M. Paul Bremer, a quitté Bagdad cet après-midi. Avant de prendre son vol, l’administrateur américain a remis une lettre officielle au gouvernement intérimaire irakien lui transférant ses pouvoirs. Cette cérémonie prévue pour le 30 juin, a été stratégiquement avancée. Les attaques des combattants irakiens hostiles à la présence des soldats alliés se font de plus en plus astucieuses et redoublent d’intensité. Une action d’éclat à la date initialement fixée était à craindre. Les forces d’occupation n’ont pas voulu prendre ce risque.
L’échec d’une occupation américaine
Au sortir de la cérémonie de passation célébrée sans grand bruit, M. Ghazi Yaour, président du gouvernement intérimaire irakien a qualifié ce lundi de : ' …journée historique, une journée heureuse, une journée que tous les Irakiens attendaient avec impatience '. Quelques heures plus tard, la télévision irakienne a retransmis la cérémonie de prestation de serment des membres du nouveau gouvernement.
C’est le 6 juillet 2003 que l’administrateur civil P. Bremer accède à l’idée d’un ' Conseil de gouvernement transitoire ' dont les pouvoirs sont limités à des questions d’ordre exécutif. Huit mois plus tard, un projet de nouvelle constitution irakienne est signé en même temps que l’on apprend le plan américain de transfert du pouvoir aux irakiens à la date du 30 juin 2004. Entre temps, Oudaï et Qoussaï, les fils de Saddam Hussein avaient été tués à Mossoul (22 juillet) et Saddam avait été arrêté (13 décembre) sans apporter d'accalmie aux attaques des combattants irakiens. L’Onu y perdra son représentant avant de décider de la fermeture de ses bureaux à Bagdad à fin du mois d’octobre.
La Coalition n’a pas su ramener le calme et la sécurité en Irak. Alors qu’elle s’activait à neutraliser les membres du parti Baas restés fidèles à M. Saddam Hussein, la Coalition a dû affronter la résistance de leaders chiites qui sont pourtant du nombre des victimes de Saddam Hussein. Sur le terrain, la guérilla n'était ni sunnite, ni chiite. Elle était simplement irakienne. Au fil du temps, elle devenait de plus en plus ingénieuse et de plus en plus dure avec des prises et des exécutions d’otages. L’alliance s’est effritée avec la décision de l’Espagne de retirer ses troupes. Le Honduras a suivi. Et pendant tout ce temps, les opinions publiques à travers le monde, y compris en Europe, n’ont cessé de montrer à M Bush et M. Blair combien leur choix d’attaquer l’Irak était un choix impopulaire.
160 000 soldats étrangers restent en Irak
C’est depuis Istanbul, où ils participent au sommet de l’Otan, que les présidents George Bush et Tony Blair ont suivi le déroulement de la passation de pouvoir aux irakiens. Tous les deux tentent de trouver un moyen d’impliquer l’Otan dans l’affaire irakienne. Une idée refusée par la France. La formation des nouvelles forces de police irakienne est le motif avancé pour justifier leur demande. Après le retrait de l’Onu, l’absence d’une présence européenne coordonnée ouvrirait la porte à l’installation de nouvelles puissances en Irak dont la possibilité de voir arriver des forces russes pour former ces nouvelles forces irakiennes. Ce qui n’est pas vu d’un bon œil par les Européens tant d’un point de vue militaire que d’un point de vue commercial. Le marché des armes étant l’un des plus florissants dans la région.
Pour M. Iyas Allaoui, Premier ministre irakien, et son gouvernement, l’objectif majeur est de ramener la paix et la sécurité dans le nouvel Irak avant les prochaines élections prévues en janvier 2005. Avant ces élections, tout projet à long terme est difficilement envisageable. Et comment ramener la sécurité alors que 160 000 soldats étrangers stationnent en Irak sans délai autre que ' le calme soit revenu '. Mais surtout comment s’affranchir de la tutelle américaine lorsque l’on doit sa légitimité aux soldats américains ?
En quittant l’Irak cet après-midi, l’administrateur Paul Bremer laisse derrière lui de nombreux points d’interrogation. En plus de la nouvelle monnaie, de la constitution provisoire, et du gouvernement intérimaire, M. Bremer ne laisse pas seulement la plus grande ambassade américaine à travers le monde. Il y laisse aussi M. Saddam Hussein qui sera bientôt inculpé devant un juge (irakien). Une ' chance ' que n’ont pas encore les prisonniers de l’île de Guantanamo.