera pas considéré comme un immigré. En 2008, la France comptait 5,2 millions d’immigrés, soit 8,4 % de sa population (21,3 % au Canada et 13,1 % en Allemagne) contre 3 % au début du siècle dernier mais déjà 7,4 % en 1975. Parmi les immigrés, 40 % viennent d’Europe et autant d’Afrique (principalement du Maghreb).

Depuis 2002, environ 200 000 ressortissants étrangers s’établissent chaque année en France (contre 800 000 en Allemagne) soit, selon son penchant politique, l’équivalent de la ville de Rennes ou 0,31 % de la population totale. Internationalement, la France est donc un des pays les plus fermés à l’immigration. Le solde migratoire est d’environ 75 000 personnes ces dernières années (soit 125 000 départs par an), soit une ville comme Calais ou La Rochelle. D’autre part, la population immigrée ne contribue que peu à l’accroissement démographique français qui résulte principalement du solde naturel.

Les immigrés ne tirent pas les salaires vers le bas et ne volent pas nos emplois

La question du chômage et celle des inégalités salariales sont les deux faces d’une même pièce : dans les économies avec un marché du travail souple et flexible, l’immigration est accusée de baisser les salaires des travailleurs peu qualifiés (ajustement du marché du travail par le prix) ; dans les économies avec un marché du travail plus protégé, elle est accusée de provoquer leur chômage (ajustement du marché du travail par les quantités).

Concernant les salaires, que dit la théorie économique ? Un afflux d’immigrés constitue un choc d’offre de travail et donc, toutes choses étant égales par ailleurs, le salaire va baisser jusqu’à atteindre un nouvel équilibre avec la demande de travail supposée constante. Mais plusieurs effets théoriques peuvent venir contrarier a priori ce choc : les rigidités salariales (salaire minimum…), les effets d’équilibre général (augmentation relative du prix du capital et donc incitation à investir), hétérogénéité des travailleurs (les immigrés peuvent être complémentaires, et donc améliorer la productivité globale, l’effet négatif ne jouerait que sur les immigrés précédents)… L’effet théorique de l’immigration est incertain (comme souvent en économie) et seules les études empiriques peuvent trancher.

Conclusion : la plupart des travaux convergent sur le fait que l’immigration a un impact faible sur le salaire des natifs, négatif dans les méthodes traditionnelles (niveau local) et positif dans des méthodes plus récentes et plus affinées (niveau global).

Concernant le chômage, les économistes aboutissent à un relatif consensus (incroyable mais vrai !) : l’immigration n’a pas d’effets marqués sur le marché du travail. Comme pour les salaires, la corrélation entre taux de chômage et proportion d’immigrés est faible. En réalité, cette question se résume à la métaphore du partage du gâteau, et les économistes ne cesseront pas de le rappeler : le marché du travail n’est pas un gâteau que l’on découpe ! Il faut raisonner en termes dynamiques et non statiques, ceci vaut également pour les 35 heures !

Ce qui ressort des études, c’est que les migrants sont rapidement absorbés par le marché du travail. Pourquoi ? Parce que les immigrés augmentent également la demande de biens et services, que souvent ils sont dans une relation de complémentarité avec les autochtones et que le capital s’ajuste à la quantité de travail à terme.

L’immigration n’est pas un fardeau pour les finances publiques

L’immigration est souvent pointée du doigt comme pesant sur les finances publiques. L’attention se focalise notamment sur l’attraction de la protection sociale (welfare magnet effect). Si cet effet peut avoir un certain fondement, il est négligeable par rapport à l’attrait de hauts salaires que proposent les pays développés. Il est vrai que les immigrés sont surreprésentés parmi les bénéficiaires des aides sociales, mais cela s’explique par leurs caractéristiques sociodémographiques : seul persiste un magnet effect pour les allocations chômage et le RSA.

Les études statiques et dynamiques de l’impact budgétaire de l’immigration vont toutes dans le même sens : les immigrés contribuent positivement au budget de l’Etat, mais l’effet reste marginal, voire très marginal. Si l’immigration n’est pas un fardeau, elle n’est pas une aubaine financière évidente. En effet, cet impact positif mais modéré s’explique essentiellement par le fait que cette population est plus jeune que les natifs.


« L’illusion économique d’une politique d’immigration »

Avec sagesse et modestie, les auteurs reconnaissent que l’analyse économique ne définit pas ce que devrait être le « bon » niveau d’immigration pour l’économie. Une politique volontariste pourrait certes retarder le vieillissement démographique mais dans des proportions limitées. Une sélection accrue, quant à elle, produit des effets positifs à court terme mais des effets à long terme bien plus incertains (retraites plus élevées, espérance de vie plus longue…).

Autrement dit, le choix d’une politique d’immigration doit se faire non sur des arguments économiques mais sur des idées politiques et culturelles.

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Xavier CHOJNICKI, Lionel RAGOT, L’immigration coûte cher à la France, Qu’en pensent les économistes ?, Collection On entend dire que, Les Echos Editions – Eyrolles, 2012, 105 pages, 12 €.