Washington – Je me suis engagé dans la promotion du dialogue et de la compréhension entre l’Occident et le monde musulman il y a une vingtaine d’années, quand j’étais à Cambridge, à l’époque de la parution des Versets sataniques, de Salman Rushdie.
J’ai rencontré de nombreuses personnalités importantes à la Maison Blanche, au Pentagone et au Federal Bureau of Investigation. J’ai eu aussi l’occasion de m’entretenir avec des rabbins, des prêtres et des imams à travers le monde. Au bout du compte, malgré tout le travail que j’ai effectué en tant qu’ambassadeur de bonne volonté, j’ai fini par comprendre qu’il y a un malentendu continuel entre les musulmans et les Occidentaux, un malentendu qui engendre de l’antagonisme et des actes de violence tragiques.
Depuis le 11 septembre 2001, le monde arabe est perçu comme dangereux ; on fait un amalgame entre la culture et la religion. La mosaïque du monde islamique est vue comme un bloc monolithique hostile à l’Occident dans sa globalité. Quant au monde occidental, il est considéré comme moderne, décadent et laïc. Ces conceptions sont toutes deux profondément erronées et réductrices. Les efforts menés pour améliorer les relations entre les mondes musulman et occidental ont justement pour objectif de changer ces perceptions et de décoder ces cultures l’une pour l’autre. Ce travail de rapprochement est donc très utile à cet égard.
Il suffit de se référer aux tristes événements qui sont survenus en Amérique et de s’intéresser aux nouvelles internationales pour comprendre que la question des relations entre le monde musulman et l’Occident est plus que jamais d’actualité.
Aux Etats-Unis, la tragédie du marathon de Boston a suscité un sentiment de peur, de colère et de vengeance chez les Américains – bouleversés et désorientés par les ravages de l’attentat parmi les coureurs et les spectateurs – à l’encontre de leurs compatriotes musulmans qui sont innocents. Certains Américains font l’erreur de mettre tous les musulmans dans le même panier, les considérant tous comme faisant partie du même groupe homogène et dangereux. Des actes de violences insensés ont même été commis à l’encontre de Sikhs qui correspondent au profile stéréotypé – et faux – du musulman barbu coiffé d’un turban.
Finalement, ce sont l’ignorance, le manque de compassion et les sentiments d’impuissance et de colère qui poussent des individus à s’en prendre à d’autres et à les agresser.
Il existe bel et bien un fossé entre les musulmans et les Occidentaux. Cela a été démontré par une étude menée en avril 2012, par le Berkley Center for Religion, Peace and World Affairs de l’Université de Georgetown. Les conclusions de cette étude sont choquantes : 47 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans, interrogés sur l’islam, ont répondu par l’affirmative lorsqu’on leur a demandé si cette religion était incompatible avec les valeurs américaines. Une autre enquête effectuée cette année par le Public Religion Research Institute, portant sur la religion, les valeurs et les réformes dans le domaine de l’immigration révèle, elle aussi, que 47 % des sondés, à qui on a posé cette même question, pensent que les principes de l’islam ne sont pas conciliables avec le style de vie américain.
A la lumière de ces éléments, il est d’autant plus urgent d’agir pour améliorer la compréhension interconfessionnelle. C’est bien plus difficile de haïr – ou de ne pas aimer – quelqu’un en raison de ses croyances, quand on connaît cette personne, qu’on a partagé avec elle un repas ou une tasse de thé, qu’on a écouté son histoire – ses réussites ou ses échecs – et qu’on s’est donné le temps d’accepter cet individu en tant qu’être humain.
Mes amis de la cathédrale nationale de Washington, œuvrent, eux aussi, en faveur du dialogue interreligieux, à travers différentes initiatives, comme notamment le Forum du dimanche, qui consiste à réunir des intellectuels de toutes confessions pour chercher les raisons de l’intolérance religieuse et construire un avenir pluraliste pour nos enfants, en encourageant la compréhension mutuelle entre les différentes communautés religieuses.
La Ligue anti-diffamation, dont les membres sont majoritairement juifs, se soucie également de la protection des musulmans. Elle condamne la diffusion de la littérature haineuse contre la communauté musulmane et déplore les attaques contre les mosquées ainsi que les campagnes autorisées visant à imposer des limites aux musulmans américains dans la pratique de leur religion. La Société islamique de l’Amérique du Nord (ISNA) collabore, pour sa part, avec des organisations juives et chrétiennes pour la promotion de la tolérance et de la coopération entre les différentes communautés religieuses.
Les islamophobes ont recours aux textes sacrés pour soutenir que l’islam est catégoriquement incompatible avec les valeurs occidentales. Je souhaiterais pour ma part, qu’ils aillent au-delà des bribes d’informations auxquelles ils se réfèrent pour examiner de plus près la grande mosaïque que constitue l’islam – qui par ailleurs veut dire paix. Je voudrais rappeler à ces personnes que Tamerlan Tsarnaev ne symbolise pas l’islam, pas plus que Timothy McVeigh, ne représente le christianisme.
Cette façon de percevoir l’autre comme un groupe monolithique et statique ne donne rien de positif. Que ce soit dans la vie de tous les jours ou à l’échelle politique, l’incompréhension n’engendre que des conséquences négatives. Ce n’est qu’en adoptant le comportement vertueux d’Atticus Finch, célèbre personnage de l’écrivaine Harper Lee, que nous arriverons à mieux nous connaître : « Tu ne comprendras jamais une personne tant que tu n'envisageras pas la situation de son point de vue et tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n'essaieras pas de te mettre à sa place. »
* Ahmed Akbar est titulaire de la chaire Ibn Khaldun du département des études islamiques de l’American University à Washington. Il est également l’ancien haut-commissaire du Pakistan au Royaume-Uni et en Irlande et l’auteur de The Thistle and the Drone: How America’s War on Terror became a Global War on Tribal Islam
J’ai rencontré de nombreuses personnalités importantes à la Maison Blanche, au Pentagone et au Federal Bureau of Investigation. J’ai eu aussi l’occasion de m’entretenir avec des rabbins, des prêtres et des imams à travers le monde. Au bout du compte, malgré tout le travail que j’ai effectué en tant qu’ambassadeur de bonne volonté, j’ai fini par comprendre qu’il y a un malentendu continuel entre les musulmans et les Occidentaux, un malentendu qui engendre de l’antagonisme et des actes de violence tragiques.
Depuis le 11 septembre 2001, le monde arabe est perçu comme dangereux ; on fait un amalgame entre la culture et la religion. La mosaïque du monde islamique est vue comme un bloc monolithique hostile à l’Occident dans sa globalité. Quant au monde occidental, il est considéré comme moderne, décadent et laïc. Ces conceptions sont toutes deux profondément erronées et réductrices. Les efforts menés pour améliorer les relations entre les mondes musulman et occidental ont justement pour objectif de changer ces perceptions et de décoder ces cultures l’une pour l’autre. Ce travail de rapprochement est donc très utile à cet égard.
Il suffit de se référer aux tristes événements qui sont survenus en Amérique et de s’intéresser aux nouvelles internationales pour comprendre que la question des relations entre le monde musulman et l’Occident est plus que jamais d’actualité.
Aux Etats-Unis, la tragédie du marathon de Boston a suscité un sentiment de peur, de colère et de vengeance chez les Américains – bouleversés et désorientés par les ravages de l’attentat parmi les coureurs et les spectateurs – à l’encontre de leurs compatriotes musulmans qui sont innocents. Certains Américains font l’erreur de mettre tous les musulmans dans le même panier, les considérant tous comme faisant partie du même groupe homogène et dangereux. Des actes de violences insensés ont même été commis à l’encontre de Sikhs qui correspondent au profile stéréotypé – et faux – du musulman barbu coiffé d’un turban.
Finalement, ce sont l’ignorance, le manque de compassion et les sentiments d’impuissance et de colère qui poussent des individus à s’en prendre à d’autres et à les agresser.
Il existe bel et bien un fossé entre les musulmans et les Occidentaux. Cela a été démontré par une étude menée en avril 2012, par le Berkley Center for Religion, Peace and World Affairs de l’Université de Georgetown. Les conclusions de cette étude sont choquantes : 47 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans, interrogés sur l’islam, ont répondu par l’affirmative lorsqu’on leur a demandé si cette religion était incompatible avec les valeurs américaines. Une autre enquête effectuée cette année par le Public Religion Research Institute, portant sur la religion, les valeurs et les réformes dans le domaine de l’immigration révèle, elle aussi, que 47 % des sondés, à qui on a posé cette même question, pensent que les principes de l’islam ne sont pas conciliables avec le style de vie américain.
A la lumière de ces éléments, il est d’autant plus urgent d’agir pour améliorer la compréhension interconfessionnelle. C’est bien plus difficile de haïr – ou de ne pas aimer – quelqu’un en raison de ses croyances, quand on connaît cette personne, qu’on a partagé avec elle un repas ou une tasse de thé, qu’on a écouté son histoire – ses réussites ou ses échecs – et qu’on s’est donné le temps d’accepter cet individu en tant qu’être humain.
Mes amis de la cathédrale nationale de Washington, œuvrent, eux aussi, en faveur du dialogue interreligieux, à travers différentes initiatives, comme notamment le Forum du dimanche, qui consiste à réunir des intellectuels de toutes confessions pour chercher les raisons de l’intolérance religieuse et construire un avenir pluraliste pour nos enfants, en encourageant la compréhension mutuelle entre les différentes communautés religieuses.
La Ligue anti-diffamation, dont les membres sont majoritairement juifs, se soucie également de la protection des musulmans. Elle condamne la diffusion de la littérature haineuse contre la communauté musulmane et déplore les attaques contre les mosquées ainsi que les campagnes autorisées visant à imposer des limites aux musulmans américains dans la pratique de leur religion. La Société islamique de l’Amérique du Nord (ISNA) collabore, pour sa part, avec des organisations juives et chrétiennes pour la promotion de la tolérance et de la coopération entre les différentes communautés religieuses.
Les islamophobes ont recours aux textes sacrés pour soutenir que l’islam est catégoriquement incompatible avec les valeurs occidentales. Je souhaiterais pour ma part, qu’ils aillent au-delà des bribes d’informations auxquelles ils se réfèrent pour examiner de plus près la grande mosaïque que constitue l’islam – qui par ailleurs veut dire paix. Je voudrais rappeler à ces personnes que Tamerlan Tsarnaev ne symbolise pas l’islam, pas plus que Timothy McVeigh, ne représente le christianisme.
Cette façon de percevoir l’autre comme un groupe monolithique et statique ne donne rien de positif. Que ce soit dans la vie de tous les jours ou à l’échelle politique, l’incompréhension n’engendre que des conséquences négatives. Ce n’est qu’en adoptant le comportement vertueux d’Atticus Finch, célèbre personnage de l’écrivaine Harper Lee, que nous arriverons à mieux nous connaître : « Tu ne comprendras jamais une personne tant que tu n'envisageras pas la situation de son point de vue et tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n'essaieras pas de te mettre à sa place. »
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