Singulier destin que celui d’Ismaÿl Urbain, saint-simonien musulman dont on commémore cette année le bicentenaire. Né en Guyane française sous le nom de Thomas Appoline, il est le fils d’un négociant marseillais installé à Cayenne, Urbain Brue, et d’une femme noire de condition libre, Marie-Gabrielle Appoline.
Cette double appartenance, dans une France coloniale, paternaliste et raciste, le jeune Thomas emploiera sa vie à en dépasser les contradictions. D’une manière originale. Si son père a refusé de lui transmettre son nom, il a néanmoins veillé à son éducation.
A Marseille où il l’envoie étudier, le jeune Thomas Appoline échangera le prénom de sa mère (Appoline) contre celui de son père, Urbain, pour marquer d’autorité sa filiation paternelle, blanche et métropolitaine. C’est à Marseille, en 1830, qu’il découvre avec enthousiasme le saint-simonisme, un mouvement de pensée qui se propose de bâtir une société nouvelle, fraternelle et pacifique, grâce aux progrès de la science et de l’industrie.
C’est avec les saint-simoniens qu’il embarque pour l’Egypte en 1832. Sur cette terre d’Afrique, terre des origines, Thomas Urbain, professeur de français à l’école militaire de Damiette et descendant d’esclaves, apprendra l’arabe, se convertira à l’islam et deviendra Ismaÿl Urbain.
Cette double appartenance, dans une France coloniale, paternaliste et raciste, le jeune Thomas emploiera sa vie à en dépasser les contradictions. D’une manière originale. Si son père a refusé de lui transmettre son nom, il a néanmoins veillé à son éducation.
A Marseille où il l’envoie étudier, le jeune Thomas Appoline échangera le prénom de sa mère (Appoline) contre celui de son père, Urbain, pour marquer d’autorité sa filiation paternelle, blanche et métropolitaine. C’est à Marseille, en 1830, qu’il découvre avec enthousiasme le saint-simonisme, un mouvement de pensée qui se propose de bâtir une société nouvelle, fraternelle et pacifique, grâce aux progrès de la science et de l’industrie.
C’est avec les saint-simoniens qu’il embarque pour l’Egypte en 1832. Sur cette terre d’Afrique, terre des origines, Thomas Urbain, professeur de français à l’école militaire de Damiette et descendant d’esclaves, apprendra l’arabe, se convertira à l’islam et deviendra Ismaÿl Urbain.
Un musulman contraint de baptiser sa fille
L’islam, qui, écrit-il, « a été plus généreux, plus fraternel, presque maternel, pour les Noirs et plus accueillant pour leurs pratiques que le christianisme » est aussi la religion grâce à laquelle il se réalisera, aussi bien en tant que Français que plus généralement en tant qu’homme.
En 1837, il est recruté à Alger comme interprète militaire. Il sert alors sous les ordres du général Bugeaud et du duc d’Orléans. Il participera à la prise de la Smala de l’émir Abdelkader, mais, précise-t-il dans une lettre du 28 mai 1843, comme « un bon interprète », c’est-à-dire « l’épée au fourreau », et non comme un guerrier.
Affecté à la Direction de l’Algérie au ministère de la Guerre en 1848, il fait la connaissance de l’émir, alors détenu à Pau. L’homme suscite d’emblée sa sympathie et son admiration. Leurs échanges confortent Ismaÿl Urbain dans la conviction que la France doit traiter les musulmans d’Algérie non plus comme des vaincus mais comme de futurs citoyens, et leur donner ainsi des raisons de chérir leur appartenance à la nation.
Confronté à la terrible réalité de la conquête coloniale, tant dans sa vie familiale ‒ en 1857, il a été contraint de faire baptiser sa fille ‒ que par ses fonctions militaires et administratives, le saint-simonien avait progressivement abandonné son orientalisme romantique pour une arabophilie militante.
En 1837, il est recruté à Alger comme interprète militaire. Il sert alors sous les ordres du général Bugeaud et du duc d’Orléans. Il participera à la prise de la Smala de l’émir Abdelkader, mais, précise-t-il dans une lettre du 28 mai 1843, comme « un bon interprète », c’est-à-dire « l’épée au fourreau », et non comme un guerrier.
Affecté à la Direction de l’Algérie au ministère de la Guerre en 1848, il fait la connaissance de l’émir, alors détenu à Pau. L’homme suscite d’emblée sa sympathie et son admiration. Leurs échanges confortent Ismaÿl Urbain dans la conviction que la France doit traiter les musulmans d’Algérie non plus comme des vaincus mais comme de futurs citoyens, et leur donner ainsi des raisons de chérir leur appartenance à la nation.
Confronté à la terrible réalité de la conquête coloniale, tant dans sa vie familiale ‒ en 1857, il a été contraint de faire baptiser sa fille ‒ que par ses fonctions militaires et administratives, le saint-simonien avait progressivement abandonné son orientalisme romantique pour une arabophilie militante.
Artisan d'un « Royaume arabe »
Son engagement en faveur d’une politique de « régénération » des autochtones fut constant. Cette politique devait être le fruit de l’action sociale, notamment par le biais de l’enseignement. Son expertise certaine des affaires algériennes lui avait valu de devenir le conseiller de Napoléon III. L’empereur lui donnera dans une certaine mesure les moyens d’appliquer sa politique dite du « Royaume arabe », au grand dam des colonistes spoliateurs et suprémacistes.
L’auteur de L’Algérie pour les Algériens (1861) et de L’Algérie française, indigènes et immigrants (1862), permettra ainsi de consolider la propriété foncière des tribus, de faire ouvrir des écoles et des collèges franco-arabes, mais aussi des médersas (écoles supérieures islamiques). Il contribuera de même à la modernisation de la justice musulmane.
Ce « soldat de la société », pourfendeur des injustices et des préjugés, a ainsi vécu en croyant, fidèle à l’islam, au saint-simonisme et aux idéaux de la République. Il repose aujourd’hui dans le cimetière chrétien d’Alger, où il fut inhumé en musulman, au pied de Notre-Dame d’Afrique.
Première parution de cet article dans Zaman , le 29 novembre 2013.
L’auteur de L’Algérie pour les Algériens (1861) et de L’Algérie française, indigènes et immigrants (1862), permettra ainsi de consolider la propriété foncière des tribus, de faire ouvrir des écoles et des collèges franco-arabes, mais aussi des médersas (écoles supérieures islamiques). Il contribuera de même à la modernisation de la justice musulmane.
Ce « soldat de la société », pourfendeur des injustices et des préjugés, a ainsi vécu en croyant, fidèle à l’islam, au saint-simonisme et aux idéaux de la République. Il repose aujourd’hui dans le cimetière chrétien d’Alger, où il fut inhumé en musulman, au pied de Notre-Dame d’Afrique.
Première parution de cet article dans Zaman , le 29 novembre 2013.