L’islam est au cœur des débats de société français : voile, burqa, halal … chaque pratique est prétexte à polémique. Ces dernières années, le débat a pris une ampleur européenne : du référendum suisse sur les minarets aux livres de Christopher Caldwell, les interrogations autour de l’islam font le tour de l’Europe. Récemment encore, Tony Blair appelait les musulmans européens à faire entendre la voix des modérés face aux menaces extrémistes.
Le livre L'Islam, une religion américaine ?, de Nadia Marzouki, paru aux Editions du Seuil, nous rappelle que ce débat a traversé l’Atlantique et se pose aussi aux Etats-Unis.
Le livre L'Islam, une religion américaine ?, de Nadia Marzouki, paru aux Editions du Seuil, nous rappelle que ce débat a traversé l’Atlantique et se pose aussi aux Etats-Unis.
Islam et démocratie : une totale incompatibilité ?
L’auteure, chercheuse de l’Institut européen de Florence, se donne pour ambition de réfléchir à la façon dont la démocratie occidentale, dans ses deux versions, européenne et américaine, appréhende l’islam et à sa manière de « comprendre comment deux modèles prétendument si opposés aboutissent à la même problématique, de l’incompatibilité de l’islam avec les "valeurs" occidentales », comme elle l’écrit en introduction dans une formulation conclusive dès le début de l’enquête…
« Ground Zero » : point de départ de l’analyse
A travers une série d’anecdotes et après avoir très brièvement présenté la sociologie des musulmans américains, Nadia Marzouki entend présenter la façon dont l’Amérique vit l’islam et ses musulmans qui représentent 0,6 % de la population totale.
Son point de départ est la polémique la plus connue : celle des mosquées (un tiers d’entre elles a été construit entre 2000 et 2010) et plus particulièrement le « projet Cordoue », qui visait à faire bâtir une mosquée non loin de « Ground Zero », le site des attentats du 11-Septembre à New York. Dès les premières ébauches, des opposants s’étaient manifestés sur place et dans les média, dans un déchaînement parfois très virulent, pour refuser l’implantation du lieu de culte.
Les juges ont jusqu’à maintenant donné raison aux promoteurs du projet, considérant que le droit doit prévaloir sur les passions du moment.
Son point de départ est la polémique la plus connue : celle des mosquées (un tiers d’entre elles a été construit entre 2000 et 2010) et plus particulièrement le « projet Cordoue », qui visait à faire bâtir une mosquée non loin de « Ground Zero », le site des attentats du 11-Septembre à New York. Dès les premières ébauches, des opposants s’étaient manifestés sur place et dans les média, dans un déchaînement parfois très virulent, pour refuser l’implantation du lieu de culte.
Les juges ont jusqu’à maintenant donné raison aux promoteurs du projet, considérant que le droit doit prévaloir sur les passions du moment.
La mise en cause permanente de l’ « américanité » des musulmans
Pour l’auteur, le projet Cordoue est emblématique d’un rejet de l’islam. Il n’est pas le seul à avoir fait polémique mais il illustre une série de mobilisations aux Etats-Unis, organisées par quelques groupes radicalisés qui acceptent très mal l’implantation des mosquées sur le territoire américain, mélangent allègrement islam et terrorisme et n’hésitent pas à revendiquer l’identité chrétienne de la Fédération.
Nadia Marzouki estime que ces mobilisations – dont on ne sait pas trop, à la lire, à quel point elles sont intégrées et soutenues par l’opinion américaine – illustrent une mise en cause permanente et récurrente de « l’américanité » des musulmans. De manière paradoxale, ces attaques ont eu pour effet de mobiliser la communauté musulmane (autour des organisations comme CAIR par exemple) qui y a résisté grâce au droit américain, protecteur des libertés.
Nadia Marzouki estime que ces mobilisations – dont on ne sait pas trop, à la lire, à quel point elles sont intégrées et soutenues par l’opinion américaine – illustrent une mise en cause permanente et récurrente de « l’américanité » des musulmans. De manière paradoxale, ces attaques ont eu pour effet de mobiliser la communauté musulmane (autour des organisations comme CAIR par exemple) qui y a résisté grâce au droit américain, protecteur des libertés.
L’horizon paranoïaque d’une invasion de la charia
La deuxième controverse majeure des dernières années est le mouvement anti-charia qui a conduit quelques personnages à alerter contre une prétendue invasion de la loi coranique dans le système légal américain. Ces personnalités, peu nombreuses mais influentes, ont orchestré une mobilisation exigeant que les Constitutions des Etats intègrent un rejet explicite de la charia.
Une fois encore, les juges et le droit, appuyés par une mobilisation d’une partie des Démocrates et des Républicains, ont montré combien ces textes ne respectaient pas la Constitution fédérale.
Une fois encore, les juges et le droit, appuyés par une mobilisation d’une partie des Démocrates et des Républicains, ont montré combien ces textes ne respectaient pas la Constitution fédérale.
Un droit européen contraignant face à un droit américain libéral
Le livre de Nadia Marzouki est intéressant en ce qu’il décrit avec force de détails ces controverses et anecdotes et leurs issues juridiques. Sa conclusion laisse cependant le lecteur un peu hésitant : à la lire, on comprend que les Etats-Unis, comme l’Europe, ont un problème avec l’islam et traitent cette religion de la même manière.
Pourtant, son travail montre exactement le contraire : outre-Atlantique, la force de la liberté protégée par la Constitution triomphe des agitations et fièvres du moment, alors qu’en Europe, que ce soit avec un référendum en Suisse ou des lois (2004, 2010) en France, les textes juridiques contraignant la pratique de l’islam se multiplient.
A force de vouloir montrer que l’Amérique n’était peut être pas mieux que l’Europe, l’auteure semble en oublier les divergences profondes : alors qu’en Europe on utilise le droit pour contraindre, aux Etats-Unis il est le garant des libertés.
Pourtant, son travail montre exactement le contraire : outre-Atlantique, la force de la liberté protégée par la Constitution triomphe des agitations et fièvres du moment, alors qu’en Europe, que ce soit avec un référendum en Suisse ou des lois (2004, 2010) en France, les textes juridiques contraignant la pratique de l’islam se multiplient.
A force de vouloir montrer que l’Amérique n’était peut être pas mieux que l’Europe, l’auteure semble en oublier les divergences profondes : alors qu’en Europe on utilise le droit pour contraindre, aux Etats-Unis il est le garant des libertés.
La question de l’altérité dans des démocraties fondées sur la nation
Ces différences renvoient en réalité à des conceptions divergentes de la laïcité – sujet trop peu développé dans le livre – comme réponse à une problématique commune qu’on aurait aimé voir plus détaillée dans une réflexion sur la démocratie contemporaine : celle de la « nation » ou du « vivre-ensemble » au XXIe siècle, alors que la France organise des débats sur l’identité nationale, que l’Allemagne ou le Royaume-Uni s’interrogent sur leurs modèles d’intégration et qu’aux Etats-Unis, Samuel Huntington écrit Who Are We ?.
Nadia Marzouki effleure un sujet important : celui de l’acceptation et de la compréhension d’une altérité radicalement nouvelle dans des modèles démocratiques fondés sur la nation. Elle touche du doigt la question de savoir si et comment la démocratie fonctionne sans corps socioculturel homogène, comme le demandait Pierre Manent dans La Raison des nations (Gallimard, 2006). Sa réponse reste, malheureusement, trop partielle.
****************
Nadia Marzouki, L’Islam, une religion américaine ?, Ed. du Seuil, coll. « La couleur des idées », Paris, 2013, 307 pages, 22 €.
Nadia Marzouki effleure un sujet important : celui de l’acceptation et de la compréhension d’une altérité radicalement nouvelle dans des modèles démocratiques fondés sur la nation. Elle touche du doigt la question de savoir si et comment la démocratie fonctionne sans corps socioculturel homogène, comme le demandait Pierre Manent dans La Raison des nations (Gallimard, 2006). Sa réponse reste, malheureusement, trop partielle.
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Nadia Marzouki, L’Islam, une religion américaine ?, Ed. du Seuil, coll. « La couleur des idées », Paris, 2013, 307 pages, 22 €.
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