SaphirNews.com: Que pensez-vous de la pétition du CFCM réclamant une loi contre l'islamophobie en France ?
Maître Hassan TALEB : J'ai lu cette pétition lancée par le CFCM. J'ai également lu, sur Saphirnews, l'interview de Khalil Méroun, recteur de la mosquée d'Evry, réclamant une loi contre l'islamophobie parce qu'il y aurait une loi contre l'antisémitisme. Cette démarche qui part d'un bon sentiment est en réalité la résultante de l'ignorance totale et absolue de ces responsables de la communauté musulmane. C'est une démarche qui montre malheureusement leur incapacité à appréhender la réalité, d'y réfléchir afin d'y apporter des solutions appropriées. Cette démarche repose sur une erreur: il n'y a pas de loi en France qui réprime une seule forme de racisme ou qui protège une seule communauté ethnique ou religieuse. Il n'y a qu'une seule loi, c’est celle qui condamne le racisme sous toutes ses formes.
Au regard de la loi, le racisme c'est le fait de s'en prendre à un individu ou un groupe d'individus en raison de son origine (la loi ne dit pas laquelle) en raison de son ethnie (la loi ne dit pas laquelle), en raison de sa religion (la loi ne dit pas laquelle!)... Il n’y a donc pas lieu de réclamer une loi contre l’islamophobie. En revanche, la loi peut être appliquée de manière sélective, et il importe de s’interroger pourquoi ? Même si je ne me fais pas d’illusion sur des juges qui partagent les stéréotypes et préjugés répandus dans la société, mais en l’espèce, l’impunité de l’islamophobie relève plus de la passivité de la communauté musulmane que d’une application discriminatoire de la loi.
Voulez-vous dire qu'il n'y a pas de loi spécifique contre l'antisémitisme ?
Maître Hassan Taleb : Tout à fait... Et contrairement à ce que vous ont déclaré vos interlocuteurs, il n'y a pas de texte qui condamne de manière spécifique l'antisémitisme.
Vous avez, à titre d’exemple, l'article 32 de la loi de 1881 qui condamne la provocation à la haine raciale : le fait de susciter la haine à l'égard d'un individu ou d’un groupe d’individus en raison de son origine, de son ethnie ou de sa religion. Mais ce texte n'indique nullement la religion en question. il vaut donc pour toutes les religions.
Pourtant dans certaines affaires, on cite l'antisémitisme comme cause aggravante.
Maître Hassan Taleb : En effet, l’article 221-4 6° retient une circonstance aggravante en cas de meurtre commis sur une personne en raison de son origine, de sa religion.... Mais la loi ne précise ni cette origine, ni cette religion. Il ne faut pas confondre le langage courant ou médiatique avec le langage juridique.
Par exemple, rien que le mot « islamophobie » est un mot contesté. Pour des raisons historiques le mot « Antisémitisme » ne pose pas de telle question de reconnaissance.
Maître Hassan Taleb : Vous faites état de raisons historiques, mais moi je pose le problème en terme juridique puisque certains réclament une loi contre l’islamophobie... « Antisémitisme » est le terme qui désigne, dans le langage courant, le racisme dont les Juifs sont victimes. Mais ce terme n'est pas un terme juridique. Si vous cherchez dans l'index alphabétique du code pénal, vous ne trouverez pas le mot antisémitisme. C'est un mot qui existe, certes, mais il n'est pas un terme juridique. La loi utilise les termes de « racisme » ou « discrimination » pour viser toutes les formes de racisme. Et en cela, la pétition m'inspire plusieurs observations :
-je condamne cette démarche qui consiste à déterminer ses choix et ses orientations uniquement par rapport à ce que fait la communauté juive.
-Il est également affligeant d'entendre décrier une absence de loi, là où il y a bel et bien une loi. Et je crois que cette idée de pétition permet à ces dirigeants musulmans de ne pas assumer leurs responsabilités. Car si les actes d'islamophobie ne sont pas punis, si le sentiment religieux des musulmans n’est pas respecté, ce n'est pas en raison de l'absence de loi, mais plutôt parce que les responsables musulmans sont incapables de s'organiser pour se doter d’un outil efficace afin de combattre l’islamophobie ambiante et faire respecter judiciairement le sentiment religieux des musulmans.
-Je suis peiné de voir que par leur ignorance, ils présentent au gouvernement français une revendication impossible à satisfaire. Car voter une loi spécifique contre l'islamophobie, c'est entrer dans un engrenage où il faudra une loi spécifique pour chacune des nombreuses formes de racisme. Autant chercher à attraper le soleil, cela sera plus facile.
Que proposez-vous alors ?
Maître Hassan Taleb : Il fut un temps où je pensais qu’il fallait faire abstraction de toute cette littérature de la peur et islamophobe pour privilégier l’intégration économique, politique et sociale des musulmans de France. Mais je me suis rendu compte qu'en laissant ce champ libre, ce déferlement de haine, porté désormais par des intellectuels et journalistes de renom, est devenu tel que les islamophobes eux-mêmes ne connaissent plus de limites.
Sous couvert de la critique de l’islam, on se reconnaît le droit de pratiquer la provocation à la haine raciale à visage découvert. Des intellectuels, des medias et jusqu’à des enseignants véhiculent désormais toute une littérature sur « les crimes de Mahomet », laquelle était jusqu’à une époque récente l’apanage d’une partie de l’extrême droite. Cela a pour conséquences l’absence de tabous et de limites dès qu’il s’agit de musulmans et le risque de voir la communauté musulmane sombrer dans la stratégie de victimisation. Aujourd'hui, je pense que, dans l'intérêt de tous, face à cette escalade, il faut fixer des limites pour les uns et les autres.
Bien entendu, les musulmans doivent accepter la critique lorsqu'elle relève du débat démocratique. Mais il faut rétablir les limites légales pour que cette forme de racisme qu’est islamophobie ne reste plus impunie. D’ailleurs au-delà du combat contre le racisme, la loi devra également s’appliquer en matière de respect du sentiment religieux.
Prenons le cas des caricatures du Prophète, à entendre les débats publics, on a l'impression que le problème lié au sentiment religieux ne se pose qu'avec les musulmans. Or toutes les décisions de justice rendues ces vingt dernières années, à l'initiative exclusive d'associations catholiques, ont consacré le principe du respect du sentiment religieux. Et la cour européenne des droits de l'homme se montre encore plus protectrice du respect du sentiment religieux que le juge français.
Lorsqu'un journaliste prétend devant tous les médias de France et de Navarre qu'il a le droit de publier la caricature du Prophète avec un turban en forme de bombe, et que les musulmans y voient un acte de violence gratuit, il ne reste qu’une seule voie: saisir le juge et non présenter une revendication purement fantaisiste. Or, dans cette affaire, les musulmans ont été d'une passivité absolue et coupable. Compte tenu de la prolifération de cette littérature de la peur, à tous les niveaux, il faut absolument mettre les moyens à la hauteur de cet enjeu pour endiguer cette déferlante.
Quels moyens précis proposeriez-vous?
Maître Hassan Taleb : Le moyen est de créer un véritable observatoire qui aura un local, disposera de moyens humains et financiers conséquents, capable d'engager à plein temps des salariés qualifiés, des informaticiens, des juristes... des gens capables de traquer les dérives sur Internet et dans la presse. Cet observatoire bénéficiera d'un véritable pôle d'avocats spécialisés capables d'engager des procédures appropriées d’une redoutable efficacité. Il sera en mesure de réagir à chaque fois que cela est nécessaire en adaptant sa réaction selon la gravité de l’acte : d’un simple communiqué de presse jusqu’à des actions judiciaires.
La HALDE, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité existe déjà. Pourquoi ne pas l'amener à faire ce travail ?
Maître Hassan Taleb : Concrètement, l’objet de la HALDE est de lutter contre les discriminations et non de traquer la provocation à la haine raciale ou de faire respecter le sentiment religieux des musulmans.
Cet observatoire que vous proposez semble s'apparenter au CCIF, le Collectif contre l'islamophobie en France.
Maître Hassan Taleb : Je suis conscient de la motivation louable qui anime les responsables du CCIF. Mais cet organisme, démuni de moyens et dépourvu de statuts appropriés, est dans l’impossibilité de relever le défi de l’objectif qu’il s’était fixé. Face à l'ampleur de la tâche, leur activité donne l'effet d'un bricolage malgré leurs efforts.
Cela ne peut-il relever des attributions du CFCM ?
Maître Hassan Taleb : le CFCM peut jouer le rôle de fédérateur des différentes composantes de la communauté musulmane pour avoir la décence de conjuguer leurs efforts pour la création de cet outil aujourd’hui indispensable (même si, en paraphrasant Ibn Khaldoun, elles s’étaient mises d’accord pour ne pas se mettre d’accord).
Vous savez comme moi que chacune des fédérations du CFCM est plutôt soucieuse de la place qu'elle occupe vis-à-vis du gouvernement du pays d'origine ou du gouvernement français. Or il est important de répondre aujourd'hui à la demande de la base des musulmans de France qui veulent vivre dans ce pays comme n'importe quel citoyen: assumant leurs devoirs, exerçant leurs droits et respectés dans leur dignité. C'est une véritable urgence. Or il y a une défaillance totale du CFCM sur le sujet. Et si le CFCM et ses personnalités ne peuvent rien faire de concret, au moins ils peuvent se garder de lancer ce genre de pétition où ils demandent l'impossible, ce qui aggrave leur cas, et qui les ridiculise à la fois aux yeux de l'Etat et de leurs adversaires.
C'est ce qu'il essaye de faire avec sa pétition contre l'islamophobie.
Maître Hassan Taleb : J'ose espérer qu'ils vont arrêter immédiatement cette pétition. En tout cas, pour ce qui concerne Saphirnews.com, vous vous êtes fourvoyés en les suivant dans leur initiative. Vous avez laissé vos lecteurs croire qu'il était possible d'attraper le soleil!
Nous ne sommes pas des spécialistes du droit. Nous n'avons fait que rendre compte d'une initiative telle qu'elle était engagée.
Maître Hassan Taleb : C'est vrai, vous avez joué votre rôle de média. Mais dans cette affaire de caricatures par exemple, pas un seul journaliste n'a cherché à interroger un professionnel du droit pour savoir ce que dit la loi et la jurisprudence. A la rigueur, je dirai que nous en avons malheureusement l'habitude. Mais lorsque les responsables d'associations musulmanes racontent de telles idioties sans avoir pris le soin de consulter des professionnels du droit, alors ils dépassent les bornes. Et je dis qu'il faut arrêter cette pétition. C'est une véritable mascarade qui est révélatrice de l'incurie dans laquelle se trouve la communauté musulmane.
Que pensez-vous de la proposition de loi déposée par un député et soutenue par l’UAM 93 ?
Maître Hassan TALEB : je ne doute pas de la sincérité des dirigeants de l’UAM 93 dans leur engagement. Qu’ils me permettent de former des objections dans un esprit constructif :
-le Juge français n’a pas attendu cette proposition de loi pour condamner, justement dans le cadre d’une caricature, une chaîne de télévision qui a mêlé la croix gammée à la croix du Christ. Cette proposition de loi est donc inutile.
-le droit en vigueur permet de sanctionner les abus de la liberté d’expression et il suffit que la communauté musulmane se donne les moyens pour en bénéficier.
Soutenir cette proposition de loi qui, en apparence rétablit la censure religieuse, aggrave le cas des musulmans français dont l’image est déjà catastrophique. Surtout lorsque l'on prie « Messieurs les députés » d’adopter cette proposition de loi pour « améliorer l’image de la France dans les pays arabo-musulman.» Un citoyen français, fût-il de confession musulmane, peut légitimement réclamer le respect de ses droits sur la base du principe d’égalité et non pour améliorer l’image de la France dans les « pays arabo-musulman ».
-Enfin, la lutte légitime contre le racisme anti-musulman autorise-t-elle des alliances contre nature et de circonstance avec des politiciens les plus réactionnaires sur l’échiquier politique?
L’on ne peut combattre le racisme efficacement avec ceux qui clament le rôle positif de la colonisation.
Maître Hassan TALEB : J'ai lu cette pétition lancée par le CFCM. J'ai également lu, sur Saphirnews, l'interview de Khalil Méroun, recteur de la mosquée d'Evry, réclamant une loi contre l'islamophobie parce qu'il y aurait une loi contre l'antisémitisme. Cette démarche qui part d'un bon sentiment est en réalité la résultante de l'ignorance totale et absolue de ces responsables de la communauté musulmane. C'est une démarche qui montre malheureusement leur incapacité à appréhender la réalité, d'y réfléchir afin d'y apporter des solutions appropriées. Cette démarche repose sur une erreur: il n'y a pas de loi en France qui réprime une seule forme de racisme ou qui protège une seule communauté ethnique ou religieuse. Il n'y a qu'une seule loi, c’est celle qui condamne le racisme sous toutes ses formes.
Au regard de la loi, le racisme c'est le fait de s'en prendre à un individu ou un groupe d'individus en raison de son origine (la loi ne dit pas laquelle) en raison de son ethnie (la loi ne dit pas laquelle), en raison de sa religion (la loi ne dit pas laquelle!)... Il n’y a donc pas lieu de réclamer une loi contre l’islamophobie. En revanche, la loi peut être appliquée de manière sélective, et il importe de s’interroger pourquoi ? Même si je ne me fais pas d’illusion sur des juges qui partagent les stéréotypes et préjugés répandus dans la société, mais en l’espèce, l’impunité de l’islamophobie relève plus de la passivité de la communauté musulmane que d’une application discriminatoire de la loi.
Voulez-vous dire qu'il n'y a pas de loi spécifique contre l'antisémitisme ?
Maître Hassan Taleb : Tout à fait... Et contrairement à ce que vous ont déclaré vos interlocuteurs, il n'y a pas de texte qui condamne de manière spécifique l'antisémitisme.
Vous avez, à titre d’exemple, l'article 32 de la loi de 1881 qui condamne la provocation à la haine raciale : le fait de susciter la haine à l'égard d'un individu ou d’un groupe d’individus en raison de son origine, de son ethnie ou de sa religion. Mais ce texte n'indique nullement la religion en question. il vaut donc pour toutes les religions.
Pourtant dans certaines affaires, on cite l'antisémitisme comme cause aggravante.
Maître Hassan Taleb : En effet, l’article 221-4 6° retient une circonstance aggravante en cas de meurtre commis sur une personne en raison de son origine, de sa religion.... Mais la loi ne précise ni cette origine, ni cette religion. Il ne faut pas confondre le langage courant ou médiatique avec le langage juridique.
Par exemple, rien que le mot « islamophobie » est un mot contesté. Pour des raisons historiques le mot « Antisémitisme » ne pose pas de telle question de reconnaissance.
Maître Hassan Taleb : Vous faites état de raisons historiques, mais moi je pose le problème en terme juridique puisque certains réclament une loi contre l’islamophobie... « Antisémitisme » est le terme qui désigne, dans le langage courant, le racisme dont les Juifs sont victimes. Mais ce terme n'est pas un terme juridique. Si vous cherchez dans l'index alphabétique du code pénal, vous ne trouverez pas le mot antisémitisme. C'est un mot qui existe, certes, mais il n'est pas un terme juridique. La loi utilise les termes de « racisme » ou « discrimination » pour viser toutes les formes de racisme. Et en cela, la pétition m'inspire plusieurs observations :
-je condamne cette démarche qui consiste à déterminer ses choix et ses orientations uniquement par rapport à ce que fait la communauté juive.
-Il est également affligeant d'entendre décrier une absence de loi, là où il y a bel et bien une loi. Et je crois que cette idée de pétition permet à ces dirigeants musulmans de ne pas assumer leurs responsabilités. Car si les actes d'islamophobie ne sont pas punis, si le sentiment religieux des musulmans n’est pas respecté, ce n'est pas en raison de l'absence de loi, mais plutôt parce que les responsables musulmans sont incapables de s'organiser pour se doter d’un outil efficace afin de combattre l’islamophobie ambiante et faire respecter judiciairement le sentiment religieux des musulmans.
-Je suis peiné de voir que par leur ignorance, ils présentent au gouvernement français une revendication impossible à satisfaire. Car voter une loi spécifique contre l'islamophobie, c'est entrer dans un engrenage où il faudra une loi spécifique pour chacune des nombreuses formes de racisme. Autant chercher à attraper le soleil, cela sera plus facile.
Que proposez-vous alors ?
Maître Hassan Taleb : Il fut un temps où je pensais qu’il fallait faire abstraction de toute cette littérature de la peur et islamophobe pour privilégier l’intégration économique, politique et sociale des musulmans de France. Mais je me suis rendu compte qu'en laissant ce champ libre, ce déferlement de haine, porté désormais par des intellectuels et journalistes de renom, est devenu tel que les islamophobes eux-mêmes ne connaissent plus de limites.
Sous couvert de la critique de l’islam, on se reconnaît le droit de pratiquer la provocation à la haine raciale à visage découvert. Des intellectuels, des medias et jusqu’à des enseignants véhiculent désormais toute une littérature sur « les crimes de Mahomet », laquelle était jusqu’à une époque récente l’apanage d’une partie de l’extrême droite. Cela a pour conséquences l’absence de tabous et de limites dès qu’il s’agit de musulmans et le risque de voir la communauté musulmane sombrer dans la stratégie de victimisation. Aujourd'hui, je pense que, dans l'intérêt de tous, face à cette escalade, il faut fixer des limites pour les uns et les autres.
Bien entendu, les musulmans doivent accepter la critique lorsqu'elle relève du débat démocratique. Mais il faut rétablir les limites légales pour que cette forme de racisme qu’est islamophobie ne reste plus impunie. D’ailleurs au-delà du combat contre le racisme, la loi devra également s’appliquer en matière de respect du sentiment religieux.
Prenons le cas des caricatures du Prophète, à entendre les débats publics, on a l'impression que le problème lié au sentiment religieux ne se pose qu'avec les musulmans. Or toutes les décisions de justice rendues ces vingt dernières années, à l'initiative exclusive d'associations catholiques, ont consacré le principe du respect du sentiment religieux. Et la cour européenne des droits de l'homme se montre encore plus protectrice du respect du sentiment religieux que le juge français.
Lorsqu'un journaliste prétend devant tous les médias de France et de Navarre qu'il a le droit de publier la caricature du Prophète avec un turban en forme de bombe, et que les musulmans y voient un acte de violence gratuit, il ne reste qu’une seule voie: saisir le juge et non présenter une revendication purement fantaisiste. Or, dans cette affaire, les musulmans ont été d'une passivité absolue et coupable. Compte tenu de la prolifération de cette littérature de la peur, à tous les niveaux, il faut absolument mettre les moyens à la hauteur de cet enjeu pour endiguer cette déferlante.
Quels moyens précis proposeriez-vous?
Maître Hassan Taleb : Le moyen est de créer un véritable observatoire qui aura un local, disposera de moyens humains et financiers conséquents, capable d'engager à plein temps des salariés qualifiés, des informaticiens, des juristes... des gens capables de traquer les dérives sur Internet et dans la presse. Cet observatoire bénéficiera d'un véritable pôle d'avocats spécialisés capables d'engager des procédures appropriées d’une redoutable efficacité. Il sera en mesure de réagir à chaque fois que cela est nécessaire en adaptant sa réaction selon la gravité de l’acte : d’un simple communiqué de presse jusqu’à des actions judiciaires.
La HALDE, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité existe déjà. Pourquoi ne pas l'amener à faire ce travail ?
Maître Hassan Taleb : Concrètement, l’objet de la HALDE est de lutter contre les discriminations et non de traquer la provocation à la haine raciale ou de faire respecter le sentiment religieux des musulmans.
Cet observatoire que vous proposez semble s'apparenter au CCIF, le Collectif contre l'islamophobie en France.
Maître Hassan Taleb : Je suis conscient de la motivation louable qui anime les responsables du CCIF. Mais cet organisme, démuni de moyens et dépourvu de statuts appropriés, est dans l’impossibilité de relever le défi de l’objectif qu’il s’était fixé. Face à l'ampleur de la tâche, leur activité donne l'effet d'un bricolage malgré leurs efforts.
Cela ne peut-il relever des attributions du CFCM ?
Maître Hassan Taleb : le CFCM peut jouer le rôle de fédérateur des différentes composantes de la communauté musulmane pour avoir la décence de conjuguer leurs efforts pour la création de cet outil aujourd’hui indispensable (même si, en paraphrasant Ibn Khaldoun, elles s’étaient mises d’accord pour ne pas se mettre d’accord).
Vous savez comme moi que chacune des fédérations du CFCM est plutôt soucieuse de la place qu'elle occupe vis-à-vis du gouvernement du pays d'origine ou du gouvernement français. Or il est important de répondre aujourd'hui à la demande de la base des musulmans de France qui veulent vivre dans ce pays comme n'importe quel citoyen: assumant leurs devoirs, exerçant leurs droits et respectés dans leur dignité. C'est une véritable urgence. Or il y a une défaillance totale du CFCM sur le sujet. Et si le CFCM et ses personnalités ne peuvent rien faire de concret, au moins ils peuvent se garder de lancer ce genre de pétition où ils demandent l'impossible, ce qui aggrave leur cas, et qui les ridiculise à la fois aux yeux de l'Etat et de leurs adversaires.
C'est ce qu'il essaye de faire avec sa pétition contre l'islamophobie.
Maître Hassan Taleb : J'ose espérer qu'ils vont arrêter immédiatement cette pétition. En tout cas, pour ce qui concerne Saphirnews.com, vous vous êtes fourvoyés en les suivant dans leur initiative. Vous avez laissé vos lecteurs croire qu'il était possible d'attraper le soleil!
Nous ne sommes pas des spécialistes du droit. Nous n'avons fait que rendre compte d'une initiative telle qu'elle était engagée.
Maître Hassan Taleb : C'est vrai, vous avez joué votre rôle de média. Mais dans cette affaire de caricatures par exemple, pas un seul journaliste n'a cherché à interroger un professionnel du droit pour savoir ce que dit la loi et la jurisprudence. A la rigueur, je dirai que nous en avons malheureusement l'habitude. Mais lorsque les responsables d'associations musulmanes racontent de telles idioties sans avoir pris le soin de consulter des professionnels du droit, alors ils dépassent les bornes. Et je dis qu'il faut arrêter cette pétition. C'est une véritable mascarade qui est révélatrice de l'incurie dans laquelle se trouve la communauté musulmane.
Que pensez-vous de la proposition de loi déposée par un député et soutenue par l’UAM 93 ?
Maître Hassan TALEB : je ne doute pas de la sincérité des dirigeants de l’UAM 93 dans leur engagement. Qu’ils me permettent de former des objections dans un esprit constructif :
-le Juge français n’a pas attendu cette proposition de loi pour condamner, justement dans le cadre d’une caricature, une chaîne de télévision qui a mêlé la croix gammée à la croix du Christ. Cette proposition de loi est donc inutile.
-le droit en vigueur permet de sanctionner les abus de la liberté d’expression et il suffit que la communauté musulmane se donne les moyens pour en bénéficier.
Soutenir cette proposition de loi qui, en apparence rétablit la censure religieuse, aggrave le cas des musulmans français dont l’image est déjà catastrophique. Surtout lorsque l'on prie « Messieurs les députés » d’adopter cette proposition de loi pour « améliorer l’image de la France dans les pays arabo-musulman.» Un citoyen français, fût-il de confession musulmane, peut légitimement réclamer le respect de ses droits sur la base du principe d’égalité et non pour améliorer l’image de la France dans les « pays arabo-musulman ».
-Enfin, la lutte légitime contre le racisme anti-musulman autorise-t-elle des alliances contre nature et de circonstance avec des politiciens les plus réactionnaires sur l’échiquier politique?
L’on ne peut combattre le racisme efficacement avec ceux qui clament le rôle positif de la colonisation.