Parmi les concepts de la tradition musulmane qui suscitent de nos jours des débats parfois passionnés et agités, en particulier sur Internet et les réseaux sociaux, il y a le concept de l’innovation, dite « bid’ah » ou « muhdathah » en arabe. La célébration du Mawlid célébrant la naissance du Prophète Muhammad est souvent l’occasion de ces débats qui opposent deux visions difficilement conciliables.
À travers cette note, nous souhaitons revisiter ce concept et présenter, à son sujet, la vision que nous estimons la plus conforme à l’esprit de la tradition musulmane.
Précisons d’emblée que le débat que nous évoquons ne concerne que les innovations qui touchent au domaine cultuel, étant admis que l’acceptation ou le rejet d’une innovation dans le domaine profane ne dépend que de sa conformité ou non aux principes du droit.
À travers cette note, nous souhaitons revisiter ce concept et présenter, à son sujet, la vision que nous estimons la plus conforme à l’esprit de la tradition musulmane.
Précisons d’emblée que le débat que nous évoquons ne concerne que les innovations qui touchent au domaine cultuel, étant admis que l’acceptation ou le rejet d’une innovation dans le domaine profane ne dépend que de sa conformité ou non aux principes du droit.
1. Une innovation n’est pas toujours blâmable, elle est parfois obligatoire
Du point de vue linguistique, les termes arabes « muhdathah » ou « bid’ah » désignent un fait nouveau et originel sans modèle précédent. Ibn Manzour, dans son célèbre livre-dictionnaire Lisân al-'arab en donne une définition en lien direct avec la terminologie religieuse.
Selon cette terminologie, le concept renferme deux réalités diamétralement opposées. En effet, lorsque le terme « bid’ah » est utilisé sans adjectif supplémentaire ou avec un adjectif à connotation négative telle que « bid’ah sayyiah », ces expressions renvoient à un fait illicite (haram) ou déconseillé (makrouh). A l’inverse, lorsque le terme « bid’ah » est accompagné d’un adjectif à connotation positive telle que « bid’ah hassanah », ces expressions renvoient à un fait autorisé (mubah) ou recommandé (mustahab), voire obligatoire (wajib).
Dans le même sillage, l’imam Albayhaqi dans son livre Manaqib Ash-shâfi’i attribue à l’imam Ash-Shafi’i cette célèbre formule : « L’innovation (muhdathah) est de deux sortes : la première, celle qui contredit (l’une des sources du droit musulman) : le Coran, la tradition prophétique ou le consensus, celle-ci est l’innovation (bid’ah) de l’égarement. La seconde, celle qui introduit un bien et qui ne comporte aucune contradiction avec les sources précédentes, cette innovation (muhdathah) ne saurait être blâmable ».
Ce type de classification est également adopté par de nombreux savants tels que l’imam An-Nawawi dans son commentaire de Sahih Muslim, l’imam Ibn Hajar Al‘asqalâni dans son commentaire de Sahih Al-Bukhari, les imams Ibn ‘Abd Al-Barr et Ibn ‘Arabi.
En réalité, cette vision, très largement majoritaire dans les écoles du droit musulman, pour ne pas dire consensuelle, considère que ce n’est pas le caractère innovant qui détermine le statut d’un fait, mais surtout sa conformité ou non aux principes et fondements de l’islam.
Partant de la parole célèbre du calife Omar par laquelle il qualifia les prières nocturnes du mois du Ramadan (tarawih) d'une « bonne bid’ah », l’imam Ash-Shatibi, à l’instar d’autres savants, semble préférer désigner ce type d’innovation par les termes al-massâlih al-mursalah ou al-istislâh qui renvoient aux principes de l'utilité publique et de la continuité de la norme juridique, tout en admettant qu’on puisse qualifier de « bid’ah » certaines innovations conformes aux principes et fondements de l’islam. En somme, il s’agit là d’un choix de terminologie qui n’a pas de conséquence notable sur le fond du débat.
Toutefois, la définition de l’imam Ash-Shâtibî de « bid’ah » comme étant « une voie dans la religion, inventée, qui ressemble à la voie légale (shar’) mais qui a pour finalité d'amener celle ou celui qui l'emprunte à l'excès dans l'adoration d’Allah l'Exalté », a souvent été mal comprise et mal appliquée aux exemples concrets.
Quant à ceux qui considèrent que toute innovation (muhdathah), qu’elle soit conforme ou non aux principes de l’islam, doit être rejetée, leur position très minoritaire ne peut tenir face aux innombrables innovations unanimement acceptées par les musulmans comme nous le verrons ici.
Selon cette terminologie, le concept renferme deux réalités diamétralement opposées. En effet, lorsque le terme « bid’ah » est utilisé sans adjectif supplémentaire ou avec un adjectif à connotation négative telle que « bid’ah sayyiah », ces expressions renvoient à un fait illicite (haram) ou déconseillé (makrouh). A l’inverse, lorsque le terme « bid’ah » est accompagné d’un adjectif à connotation positive telle que « bid’ah hassanah », ces expressions renvoient à un fait autorisé (mubah) ou recommandé (mustahab), voire obligatoire (wajib).
Dans le même sillage, l’imam Albayhaqi dans son livre Manaqib Ash-shâfi’i attribue à l’imam Ash-Shafi’i cette célèbre formule : « L’innovation (muhdathah) est de deux sortes : la première, celle qui contredit (l’une des sources du droit musulman) : le Coran, la tradition prophétique ou le consensus, celle-ci est l’innovation (bid’ah) de l’égarement. La seconde, celle qui introduit un bien et qui ne comporte aucune contradiction avec les sources précédentes, cette innovation (muhdathah) ne saurait être blâmable ».
Ce type de classification est également adopté par de nombreux savants tels que l’imam An-Nawawi dans son commentaire de Sahih Muslim, l’imam Ibn Hajar Al‘asqalâni dans son commentaire de Sahih Al-Bukhari, les imams Ibn ‘Abd Al-Barr et Ibn ‘Arabi.
En réalité, cette vision, très largement majoritaire dans les écoles du droit musulman, pour ne pas dire consensuelle, considère que ce n’est pas le caractère innovant qui détermine le statut d’un fait, mais surtout sa conformité ou non aux principes et fondements de l’islam.
Partant de la parole célèbre du calife Omar par laquelle il qualifia les prières nocturnes du mois du Ramadan (tarawih) d'une « bonne bid’ah », l’imam Ash-Shatibi, à l’instar d’autres savants, semble préférer désigner ce type d’innovation par les termes al-massâlih al-mursalah ou al-istislâh qui renvoient aux principes de l'utilité publique et de la continuité de la norme juridique, tout en admettant qu’on puisse qualifier de « bid’ah » certaines innovations conformes aux principes et fondements de l’islam. En somme, il s’agit là d’un choix de terminologie qui n’a pas de conséquence notable sur le fond du débat.
Toutefois, la définition de l’imam Ash-Shâtibî de « bid’ah » comme étant « une voie dans la religion, inventée, qui ressemble à la voie légale (shar’) mais qui a pour finalité d'amener celle ou celui qui l'emprunte à l'excès dans l'adoration d’Allah l'Exalté », a souvent été mal comprise et mal appliquée aux exemples concrets.
Quant à ceux qui considèrent que toute innovation (muhdathah), qu’elle soit conforme ou non aux principes de l’islam, doit être rejetée, leur position très minoritaire ne peut tenir face aux innombrables innovations unanimement acceptées par les musulmans comme nous le verrons ici.
2. L’Innovation selon les textes fondateurs
Dans le Coran, on trouve le terme « bid’ah » ou l’un de ses dérivés dans quatre versets. Ainsi, dans la sourate « Al-Hadid », on peut lire :
« Nous avons envoyé ensuite sur leurs traces Nos autres prophètes que Nous avons fait suivre de Jésus, fils de Marie, à qui Nous avons donné l'Évangile. Et Nous avons fait naître dans le cœur de ceux qui l'ont suivi la bonté et la compassion. Quant au monachisme (rahbaniyatane), qu'ils ont instauré eux-mêmes, Nous ne le leur avons point imposé. Ils y étaient seulement poussés par leur propre désir d'être agréables à Dieu, sans pour autant l'observer comme ils auraient dû le faire » (Saint Coran, S. 57, v. 27).
Dans ce verset, l’expression « ont instauré eux-mêmes » est la traduction de « ibtada’ouhâ », qui un dérivé de « bid’ah ». Il est à noter que, dans ce verset, ce n’est pas l’innovation du monachisme (rahbaniyah) en soi qui est blâmée, mais le fait qu’ils ne l’aient pas observé comme ils auraient dû le faire.
Quant à la tradition prophétique (sunna), ses textes en lien plus ou moins direct avec le concept de l’innovation sont très nombreux. Nous en rappelons ici quelques exemples :
a. Le hadith de Jarîr Ibn Abdellah Albajalî dans Sahih Muslim, n° 2348 : « Si quelqu’un introduit dans l’islam une bonne tradition (sunna hassanah), il bénéficiera de sa récompense et aura une récompense à chaque fois que d’autres la mettront en œuvre, sans que la récompense de ces derniers soit diminuée. Celui qui introduit en islam une mauvaise tradition (sunna sayyiah), il sera tenu responsable de ses méfaits et des méfaits de ceux qui la mettront en œuvre, sans que la responsabilité de ces derniers soit allégée. » C’est sur ce hadith que l’imam An-Nawawi fonde sa vision sur l’innovation.
b. Le hadith de la mère des croyants Aïcha dans Sahih Al-Bukhari, n° 2697, et Sahih Muslim, n° 1718 : « Celui qui innove dans notre affaire-ci (la religion) une chose qui n'en fait pas partie, alors cette chose est rejetée. »
L’imam Ibn Hajar Al-Asqalânî, dans son commentaire de Sahih Al Bukhari, indique que ce hadith fait partie des textes fondateurs de l’islam et renvoie à l’un de ses principes essentiels et l’une de ses règles générales : celui qui instaure en islam un fait nouveau non conforme à ses principes, ce fait est rejeté ; a contrario, si le fait introduit est conforme aux principes de l’islam, il est accepté. En d’autres termes, si c’est la nouveauté qui était visée, le Prophète n’aurait pas rajouté l’expression « qui n'en fait pas partie ». C’est cette dernière précision qui fait la différence.
Notre note ne serait pas complète sans mentionner un des hadiths largement invoqué dans les débats sur la « bid’ah ». Ce hadith qualifié d’authentique (sahih) est rapporté sous diverses variantes. La version de Sahih Muslim, n°867, est rapportée par Jabir ibn Abdellah : « Certes, la parole la plus véridique est le livre d'Allah et la meilleure guidée est la guidée de Muhammad. Certes, les plus mauvaises choses sont les innovations et toute innovation "muhdathatine" est bid’ah, et toute bid’ah est égarement. » L’imam An-Nawawi précise que l’expression « toute innovation est bid’ah », traduction de « kullu muhdathatine bid’ah » doit être comprise au sens suivant : toute innovation non conforme aux principes de la voie légale est bid’ah (au sens de l’égarement).
En effet, il est assez courant, en arabe, d’utiliser le mot « kullu » pour désigner une partie et non forcément la totalité. Ainsi, dans le Saint Coran, dans un récit sur le peuple du Prophète Houd : « Apercevant un nuage qui se dirigeait vers leurs vallées, les `Âd s'écrièrent : "C'est un nuage chargé de pluie pour nous." – "Non ! C'est plutôt ce que vous étiez impatients de voir venir ! C'est un vent qui vous apporte un épouvantable malheur et qui détruit tout sur son passage, par ordre de son Seigneur" » (Al Ahqâf, s. 46, v. 24-25). Le vent n’a pas détruit tout, puisque le Prophète Houd et ceux qui l’ont suivi n’ont pas été touché par ce châtiment ! Mais chacun comprend que le vent a détruit tout ce qui avait mérité cette destruction.
Un autre exemple tiré du récit de la reine de Saba : « J'ai découvert que c'est une femme disposant de toute chose et ayant un magnifique trône » (Saint Coran, An-Naml, s. 27, v. 23). Personne ne peut imaginer que la reine disposait de toute chose, mais seulement qu’elle disposait de grandes ressources.
Ce n’est donc pas toute innovation qui est égarement, mais seulement celle qui mérite cette qualification, c’est-à-dire celle qui n’est pas conforme à la voie légale.
De nombreux exemples ont existé du temps du Prophète et des quatre califes, les voici.
« Nous avons envoyé ensuite sur leurs traces Nos autres prophètes que Nous avons fait suivre de Jésus, fils de Marie, à qui Nous avons donné l'Évangile. Et Nous avons fait naître dans le cœur de ceux qui l'ont suivi la bonté et la compassion. Quant au monachisme (rahbaniyatane), qu'ils ont instauré eux-mêmes, Nous ne le leur avons point imposé. Ils y étaient seulement poussés par leur propre désir d'être agréables à Dieu, sans pour autant l'observer comme ils auraient dû le faire » (Saint Coran, S. 57, v. 27).
Dans ce verset, l’expression « ont instauré eux-mêmes » est la traduction de « ibtada’ouhâ », qui un dérivé de « bid’ah ». Il est à noter que, dans ce verset, ce n’est pas l’innovation du monachisme (rahbaniyah) en soi qui est blâmée, mais le fait qu’ils ne l’aient pas observé comme ils auraient dû le faire.
Quant à la tradition prophétique (sunna), ses textes en lien plus ou moins direct avec le concept de l’innovation sont très nombreux. Nous en rappelons ici quelques exemples :
a. Le hadith de Jarîr Ibn Abdellah Albajalî dans Sahih Muslim, n° 2348 : « Si quelqu’un introduit dans l’islam une bonne tradition (sunna hassanah), il bénéficiera de sa récompense et aura une récompense à chaque fois que d’autres la mettront en œuvre, sans que la récompense de ces derniers soit diminuée. Celui qui introduit en islam une mauvaise tradition (sunna sayyiah), il sera tenu responsable de ses méfaits et des méfaits de ceux qui la mettront en œuvre, sans que la responsabilité de ces derniers soit allégée. » C’est sur ce hadith que l’imam An-Nawawi fonde sa vision sur l’innovation.
b. Le hadith de la mère des croyants Aïcha dans Sahih Al-Bukhari, n° 2697, et Sahih Muslim, n° 1718 : « Celui qui innove dans notre affaire-ci (la religion) une chose qui n'en fait pas partie, alors cette chose est rejetée. »
L’imam Ibn Hajar Al-Asqalânî, dans son commentaire de Sahih Al Bukhari, indique que ce hadith fait partie des textes fondateurs de l’islam et renvoie à l’un de ses principes essentiels et l’une de ses règles générales : celui qui instaure en islam un fait nouveau non conforme à ses principes, ce fait est rejeté ; a contrario, si le fait introduit est conforme aux principes de l’islam, il est accepté. En d’autres termes, si c’est la nouveauté qui était visée, le Prophète n’aurait pas rajouté l’expression « qui n'en fait pas partie ». C’est cette dernière précision qui fait la différence.
Notre note ne serait pas complète sans mentionner un des hadiths largement invoqué dans les débats sur la « bid’ah ». Ce hadith qualifié d’authentique (sahih) est rapporté sous diverses variantes. La version de Sahih Muslim, n°867, est rapportée par Jabir ibn Abdellah : « Certes, la parole la plus véridique est le livre d'Allah et la meilleure guidée est la guidée de Muhammad. Certes, les plus mauvaises choses sont les innovations et toute innovation "muhdathatine" est bid’ah, et toute bid’ah est égarement. » L’imam An-Nawawi précise que l’expression « toute innovation est bid’ah », traduction de « kullu muhdathatine bid’ah » doit être comprise au sens suivant : toute innovation non conforme aux principes de la voie légale est bid’ah (au sens de l’égarement).
En effet, il est assez courant, en arabe, d’utiliser le mot « kullu » pour désigner une partie et non forcément la totalité. Ainsi, dans le Saint Coran, dans un récit sur le peuple du Prophète Houd : « Apercevant un nuage qui se dirigeait vers leurs vallées, les `Âd s'écrièrent : "C'est un nuage chargé de pluie pour nous." – "Non ! C'est plutôt ce que vous étiez impatients de voir venir ! C'est un vent qui vous apporte un épouvantable malheur et qui détruit tout sur son passage, par ordre de son Seigneur" » (Al Ahqâf, s. 46, v. 24-25). Le vent n’a pas détruit tout, puisque le Prophète Houd et ceux qui l’ont suivi n’ont pas été touché par ce châtiment ! Mais chacun comprend que le vent a détruit tout ce qui avait mérité cette destruction.
Un autre exemple tiré du récit de la reine de Saba : « J'ai découvert que c'est une femme disposant de toute chose et ayant un magnifique trône » (Saint Coran, An-Naml, s. 27, v. 23). Personne ne peut imaginer que la reine disposait de toute chose, mais seulement qu’elle disposait de grandes ressources.
Ce n’est donc pas toute innovation qui est égarement, mais seulement celle qui mérite cette qualification, c’est-à-dire celle qui n’est pas conforme à la voie légale.
De nombreux exemples ont existé du temps du Prophète et des quatre califes, les voici.
3. Quelques exemples d’innovations « muhdathah » à l’époque du Prophète Muhammad
a. Dans un hadith célèbre de Sahih Al Bukhari, n° 1098, il est rapporté que Bilal, compagnon et muezzin du Prophète, a instauré une prière surérogatoire (nafilah) qu’il accomplissait après chaque ablution (purification rituelle). Le Prophète ne le lui a pas reproché. Au contraire, il lui a annoncé une bonne et heureuse récompense pour cette bonne œuvre.
b. Dans un hadith de Rifâ’a ibn Rafi’, dans Sahih Al Bukhari : « Nous prions sous la direction du Prophète. Quand il s’est remis de l’inclinaison (roukou’) en disant : "Allah écoute bien celui qui Le loue (sami’a Allah liman hamidah)", un homme a dit : "Ô Seigneur (Allah) ! A Toi les louanges, beaucoup de bonnes et généreuses louanges bénies, plein les cieux et plein la terre et plein de tout ce que Tu voudras au-delà d'eux" (rabanâ wa lakalhamd, hamdane kathîrane tayyibane mubârakane). A la fin de la prière, le Prophète dit : "Qui a parlé ?" L’homme répond : "Moi." Le Prophète dit : "J’ai vu plus de trente anges s’empresser pour l’inscrire (dans tes bonnes œuvres)". »
Ce hadith indique clairement que l’homme a prononcé une parole que le Prophète lui-même n’avait pas prononcée auparavant et que le Prophète ne le lui a pas reproché, au contraire !
c. Le hadith de Anas Ibn Malik (Al Bukhari n°774) rapporte que l’imam désigné par le Prophète, pour diriger les prières dans la mosquée Quba (près de Médine), avait pris l’habitude de réciter les deux sourates Al-Fatiha et Al-Ikhlas, suivies d’une autre sourate ou de quelques versets. Certains fidèles lui ont reproché de ne pas faire comme le Prophète Muhammad, qui avait l’habitude de réciter uniquement la Fatiha suivie d’une autre sourate. Interrogé par le Prophète sur la raison de cette pratique, l’imam lui dit qu’il aimait sourate Al-Ikhlas. Le Prophète lui dit alors : « Ton amour à cette sourate te fera rentrer au Paradis ! » Donc, loin de reprocher à l’imam de ne pas faire comme lui, le Prophète a, au contraire, agréé sa pratique.
b. Dans un hadith de Rifâ’a ibn Rafi’, dans Sahih Al Bukhari : « Nous prions sous la direction du Prophète. Quand il s’est remis de l’inclinaison (roukou’) en disant : "Allah écoute bien celui qui Le loue (sami’a Allah liman hamidah)", un homme a dit : "Ô Seigneur (Allah) ! A Toi les louanges, beaucoup de bonnes et généreuses louanges bénies, plein les cieux et plein la terre et plein de tout ce que Tu voudras au-delà d'eux" (rabanâ wa lakalhamd, hamdane kathîrane tayyibane mubârakane). A la fin de la prière, le Prophète dit : "Qui a parlé ?" L’homme répond : "Moi." Le Prophète dit : "J’ai vu plus de trente anges s’empresser pour l’inscrire (dans tes bonnes œuvres)". »
Ce hadith indique clairement que l’homme a prononcé une parole que le Prophète lui-même n’avait pas prononcée auparavant et que le Prophète ne le lui a pas reproché, au contraire !
c. Le hadith de Anas Ibn Malik (Al Bukhari n°774) rapporte que l’imam désigné par le Prophète, pour diriger les prières dans la mosquée Quba (près de Médine), avait pris l’habitude de réciter les deux sourates Al-Fatiha et Al-Ikhlas, suivies d’une autre sourate ou de quelques versets. Certains fidèles lui ont reproché de ne pas faire comme le Prophète Muhammad, qui avait l’habitude de réciter uniquement la Fatiha suivie d’une autre sourate. Interrogé par le Prophète sur la raison de cette pratique, l’imam lui dit qu’il aimait sourate Al-Ikhlas. Le Prophète lui dit alors : « Ton amour à cette sourate te fera rentrer au Paradis ! » Donc, loin de reprocher à l’imam de ne pas faire comme lui, le Prophète a, au contraire, agréé sa pratique.
4. Quelques exemples d’innovations « muhdathah » pendant et après les quatre califes
a. Le premier calife Abou Bakr As-Saddiq, à la demande d'Omar, a procédé à l’assemblage du Saint Coran sur un seul ouvrage, malgré la réticence de certains compagnons arguant que le Prophète ne l’a pas fait de son vivant (Sahih Al Bukhari, n° 4986).
b. L’instauration par Omar (QDA) de la prière de tarawih du mois de Ramadan dans la forme pratiquée de nos jours et qui qualifia lui-même de « bonne bid’ah », comme le rapportent l’imâm Mâlik dans le Muwatta et l’imâm Al Bukhâri dans son Sahih.
c. Abdellah Ibn Omar considérait que la prière Adh-Duha (lorsque le soleil s’élève dans l’horizon au matin), a été instaurée après Othman (QAG).
d. Othmane, a instauré un deuxième adhan pour appeler les fidèles à la prière du vendredi (Al Boukhari, n° 912).
e. A l’époque du Prophète Muhammad, les lettres de l’alphabet arabe ne comportaient pas de points diacritiques. Ainsi, les lettres ب ت ث ن ي s’écrivaient toutes de la même manière. Les points ont été introduits par Abu Al Aswad Adduali (mort en 69 après l’Hégire), compagnon de l’imam Ali, en réponse aux difficultés que rencontraient les musulmans non arabophones à lire le Coran.
Plus tard, son élève Yahya ibn Ya’mar (mort en 129 après l’Hégire), puis Ahmed Khalil Al Farâhîdî (mort en 173 après l’Hégire) et son élève Sibawayh (mort en 180 après l’Hégire), avaient introduit et perfectionné l’utilisation des voyelles simples et les règles de la grammaire.
Aujourd’hui, aucune personne sensée n’aurait l’idée de réécrire et, a fortiori, de diffuser le Saint Coran en alphabet arabe tel qu’il était à l’époque du Prophète. Car il serait illisible pour une grande majorité des musulmans !
b. L’instauration par Omar (QDA) de la prière de tarawih du mois de Ramadan dans la forme pratiquée de nos jours et qui qualifia lui-même de « bonne bid’ah », comme le rapportent l’imâm Mâlik dans le Muwatta et l’imâm Al Bukhâri dans son Sahih.
c. Abdellah Ibn Omar considérait que la prière Adh-Duha (lorsque le soleil s’élève dans l’horizon au matin), a été instaurée après Othman (QAG).
d. Othmane, a instauré un deuxième adhan pour appeler les fidèles à la prière du vendredi (Al Boukhari, n° 912).
e. A l’époque du Prophète Muhammad, les lettres de l’alphabet arabe ne comportaient pas de points diacritiques. Ainsi, les lettres ب ت ث ن ي s’écrivaient toutes de la même manière. Les points ont été introduits par Abu Al Aswad Adduali (mort en 69 après l’Hégire), compagnon de l’imam Ali, en réponse aux difficultés que rencontraient les musulmans non arabophones à lire le Coran.
Plus tard, son élève Yahya ibn Ya’mar (mort en 129 après l’Hégire), puis Ahmed Khalil Al Farâhîdî (mort en 173 après l’Hégire) et son élève Sibawayh (mort en 180 après l’Hégire), avaient introduit et perfectionné l’utilisation des voyelles simples et les règles de la grammaire.
Aujourd’hui, aucune personne sensée n’aurait l’idée de réécrire et, a fortiori, de diffuser le Saint Coran en alphabet arabe tel qu’il était à l’époque du Prophète. Car il serait illisible pour une grande majorité des musulmans !
Que faut-il conclure ?
La position majoritaire, qui consiste à évaluer chaque innovation à la lumière de sa conformité aux principes généraux de la religion musulmane et le bien qu’elle peut introduire dans la vie des Hommes, trouve ses appuis sur les textes fondateurs et les finalités de la religion musulmane.
C’est cette position qui a permis aux musulmans, tout au long de l’Histoire, de faire progresser de nombreux domaines des sciences religieuses et profanes en tirant profit de tous les savoirs que l’humanité a pu développer, tout en restant conformes aux principes et fondement du droit musulman.
L’évolution de la calligraphie arabe par l’introduction des points diacritiques et le développement de la grammaire arabe, inspirés par le souci de faciliter l’accès à la lecture et à la compréhension du texte coranique, ont permis par la même occasion de transformer la langue arabe d’une langue orale en langue écrite, avec des conséquences connues sur la diffusion du savoir.
La volonté des savants musulmans de déterminer la direction de la qibla ainsi que les horaires des prières canoniques (notamment la prière Al-Asr) leur a permis de faire progresser d’une manière significative les mathématiques, notamment et l’astronomie.
Le souci d’authentifier la parole du Prophète et de la sauvegarder de toute altération a permis d’inventer des sciences et procédures uniques et originales dans la transmission du savoir. L’innovation, loin d’être toujours attaché à l’égarement, a souvent été au cœur du progrès.
*****
Mohammed Moussaoui est président de l’Union des mosquées de France (UMF).
C’est cette position qui a permis aux musulmans, tout au long de l’Histoire, de faire progresser de nombreux domaines des sciences religieuses et profanes en tirant profit de tous les savoirs que l’humanité a pu développer, tout en restant conformes aux principes et fondement du droit musulman.
L’évolution de la calligraphie arabe par l’introduction des points diacritiques et le développement de la grammaire arabe, inspirés par le souci de faciliter l’accès à la lecture et à la compréhension du texte coranique, ont permis par la même occasion de transformer la langue arabe d’une langue orale en langue écrite, avec des conséquences connues sur la diffusion du savoir.
La volonté des savants musulmans de déterminer la direction de la qibla ainsi que les horaires des prières canoniques (notamment la prière Al-Asr) leur a permis de faire progresser d’une manière significative les mathématiques, notamment et l’astronomie.
Le souci d’authentifier la parole du Prophète et de la sauvegarder de toute altération a permis d’inventer des sciences et procédures uniques et originales dans la transmission du savoir. L’innovation, loin d’être toujours attaché à l’égarement, a souvent été au cœur du progrès.
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Mohammed Moussaoui est président de l’Union des mosquées de France (UMF).